Projet de loi 15: Non à la mise sous tutelle médicale de la pratique sage-femme !
Déjà plus de 13000 citoyen-nes, professionnel-les de la santé, organisations de la société civile et personnalités publiques ont signé cette lettre.*
En déposant son volumineux projet de réforme au printemps dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, souhaitait « rendre le système de santé plus efficace ». Pour ce faire, le ministre misait entre autres sur une meilleure collaboration entre les différents professionnels au sein du réseau et une diminution du poids des médecins dans les processus décisionnels. Nobles intentions, diront certains…
Subordination médicale
La semaine dernière (semaine du 10 septembre), alors que se poursuivait l’étude détaillée du projet de loi 15 à l’Assemblée nationale, les véritables objectifs du ministre se sont précisés : placer les sages-femmes sous la hiérarchie d’un directeur médical et soumettre leur travail à l’évaluation d’un conseil professionnel composé à forte majorité de médecins où elles seront toujours minoritaires. Les sages-femmes perdront l’autonomie professionnelle pour laquelle elles se sont battues pendant près d’un demi-siècle.
Car, faut-il le rappeler les sages-femmes conçoivent l’accouchement comme un processus biologique normal qui appartient à la personne, porteur d’une signification profonde pour la femme et sa famille.
C’est ni plus ni moins la mise sous tutelle médicale de la pratique sage-femme que le projet de loi 15 est en train d’opérer, et ce, sans que les principales intéressées – les sages-femmes et les usagères – n’aient pu être consultées. Ce qui est en train de se décider, c’est la fin de la profession des sages-femmes telle qu’elle a été revendiquée jusqu’à ce jour.
Une atteinte aux droits fondamentaux
L’année 2024 marquera le 25e anniversaire de la légalisation de la pratique sage-femme au Québec et de son intégration au sein du réseau de la santé. Cette légalisation a été le fruit d’autant d’années de lutte pour la reconnaissance de cette profession essentielle qui mise sur la liberté de décision des femmes.
Depuis longtemps, les femmes réclament de pouvoir choisir leur lieu de naissance, de choisir le type de soins qu’elles souhaitent recevoir tout au long de leur grossesse, durant l’accouchement et dans les semaines qui suivent celui-ci.
Si la pratique sage-femme et les maisons de naissance où elle est offerte ont pu se développer malgré les préjugés auxquels les sages-femmes font face, c’est précisément grâce à leur autonomie professionnelle, protégée par des structures et mécanismes prévus dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux actuelle.
Près de 25 ans plus tard, voilà que le ministre menace de saper les bases mêmes sur lesquelles s’est pourtant construite et déployée la profession.
Avec ce projet de loi, les femmes et les personnes enceintes sont en droit de se demander si, en bout de piste, elles pourront toujours disposer de leur droit fondamental de choisir par et pour elles-mêmes ce qu’elles considèrent le plus souhaitable et respectueux pour leur grossesse, leur accouchement et leur bébé.
Pouvoir choisir, sera-t-il encore possible ?
Plusieurs situations cliniques qui sont actuellement abordées en profondeur et discutées par la famille et la sage-femme seront sujettes à des limitations. Discuter, cela prend du temps. Des rendez-vous de 45 minutes à une heure, c’est un des éléments les plus appréciés et importants des suivis avec une sage-femme.
Placer les sages-femmes sous la surveillance d’autres professionnels qui pratiquent dans un paradigme de soins différent et distinct favorisera l'accroissement d’une approche pathologique de la grossesse et de l’accouchement. Vivre un accouchement vaginal après césarienne (AVAC) en maison de naissance ou à la maison; décider des dépistages de diabète de grossesse ou d’échographies, c’est possible avec un suivi sage-femme. Tous des choix qui sont menacés.
Avec l’élaboration de règles qui devront être approuvées par le corps médical ainsi que le manque de sages-femmes disponibles pour accompagner les familles dans cet événement majeur, nous demandons: pouvoir choisir d’accoucher à la maison, est-ce que ça sera encore possible?
Les données probantes issues d’études savantes ainsi que les recommandations des instances internationales en santé, telle que l’OMS, confirment les impacts positifs de la pratique sage-femme autonome, centrée sur l’accompagnement de la physiologie du parcours périnatal.
L’heure est à la mobilisation
Nous, signataires de cette lettre, lançons aujourd’hui un appel à une vaste mobilisation citoyenne pour empêcher la mise sous tutelle médicale de la pratique sage-femme au Québec. « Ni pape, ni juge, ni médecin, ni conjoint, c’est aux femmes de décider! », un slogan toujours d’actualité.
Monsieur le Ministre, soyons clair.e.s : nous ne nous laisserons pas faire!
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