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Le dévoilement en stage: une sorte de « coming-out » anxiogène?�Résultats de 3 années d’échange avec le Québec

David LALOY

Jeudi 18 avril 2024

Matinée de travail de la ChESI du Pôle Louvain

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Contexte d’émergence �du projet de partage d’expertise ��

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AUDREY BIGRAS 

ROCH DUCHARME

EMILIE ROBERT 

DAVID LALOY

JEAN-POL LAUWENS

Équipe et partenaires

MARCO GAUDREAULT 

SUZIE TARDIF

FATIMA LAHMIDI

MARIE-NOËLLE SCOYER

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Échéanciers du projet

JANVIER

2020

JANVIER

2021

JUIN

2021

FÉVRIER

2022

JUIN

2022

Mission

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(virtuel)

organisée par

Mission

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(virtuel)

organisée par

Mission

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(virtuel)

organisée par

Mission

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au Québec (présentiel)

Organisée par

Mission

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au Québec (présentiel)

Organisée par

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  • De nombreux témoignages de plusieurs catégories de personnes pendant les missions :
    • 6 étudiant.e.s en situation de handicap
    • 10 membres du personnel enseignant chargé de la coordination des stages
    • 12 personnes représentant les services de soutien aux étudiantes et étudiants en situation de handicap dans les établissements
    • 16 personnes représentant des organismes de soutien aux personnes en situation de handicap
    • 12 chercheurs et chercheuses

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Sources des connaissances partagées

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Sources des connaissances partagées��

  • 15 entretiens semi-dirigés en Belgique auprès de stagiaires en situation de handicap (étudiant.e.s dans les domaines social, santé et éducation)
  • 15 entretiens avec des représentant.e.s de milieux de stage (dans les mêmes domaines d’activité)
  • Écrits scientifiques

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Des stages qui constituent une période critique mais qui restent des zones d’ombre �

  • Les stages comme période critique :
    • Phénomènes d’abandon suite à un stage, parfois en fin de parcours d’étude (Monfette, 2021).
    • Phénomènes de découragement, d’échecs (Bergeron-Leclerc & Simard, 2019).
    • Des aménagements principalement pour les cours et les examens (Philion et al. 2016) mais non ou difficilement transférables sur le lieu de stage. 15% des ÉÉSH ont des aménagements en stage (Dufour et al. 2019).
    • Difficultés décuplées pour les ÉÉSH: anxiété de performance, stress etc. Impact sur les performances de l’étudiant.e (Philion et al., 2019) et sur sa persévérance�(Dufour et al. 2019).

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Des stages qui constituent une période critique mais qui restent des zones d’ombre �

  • Les milieux de stage peu ou pas outillés (Lessard, 2018).
  • Les stages comme « zones d’ombre » 🡪 Étudier le stage comme un moment de « transition »* entre milieu scolaire et milieu professionnel.

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 *Nous définissons la « transition » comme le passage d’un système à un autre, avec des modalités de fonctionnement, des règles, des modalités de prises en charge variables. Pour l’étudiant.e, cela peut être vécu comme un moment de fragilisation, d’insécurisation.

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  1. Contexte du projet p. 4
  2. Quelques définitions et illustrations pour mieux se comprendre p. 16
  3. Enjeux et défis pour les stagiaires en situation de handicap p. 30
  4. Des préjugés et des mythes à déconstruire p. 42
  5. Plus-value de l’inclusion pour les milieux professionnels p. 61

  • Stratégies de sensibilisation p. 68
  • Bonnes pratiques pour favoriser l’inclusion et diminuer l’anxiété du dévoilement p. 71
  • Ressources, outils et services p. 78
  • Cadre légal p. 88
  • Conclusion p. 95
  • Références bibliographiques p. 98

Table des matières du document de sensibilisation

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Le dévoilement au cœur des enjeux pour les stagiaires en situation de handicap� ��

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Le défi du dévoilement sur les épaules des stagiaires

Se poser la question du dévoilement indique que le milieu de stage n’est pas encore suffisamment inclusif.

La personne étudiante n’est pas obligée de dévoiler son handicap, et si elle le fait, c’est à elle de le décider, et de le faire à sa manière.

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CONSTAT:

Certain.e.s ÉÉSH ne souhaitent pas se “dévoiler”

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Les raisons du non-dévoilement

  • Pour éviter les étiquettes, par crainte des réactions de l’entourage professionnel, pour ne pas être réduit.e à son handicap
  • Pour faire son stage comme tout le monde, dans les mêmes conditions, sans être « surprotégé.e »
  • Pour éviter la pénibilité de devoir « prouver » son statut d’étudiant.e en situation de handicap 
  • Par crainte que le dévoilement réduise les chances d’obtenir le stage

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« J'ai retéléphoné à un lieu de stage que j'avais trouvé en septembre passé. Ils m'ont dit oui mais j'ai pas su la voir une seconde fois pour lui parler en vrai de ma santé et du coup, j'ai dû le faire par téléphone. Et je me suis faite refusée notamment à cause de ça. En glissant : voyez maintenant ça va parfois faire prendre des risques et mettre en danger… (…) »

Chaimae, future éducatrice spécialisée (maladie invalidante)

LE DÉFI DU DÉVOILEMENT : LES CRAINTES

Que le dévoilement réduise les chances de trouver un stage

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LE DÉFI DU DÉVOILEMENT : LES CRAINTES

Pour éviter les étiquettes

« C'est un petit peu déstabilisant de le dire (sa dyslexie): on se présente, on dit bonjour je suis Marie, je suis dyslexique… c'est comme si je disais: bah je me suis faite opérer quatre fois.

Enfin c'est des choses qui sont à moi je vais dire. Mais je dois me présenter sous une étiquette donc je sais pas moi, ça me déstabilise un peu de le dire.

Aussi parce qu’après j'ai peur qu'il ne regarde que ça… »

Marie, future institutrice (dyslexique)

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LE DÉFI DU DÉVOILEMENT : LES CRAINTES

Pour faire son stage comme tout le monde, sans être « sur-protégé.e » ou « excusé.e »

« Moi, je ne le dis pas et généralement quand je m’applique, ça ne se remarque pas tant que ça. On dit juste : Attention à l’orthographe. Et puis, je ne veux pas trouver cela comme excuse. J’aime pas qu’on me dise : C’est normal. »

Alison, future institutrice (dyslexique)

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« C’est à moi de tout expliquer à l'équipe concernant ma vue mais le souci c’est que les infirmières sont toujours débordées et qu’en plus je dois l’expliquer à 15 personnes… Certains vont être compréhensifs, d'autres pas. »

Albus, futur infirmier (malvoyant)

LE DÉFI DU DÉVOILEMENT : LES CRAINTES

Pour éviter de devoir répéter à plusieurs personnes son statut d’ÉÉSH

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Le dévoilement →  une sorte de « coming out » anxiogène.

Cette situation est synonyme d'anxiété et génère beaucoup de stress, ce qui peut influencer négativement les réelles capacités des stagiaires (+ prophétie autoréalisatrice)*.

Ils ne savent pas quand et à qui parler de leur handicap et sont en recherche du moment où ils pourront en parler.

*Situation dans laquelle quelqu'un qui prédit ou s'attend à un événement, souvent négatif, modifie ses comportements en fonction de ses croyances, ce qui a pour conséquence de faire advenir la prophétie (Wikipedia.org).

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Des préjugés et des mythes qui renforcent l’anxiété du dévoilement� ��

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Être confronté.e aux préjugés ��

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  • Les pratiques inclusives et les mesures d’aide auraient un coût. 
  • Le handicap serait un frein à l’acquisition des compétences.
  • Éviter de parler du handicap, adapter les tâches confiées pour éviter de mettre l’étudiant.e en difficulté, seraient des attitudes bienveillantes. 
  • Le handicap vu par la négative, uniquement comme déficience
  • Les bénéficiaires pourraient être mis en danger.
  • Tout reposerait sur les épaules de l’employeur.
  • Il y a « eux » et « nous ».

Quelques idées reçues des milieux de stage à l’égard des personnes en situation de handicap :

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE« Les pratiques inclusives et les mesures d’aide sont coûteuses »

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Certes, les aménagements et les mesures d’aide prennent, dans une première étape, du temps et des ressources, mais…

LE DÉFI DU DÉVOILEMENT : LES CRAINTES

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Des économies à plus long terme

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L’accueil d’un travailleur en situation de handicap est l’occasion de réfléchir à des nouveaux outils, une nouvelle organisation du travail, dont tout le monde profitera!

Des économies à plus long terme

DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE« Les pratiques inclusives et les mesures d’aide sont coûteuses »

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Les ÉÉSH arrivés en enseignement supérieur seraient davantage conscient.e.s de leurs forces et faiblesses que les autres étudiant.e.s, car ils ont dû relever beaucoup de défis, adapter leur style d’étude pendant leur parcours, mobiliser de nombreuses ressources, développer des compétences qui leur ont permis d’arriver jusqu’aux études supérieures, ce que les autres étudiant.e.s n’ont pas nécessairement développé (De Clercq et Dangoisse, 2020).

Des stages qui se passent très bien, des étudiant.e.s avec beaucoup plus de ressources qu’on imagine, qui développent des formes de compensation, des ressources pour acquérir malgré tout les compétences.

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE« Le handicap vu par la négative, uniquement comme déficience »

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE « Le handicap est un frein à l’acquisition des compétences »

Il faut toujours favoriser une approche au cas par cas. Selon la situation, un ÉÉSH peut développer des ressources et des habilités qui lui permettront d’acquérir la compétence

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•Certes, certains handicaps « brusquent » certaines compétences, mais…:

Il y a une incompatibilité entre le handicap et les compétences à acquérir au stage = capacitisme.

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE Le handicap vu comme une « ressource » dans l’acquisition d’une compétence��

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« En fait une veine, même quand elle se voit bien, c'est pas forcément la bonne qu'il faut piquer. Parce qu'il faut vraiment la toucher. En fait, il vaut mieux piquer une veine qu'on sent qu'une veine qu'on voit! C'est d’ailleurs ce qu'on dit à l'école et du coup bah ça c'est ce qui marche le mieux (pour moi) »

Albus, futur infirmier, malvoyant

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE « Les bénéficiaires pourraient être mis en danger »

D’après les entretiens réalisés en Belgique, les ÉÉSH ont une conscience importante des limites liées à leur handicap et mettent tout en œuvre pour éviter les risques pour les publics.

  • Par ailleurs, le parcours de l’ÉÉSH donne parfois une certaine sensibilité aux problématiques rencontrées par les publics destinataires de l’action sociale, éducative, médicale…
  • Leur « expertise du vécu » peut être un atout dans la rencontre et l’accompagnement de certains publics.

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« Voilà c’est ça mais j'essaie toujours de me mettre du côté ou je peux tirer en arrière et rattraper avec mon bras gauche. »

Salomé, future ergothérapeute (handicap au bras) 

DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE La conscience de certains ÉÉSH concernant les risques pour le public

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« Tout ce qui est trucs et astuces que moi j'ai appris, des choses qui moi, me facilitent la vie, les enfants ils vont peut-être les prendre plus facilement. Je vois les difficultés que j'ai donc qu’ils peuvent avoir.

Puis, au niveau différenciation il y a tout un monde hein… je l'ai vécu. Donc je sais que chaque enfant a besoin de certaines choses. 

Comme je l'ai vécu, je sais ce que ça fait de rien comprendre! »

Alisson, future institutrice primaire (dysorthographique & dyslexique)

DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE La « sensibilité » de certain.e.s ÉÉSH concernant les problématiques de publics accompagnés

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE Des attitudes pensées comme bienveillantes mais qui ne le sont pas

En pensant bien faire, on peut avoir tendance:

  • A éviter d’aborder le sujet, de prononcer le mot “handicap”, pour éviter de blesser l’interlocuteur;
  • A excuser l’étudiant.e si elle ne parvient pas à réaliser certaines tâches en raison de son handicap → stigmatisant;
  • A traiter l’étudiant.e à partir des connaissances qu’on a du type de handicap → déterminisme;
  • A adapter les exigences, baisser les standards d’évaluation du fait du handicap;
  • A surprotéger la personne, en lui épargnant certaines tâches, en évitant de la mettre en échec.

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE Des attitudes pensées comme bienveillantes mais qui ne le sont pas

Ce sont des attitudes qui, même si elles partent d’une bonne intention, correspondent à du capacitisme car cela revient à protéger l’ÉÉSH en raison des limitations supposées en lien avec son handicap.

Rappel du droit à l’échec pour tous les étudiant.e.s.

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIRE « C’est l’employeur qui doit tout faire… sans soutien »

L’employeur n’est pas tout seul à devoir « bricoler » un accueil et un accompagnement adapté à la situation d’un ÉÉSH.

Il est tout à fait normal de se sentir démuni, peu outillé, pas assez formé pour accueillir un ÉÉSH de manière adéquate.

De nombreuses ressources, de nombreux outils existent (cf. liste d’outils, ressources).

De nombreux services sont à l’écoute et peuvent vous apporter un soutien (cf. liste de services).

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIREIl y a « eux » et « nous »

Vision restrictive de la diversité:

La catégorie “handicapé” et ses déclinaisons, sont de “pures vues de l’esprit, (...) [elles] nient la singularité de chacun, produit d’une histoire contingente. Elles prétendent ordonner la diversité humaine (...) rebelle à toute catégorisation” �(Gardou & Laplantine, 2014: 48).

Cela conduit à “une réduction de la personne à une seule de ses caractéristiques”.

(Gardou & Laplantine, 2014: 49).

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DES PRÉJUGÉS ET DES MYTHES À DÉCONSTRUIREIl y a « eux » et « nous »

  • On peut tous potentiellement être en situation de handicap dans un contexte particulier (ex.: compétences numériques).
  • Le handicap “renvoie à des situations singulières que chacun est susceptible de vivre à un moment donné de son existence (...)” (Gardou & Laplantine, 2014: 44)

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Bonnes pratiques pour favoriser l’inclusion et diminuer l’anxiété du dévoilement��

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Bonnes pratiques pour favoriser l’inclusion��

  • d’abord une question d’attitude et de savoir-être
  • soigner l’accueil de l’étudiant.e et la communication avec le partenaire de l’enseignement

  • se décentrer: sortir du modèle de la performance, reconnaître le «droit à l’échec», le droit à la vulnérabilité
  • prendre conscience de la diversité qui existe déjà dans l’équipe 
  • accepter de se sentir démuni, peu outillé, et de faire appel aux nombreuses ressources et services qui peuvent apporter un soutien

Être inclusif, c’est :

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D’abord une question d’attitude et de savoir-être�

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Être inclusif, c’est :

  • Accueillir la diversité de manière bienveillante, sans préjugés;
  • Aller à la rencontre de l’autre en tant qu’individu dans sa globalité, et pas à partir d’une de ses caractéristiques;
  • Construire un climat favorisant l’écoute, la communication et l’expression des diverses facettes de son identité;
  • La tolérance, l’ouverture, la remise en question de ses préjugés… sont des attitudes qui favorisent l’inclusion.

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Bonnes pratiques de tutorat: soigner l’accueil de l’étudiant.e et la communication avec le partenaire de l’enseignement

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  • Soigner l’accueil et l’accompagnement dans le cadre des stages pour tout le monde conduira à rendre le milieu plus inclusif.
  • L’importance du stage dans la formation et le développement de l’autodétermination des étudiant.e.s.
  • Responsabilité sociale des entreprises: le rôle qu’elles peuvent jouer dans la formation des futur.e.s professionnel.le.s de leur secteur, et dans la future insertion des étudiant.e.s.

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Une invitation au “décentrement"

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Se décentrer = prendre distance avec nos modèles de références (performance, normalité, rentabilité, compétences, autonomie…) et adopter le point de vue de l’Autre → cela suppose aller à sa rencontre et reconnaître le « droit à l’échec », le droit à la vulnérabilité.

  • Cela ne veut pas dire connaître les différents types de handicap et leurs caractéristiques avant d’accueillir un ÉÉSH

→ insurmontable, contreproductif, mais aussi stigmatisant

→ important d’accueillir tout étudiant comme individu dans son unicité/totalité, dont le handicap est une des caractéristiques.

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Prendre conscience de la diversité qui existe déjà dans l’équipe 

Être inclusif ne consiste pas à accueillir la diversité au sein de son organisation.

Ouvrir les yeux sur le fait que cette diversité y est déjà présente.

→ différentes personnalités au travail, différentes façons de travailler, de s’exprimer, de communiquer, logiques différentes…

Tenter de tirer profit de cette diversité!

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Faire appel aux ressources et services

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  • Il est tout à fait légitime d’avoir des craintes, des peurs, un manque de connaissance, concernant l’accueil de personnes en situation de handicap.
  • Il est important de prendre conscience de ces craintes, et également de certains préjugés, pour ensuite les déconstruire.
  • De nombreuses ressources et de nombreux services peuvent vous accompagner dans ce cheminement.

Accepter de se sentir démuni, peu outillé, et de faire appel aux nombreuses ressources et services qui peuvent apporter un soutien