Nous sommes des groupes communautaires, militants, écologistes et syndicaux vivement préoccupés par les impacts du projet de loi 57 « visant à protéger les élus et favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions», déposé par la ministre Laforest le 10 avril 2024.
Nous reconnaissons qu'il existe des enjeux bien réels de harcèlement, d’intimidation et de violence qui sont vécus par des personnes élues, surtout des femmes et des personnes issues des minorités, autant de la part d’individus, que des élu-e-s entre eux et elles. Le problème est sérieux et mérite qu’on s’y penche avec attention pour identifier les bonnes solutions qui amélioreront la situation.
Nous constatons, toutefois, que le chapitre 1 du projet de loi 57 n’apporte pas de solution adéquate à la problématique, tandis qu’il présente des risques sérieux d’atteintes aux droits et libertés. D’autant plus qu’il existe déjà des recours légaux pour répondre aux menaces, au harcèlement ou à la violence envers toute personne, incluant les personnes élues.
La nouvelle loi contient des notions trop larges et ne distingue pas, d’une part, les menaces avérées envers des personnes élues et, d’autre part, la participation démocratique, l’action politique citoyenne et la contestation sociale. Ces formes d’action politique sont pourtant au cœur d’une société démocratique saine, basée sur la justice sociale et la défense des droits humains.
Nous constatons déjà depuis plusieurs années un durcissement du traitement de l’action politique, notamment celle se tenant dans les conseils municipaux ou aux bureaux de circonscription. Pourtant, ces actions font partie des moyens d’expression à disposition des citoyens et citoyennes. Cette limitation des espaces de participation ou de contestation face aux décisions prises par les élu-e-s n’améliore pas le climat social et nous fait raisonnablement craindre des utilisations abusives de la nouvelle loi proposée dans le projet de loi 57.
Nous avons à cœur notre démocratie et considérons que la liberté d’expression et de manifestation en sont des composantes essentielles. Les escamoter ou s'en remettre aux tribunaux pour interpréter la nouvelle loi est une avenue qui, en plus de créer des dénis de droits, ne viendra pas diminuer le harcèlement envers les élu-e-s.
Nous souhaitons que la ministre Laforest, plutôt que d’adopter en vitesse le projet de loi 57, en retire le chapitre 1 et se penche en profondeur sur l’enjeu fort important du harcèlement vécu par les élu-e-s. Des consultations plus larges permettrait d’entendre la société civile, de tenir compte des droits et libertés protégés par les Chartes québécoise et canadienne, et de se pencher sur les rapports qui font état de recommandations intéressantes notamment au niveau de l’éducation et la sensibilisation.
Une telle démarche ferait d’une pierre deux coups : éviter de créer de nouveaux problèmes en termes d'atteinte à la liberté d'expression et identifier les bonnes solutions pour les élu-e-s.