Le rôle des communes, c’est aussi de faire vivre
des espaces démocratiques
Les enjeux entourant la gestion de l’eau ont
atteint un niveau de tension inégalé : tensions sur la ressource en elle-même,
tensions entre ses utilisateurs, tensions entre toutes celles et ceux qui
s’engagent dans le débat autour de la gestion de l’eau. Les événements de la
semaine autour du Village de l’eau et des manifestations à venir cristallisent
ces tensions.
De nombreux élus, tous bords confondus,
s’expriment avec force contre les violences en marge de certaines
manifestations, encore lors d’un rassemblement la semaine dernière à Melle.
D’autres élus, associations, militants, dénoncent quant à eux des violences
institutionnelles, ou témoignent d’usages violents disproportionnés de la force
publique.
Force est de constater que depuis plusieurs
années, la capacité à contester, questionner ou même s’exprimer
démocratiquement sur le sujet de la gestion de l’eau s’amenuise : intimidation
des organisateurs, participants et communes accueillantes de manifestations;
interdictions récurrentes de ces mêmes manifestations; remise en question du
soutien public aux associations environnementales ou culturelles osant
s’exprimer à ce sujet; mépris de certains corps intermédiaires dans les
instances publiques; cristallisation du traitement médiatique sur “la forme” de
mobilisations plutôt que sur le fond. Les appels de centaines d’élus à la mise
sur pied d’une gouvernance publique et d’un dialogue encadré, dans les
Deux-Sèvres, sont restés sans réponse. Tout semble fait pour étouffer tout
questionnement au sujet des projets de “méga bassines”, alors même que, encore
récemment, tout ou partie de plusieurs de ces projets ont été annulés par la
justice.
Or, la violence est un constat d’échec de la
régulation publique et démocratique des désaccords. Comment prévenir les
violences sans espaces d’expression, de respiration démocratiques ? Comment
mieux proposer des alternatives à l’expression par la violence qu’en recréant
des espaces de dialogue, de débat ?
C’est le rôle des institutions publiques que de se
saisir de cette responsabilité. Et c’est singulièrement à l’échelle des
communes que peuvent être accueillis, ces espaces indispensables en démocratie.
On assiste par ailleurs à une même tendance de
remise en question des lieux de promotion d’alternatives, d’échanges, de
formation. Le risque d’affaiblissement d’une forme de diversité d’engagement,
pourtant nécessaire à la vitalité de notre vie politique, menace.
La commune de Melle a choisi d’accueillir, dans un
cadre légal et encadré, le Village de l’eau, organisé par deux structures
syndicale et associative. C’est un espace certes militant, mais ouvert, festif,
non violent, pédagogique, qui s’inscrit pleinement dans l’exercice des libertés
fondamentales de notre République : liberté d’expression, libertés
associatives, libertés culturelles… Ce faisant, la commune est pleinement dans
son rôle, en favorisant l’existence de ces espaces démocratiques, et en
s’appuyant sur ses compétences pour en assurer le cadre légal et sécuritaire
approprié. Ainsi, nous apportons tout notre soutien à l’équipe municipale de
Melle quant à son choix d’accueillir le Village de l’eau, qui ne saurait être
confondu, dans ses intentions comme dans ses modalités, avec les violences
survenues lors de la dernière manifestation de Sainte Soline.
Il est urgent d’oser ouvrir ces espaces de
dialogue, puis de co-construction, sans quoi ces tensions politiques
deviendront, demain, des tensions concrètes et autrement plus violentes autour
du partage effectif de la ressource essentielle à notre survie à toutes et à
tous, l’eau.