LES MALHEURS DE TITIMOUN
Alain LANDY novembre 2023
Conte à réfléchir
Version 1
Conte à inventer
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Lorsque j’étais enfant, mes parents m’avaient acheté ces livrets dans leur version des années 50. Et ce sont Épaminondas et Sophie, les héros de ces « contes à éduquer », qui m’ont inspiré pour écrire cette aventure de Titimoun.
Épaminondas, jeune garçon trop docile, est le personnage principal d’un conte africain qui porte son nom. Ce jeune garçon trop obéissant comprendra, un peu tard, qu'il vaut mieux réfléchir avant d'obéir aveuglément et adapter le conseil à la situation. Sa simplicité est prétexte à de réjouissants jeux de langage. Quant à Sophie, elle tente d'être une petite fille modèle mais n'en fait qu'à sa tête au grand désespoir de tous. Heureusement, Épaminondas et Sophie sont entourés par des proches qui prennent soin d'eux et qui apportent une attention particulière à leur éducation.
L’œuvre originale d'Epaminondas date de 1907 et celle des malheurs de Sophie de 1858.
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LECTURE : du dessin à la lettre.
Le A dans tous ses états
« La lecture n’a pas commencé avec l’écriture, elle a commencé par le dessin »
Dessin préhistorique
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Titimoun est un petit garçon guyanais très obéissant, peut-être même trop obéissant.
A cause de cela, il va lui arriver plein de malheurs et il va vivre de nombreuses mésaventures.
Imagine une histoire à partir des illustrations suivantes, puis compare-la avec le conte qui suit les illustrations.
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Questions pistes : de la lecture d’images et de texte à l’écriture d’une histoire.
LES PERSONNAGES
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Titimoun
La grand-mère
La maman
Le chien créole
Le vieux sage
De l’image au texte : on invente une histoire à partir des images puis on lit le texte de l’auteur et on compare. Suivre le lien explicatif :
https://www.tousalecole.fr/content/lecture-dimage
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« La manière d'obéir fait le mérite de l'obéissance. » Chevalier de Méré
Yé krik, yé krak...
Il était une fois un petit garçon Guyanais qui s’appelait Jean mais, il était si petit, que tout le monde l’appelait Titimoun.
Le premier chant du pipiri réveilla Titimoun.
Il s’assit sur son lit, enfila son short et son t-shirt et mit son chapeau de paille sur sa tête.
Puis, Titimoun prit son sac de sport et ouvrit la porte de la case en disant à voix haute :
- Passe une bonne journée, maman !
- Embrasse ta grand-mère de ma part Titimoun... et tire bien les seaux du puits.
- Ne t’inquiète pas maman, je serai aussi fort que mon papa.
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Au lever du jour, oiseaux et animaux reprennent joyeusement leurs conversations et la forêt guyanaise se remplit de chants et de rumeurs.
Titimoun avança rapidement sur la terre rouge du layon.
A l’heure où le soleil commence à chauffer fort, il s’arrêta à l’ombre d’un grand fromager qui s’élève près de la première case du village où habite sa grand-mère. Puis, il se mit à chanter une vieille chanson créole que la vieille dame lui a apprise.
Sa grand-mère apparut alors sur le seuil de sa case.
La grand-mère de Titimoun n’est pas n’importe qui : c’est une Fanm Djòk qui s’habille presque toujours avec une gol d’abati bleu en drill et qui porte en permanence une lachat sur sa tête ronde.
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En apercevant son petit-fils, elle éclaira son visage ridé d’un grand sourire.
- Bonjour Titimoun. Comment vas-tu mo ti boug ?
- Bonjour, grand-mère, mo byen ! Viens que je t’embrasse de la part de ma maman.
- Je te remercie d’être venu remplir mes jarres d’eau.
Titimoun saisit une grande jarre de terre cuite derrière la case et s’achemina vers le puits du village. Comme plusieurs personnes faisaient la queue, le petit garçon attendit tranquillement son tour.
Lorsque sa jarre fut pleine, il la souleva avec difficulté et la porta jusqu’à la case de sa gangan. En suant et en soufflant, il revint six fois encore. Il avait ainsi rempli sept jarres pour les sept jours de la semaine.
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La grand-mère, dans sa chaise de repos, lui dit alors :
- Tu as affronté la chaleur du soleil guyanais. Maintenant bois, mange et repose-toi.
Titimoun se désaltéra d’un grand verre d’eau de coco, croqua une galette créole et s’allongea sur le petit lit que sa grand-mère avait gardé pour lui.
- Maintenant dors, mon enfant, c’est l’heure de faire la sieste.
Dans la bonne odeur de la case de sa gangan, Titimoun s’endormit rapidement.
Après la sieste, pour le remercier, la vieille dame lui donna une gourmandise appétissante.
- Voilà un gros morceau de gâteau au manioc et au lait de coco que tu rapporteras chez toi pour le partager avec ta maman.
- Merci grand-mère, je vais le mettre dans mon sac.
- Ce n’est pas une bonne idée, mon garçon, il va s’abîmer dans ton sac ! Il vaudrait mieux que tu le tiennes bien serré dans ta main droite.
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En chemin, le jeune garçon suivit exactement les conseils de sa grand-mère. Il serra de toutes ses forces la pâtisserie. Ses cinq petits doigts firent de grands trous dans le gâteau, la pâte s’effrita en miettes qui s’égrenèrent sur le sol et sa main devint toute poisseuse.
En le voyant arriver, sa maman mit ses mains sur les hanches et écarquilla les yeux :
- Titimoun, mais… que m’apportes-tu là ?
- Un bon gâteau au manioc et au lait de coco que m’a donné grand-mère.
Sa mère tchipa et hocha la tête :
- Titimoun ! Titimoun ! Qu’as-tu fait du bon sens que je t’ai donné quand tu es né ? Pour porter un morceau de gâteau, tu dois l’envelopper dans du papier fin, le mettre dans ton chapeau et poser le chapeau sur ta tête. As-tu bien compris Titimoun ?
- Oui maman.
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La semaine suivante, Titimoun retourna chez sa Grand-mère. Il faisait tellement chaud que les feuilles des bananiers pendaient tristement et que la gangan n’avait plus la force de quitter sa chaise de repos.
Titimoun entra dans la case et s’inclina :
- Bonjour, grand-mère.
- Tu es venu par cette grosse chaleur ! Je t’en remercie car toutes mes jarres sont vides.
Titimoun partit remplir les sept jarres, puis revint boire de l’eau de coco et manger une galette créole.
- Rends-moi service petit garçon, demanda la gangan. Évente-moi car il fait si chaud que je n’arrive pas à m’endormir pour la sieste.
Titimoun prit alors un walwari et l’agita devant le visage parfumé de sa grand-mère. Quand elle s’endormit en souriant de bien-être, il se coucha à son tour sur son petit lit.
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A son réveil, la grand-mère lui donna un gros morceau de beurre et lui dit :
- Fais bien attention pendant le voyage.
- Ne t’inquiète pas, grand-mère, je suis un garçon très obéissant.
Une fois sorti du village, Titimoun prit dans son sac le grand morceau de papier fin qu’il avait apporté, déposa le beurre dans le papier, le papier dans son chapeau et le chapeau sur sa tête.
Et comme il faisait très très chaud, le beurre ramollit, se mit à fondre et de petits ruisseaux jaunes dégoulinèrent sur ses cheveux crépus, sur son front, sur le bout de son nez et glissèrent jusqu’à ses pieds.
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En le voyant arriver, sa mère mit ses mains sur ses hanches et écarquilla les yeux :
- Titimoun ! Que m’apportes-tu là ?
- Du beurre bien frais que m’a donné ma grand-mère.
- Titimoun ! Titimoun ! Qu’as-tu fait du bon sens que je t’ai donné quand tu es né ? Pour transporter du beurre, tu dois l’envelopper dans de larges feuilles de bananier et, le long du chemin, le tremper souvent dans l’eau d’un puits ou d’un pripri. As-tu bien compris ce que je t’ai dit ?
- Oui, maman.
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La semaine suivante, une violente pluie tomba pendant la nuit, transformant la terre en boue rougeâtre. Pourtant Titimoun se dépêcha, pressé de connaître le cadeau que sa grand-mère lui offrirait.
Dès qu’il arriva au pied du grand fromager, il cria :
- Bonjour grand-mère ! Comment vas-tu ce matin ?
- Bienvenue mon garçon ! Quitte bien tes souliers avant d’entrer. Tu viens honorer ta grand-mère par tes bonnes paroles et tes actes généreux… Pendant que tu rempliras mes jarres, j’irai faire une course.
La vieille dame enfila ses chaussures et s’éloigna de sa case. Titimoun alla sept fois au puits. Ensuite, il entra dans la case, but, mangea, s’allongea sur son petit lit pour se reposer et attendit le retour de sa gangan.
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Il était impatient de curiosité. Il écoutait les bruits du village : voix qui rient, qui chantent et qui bavardent, bêlements de chèvres, grognements de cochons. Puis, soudain, un aboiement plaintif, tout proche de la case.
Alors la Grand-mère apparut, tenant un joli petit chien créole dans ses bras.
- C’est pour toi, dit-elle.
- Merci, merci ! Merci ! s’exclama Titimoun en courant vers sa grand-mère, je te dis mille fois merci !
- Tu feras attention à ne pas le fatiguer pendant ton voyage du retour.
- Sois tranquille grand-mère.
Dès que le village eut disparu derrière les arbres, Titimoun cueillit de grandes feuilles de bananier dans lesquelles il enveloppa le petit chien.
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Il attacha soigneusement le paquet avec des lianes et délicatement le trempa dans l’eau du premier pripri qu’il rencontra.
Le petit chien but la tasse, s’étouffa, hoqueta, tremblota, son poil était trempé et ses yeux étaient gonflés et rougis.
- Titimoun, que m’apportes-tu là ? demanda sa maman.
- C’est un petit chien créole que m’a donné ma grand-mère.
- Titimoun, Titimoun ! Qu’as-tu fait du bon sens que je t’ai donné quand tu es né ? Pour ramener un cadeau comme celui-là, tu le poses par terre, tu prends une longue corde, tu attaches un bout de la corde à son cou et tu le tires doucement avec l’autre bout… comme ça. As-tu bien compris ce que je t’ai dit ?
- Oui, maman.
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Une semaine plus tard, il faisait grand vent sur toute la Guyane. Quand Titimoun arriva devant la case de sa grand-mère, son corps et son visage étaient gris de poussière.
- Mon garçon, n’apporte pas la poussière de tout notre pays dans ma case . Avant de remplir la première jarre, tu te verseras un grand seau d’eau sur la tête.
Après la sieste, la grand-mère lui donna une belle galette créole.
- Fais bien attention à cette galette qui est encore toute chaude, toute dorée, toute croustillante.
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Dès qu’il eut rejoint la forêt, Titimoun posa la galette à terre, saisit une fine liane qui pendait à un palmier, l’attacha d’un côté à la galette et de l’autre la serra dans sa main.
Puis, il tira lentement la pâtisserie derrière lui.
Et la galette traîna dans la poussière, se fendilla, s’écorna, s’émietta, et devint une petite boule informe et toute sale au bout de la liane.
Lorsqu’il arriva chez lui, sa maman secoua la tête, tchipa à plusieurs reprises et alla s’assoir sur une chaise de sa cuisine en se prenant la tête entre les mains.
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La semaine suivante, pendant que le pipiri chantait le lever du jour, Titimoun resta couché dans son lit, la tête à moitié cachée sous ses draps. D’un œil, il regarda sa mère qui enfilait ses sandales. Elle se dirigea vers le four, en sortit six beaux pâtés créoles qu’elle déposa sur le pas de la porte.
Avant de partir, elle se peigna longuement devant son miroir puis se retourna et expliqua à son fils :
- Je mets les pâtés ici à refroidir. Ainsi, quand tu sortiras, tu feras bien attention en passant dessus. As-tu bien compris ?
Lorsque la maman disparut, Titimoun se leva et se dit :
- Je vais être très obéissant et faire bien attention en passant sur les pâtés.
Avec une extrême attention, il posa fermement un pied, puis l’autre, sur chaque pâté.
Lorsque sa mère découvrit les six pâtés soigneusement écrasés sur le seuil de sa case, sa main était alors prête à se remplir de gifles.
Titimoun ouvrit de grands yeux effrayés.
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Au crépuscule, Titimoun se rendit chez l’homme le plus sage du village.
Arrivé chez lui, il s’inclina devant un vieux monsieur, assis devant sa case.
- Sois le bienvenu, dit le vieil homme. Qu’est-ce qui t’amène au milieu de la nuit ?
- Je viens te demander les paroles qui disent la vérité.
- Et, que veux-tu savoir ?
- Je veux savoir pourquoi, alors que je suis toujours très obéissant, je me fais toujours gronder par ma maman.
Et il raconta ses dernières mésaventures.
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Lorsque le vieux sage eut entendu les malheurs de Titimoun, il se mit à rire.
Et comme Titimoun le dévisageait d’un air stupéfait, il ajouta :
Le prenant par la main, le vieil homme accompagna le jeune garçon jusqu’à sa case.
Titimoun aura-t-il compris la leçon et suivra-t-il les conseils du vieux sage ?
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Bonne journée en Guyane