La forêt, comment la gérer durablement ?
Daniel MATHIEU, Collectif de la Pierre de Saint Martin
décembre - 2021
C’est quoi une forêt ?
Définition de l’IGN : Toute surface boisée de plus de 50 ares (5 000 m2) comportant des arbres pouvant atteindre 5 m de hauteur, boisée à plus de 10% et d’au moins 20 m de large
Une forêt peut être naturelle : apport des semences par le vent, les animaux (geai, écureuil…) sur une prairie ou un champ abandonné
Ou artificielle : plantation par les hommes
Elle peut être diversifiée : différentes essences, différents âges
Ou régulière : 1 seule essence, arbres du même âge (plantation forestière)
C’est quoi une forêt ?
Sur le plan biologique : une forêt est constituée de plusieurs “strates”
C’est quoi une forêt ?
Question : une forêt monospécifique de résineux, est elle une FORÊT ?
De nombreux auteurs ne considèrent pas ce milieu comme une forêt, mais comme une culture, tout comme l’est un champ de maïs en agriculture.
La définition de la forêt dépend donc de la façon dont on la considère : sous l’angle économique ou écologique
Les fonctions de la forêt
Fonction écologique : source de biodiversité animale, végétale et microbienne
Fonctions régulatrices : collecte, filtration et épuration de l’eau, filtration de l’air, atténuation sonore, ambiance forestière humide
Fonction climatique : stockage du carbone, absorption de la chaleur
Fonction récréative : randonnée, chasse, champignons
Fonction productive : bois d’oeuvre, bois d’industrie, bois énergie
Souvent la forêt n’est perçue que dans sa dimension productive, la seule qui soit mesurable économiquement
La naissance de la forêt
En partant d’une terre abandonnée : trois grands stades
Stade 1 : les plantes ligneuses et pérennes s’installent : fougères, ronces, genêts…
Stade 2 : installation des arbres et arbustes pionniers : noisetier, sureau, prunellier...
Stade 3 : sous le couvert, émergence des arbres de haut jet : chênes, frênes, érables…
Les semences sont apportées par le vent (samares) ou par les animaux (geai, écureuil)
La forêt qui pousse ainsi est une futaie : les arbres sont issus de graines
Si on coupe les arbres et qu’ensuite qu’on les laisse repousser, il s’agit d’un taillis
Son devenir...
Le devenir de la forêt dépend de l’intervention humaine
Pas d’intervention : la forêt évolue lentement vers son stade “climacique” au bout d’un à deux siècles. Elle est diversifiée, très riche biologiquement, mais non productive
Exploitation traditionnelle en taillis : elles est coupée régulièrement (20 à 40 ans) pour produire du bois énergie, des piquets, des échalas… Elle s’appauvrit à terme par l’export de ses nutriments
Exploitation en coupe rase et plantation : généralement en résineux (douglas). Elle perd sa diversité et se fragilise (sécheresse, ravageurs…), mais rapporte beaucoup !
Coupe rase sans replantation : bois énergie en grande quantité, mais catastrophique pour le climat et l’environnement. Repousse en taillis, lente et sans valeur
Exploitation irrégulière en couvert continu : on intervient régulièrement (10 ans) en éclaircie (10 à 20 %) pour sélectionner les arbres d’avenir (bois d’oeuvre) et produire du bois énergie en sous-produit : elle produit de la richesse, mais garde sa diversité
Les coupes rases
Facilité d’exploitation : travail mécanisable, utilisation d'abatteuses et de gros porteurs pour dégager le bois. Solution de facilité.
Mais :
La plus mauvaise façon d’exploiter la forêt, mais la plus courante, qui permet de toucher du cash, rapidement, sans se préoccuper de l’avenir
Peut on gérer la forêt autrement ?
Ne rien faire
C’est la solution la plus répandue : parcelles petites, isolées, difficiles à exploiter
Gérer en taillis
Bois de brûlage, piquets, échalas. Coupe régulière tous les 20 à 30 ans. De moins en moins pratiquée
Planter des résineux (Douglas)
Très pratiqué sur les hauteurs. Coûteux à la plantation, mais rapporte beaucoup à moyen terme (40 ans). Mais ATTENTION, solution risquée pour l’avenir (changements climatiques) et nulle pour la biodiversité !
Gestion diversifiée et en couvert continu
Viser la production de bois de qualité tout en fournissant du bois énergie en sous produit.
Gestion diversifiée en couvert continu
La meilleure solution !
Encouragée par les gestionnaires qui sont favorables à un équilibre entre économie et écologie : méthode PROSILVA
Accroissement du capital sur pied tout en produisant un revenu de façon régulière (éclaircies)
Favorable au climat : stockage continu de carbone dans le bois et dans le sol
Très favorable à l’environnement : grande biodiversité, préservation des sols, régulation de l’eau et de l’humidité ambiante
Meilleure résistance aux aléas climatiques : sécheresses, tempêtes, insectes
Production de bois d’oeuvre de qualité : douglas, chênes, hêtres, frênes...
Gestion diversifiée en couvert continu
Mais alors, pourquoi ne s’impose t elle pas ?
Gestion sur le long et très long terme : 150 ans pour récolter un beau chêne
Donc pas de gros bénéfices immédiats, mais un accroissement régulier du capital
Parcellaire très petit et dispersé (0,5 ha en moyenne) ne permettant pas une gestion rigoureuse (plan de gestion, certification, exploitation). Regroupement nécessaire.
Propriétaires peu ou mal informés, sous la pression des marchands de bois prêts à tout raser…
Peu d’entreprises susceptibles d’exploiter raisonnablement la forêt : engins trop gros, peu ou pas d’aides pour ce type de gestion, emploi de plus de main d’oeuvre et moins de mécanique…
Car trop de demande pour ce type d’intervention !
Gestion diversifiée en couvert continu
Mais les choses évoluent...
Pression exercée par la société contre l’exploitation sauvage de la forêt et l’enrésinement massif (presse, manifestations…)
Création de Groupements Forestiers qui achètent des bois pour les gérer responsablement : CERF VERT dans le Rhône, Forêt en Vie à l’échelle nationale...
Des collectifs s’organisent pour favoriser une prise de conscience face aux enjeux environnementaux : Réseau pour les Alternatives Forestières, Canopée, Prosilva...
Gestion diversifiée en couvert continu
Un exemple de gestion sur Vauxrenard
Un Groupement Forestier Familial : Les Grandes Terres, créé en 2014, une trentaine d’ha sur Trades et Vauxrenard. 20% de douglas et 80% de feuillus
Regroupement des parcelles par acquisitions et échanges
Mise en place d’un plan simple de gestion (PSG) et certification PEFC
Plantation diversifiée suite aux dégâts des tempêtes : chênes (sessile et pubescent), Pin Laricio de Corse, Douglas en régénération naturelle
Eclaircie en amélioration des taillis et futaie : 10 % des arbres seulement, débardage au cheval, vente du bois localement (120 stères en 2021)
MERCI POUR VOTRE ATTENTION