Pétition contre les destructions sur la route al-Fardos qui éventre la Nécropole du Caire
Les signataires de cette pétition expriment leur indignation face aux opérations de rénovation urbaine qui ont touché récemment le secteur nord de la Nécropole médiévale des mamelouks au Caire.
En effet, le projet de réalisation d’une voie express en viaduc, censée traverser ce site d’est en ouest, a entraîné la démolition de dizaines de tombeaux défigurant un espace qui conserva son homogénéité architecturale pour plus d’un siècle. Cet espace fait partie intégrante d’un gigantesque continuum funé-raire, situé à l’Est du Caire et connu sous le nom de « désert des mamelouks ». Il renferme les com-plexes funéraires des sultans et des princes de la dynastie des mamelouks (1250-1517) considérés comme étant des chefs d’œuvre de l’architecture funéraire dans tout le monde musulman. Citons à titre d’exemples, les complexes des sultans Qaytbay, Faraj ibn Barquq, de Inal et de Qurqumas, que viennent côtoyer des mausolées isolés à coupoles, ensemble formant un tableau fascinant que les peintres euro-péens ont peint pour la postérité.
Les tombes plus récentes de l’aristocratie et de la bourgeoisie égyptienne qui bordent ces monuments médiévaux au nord, fondés au tout début de la première moitié du siècle dernier, n’en sont pas moins incomparables de part leurs qualités architecturales et constructives. Et bien que ce legs funéraire de la modernité ne suscite pas les mêmes attentions accordées au patrimoine médiéval, il n’en possède pas moins de valeurs historique, architecturale, symbolique et culturelle. Il inclut les dernières demeures des notables égyptiens de l’aire libérale, fondateurs de l’Egypte moderne et militants pour son indépendance. Leurs tombes familiales offrent une typologie architecturale exceptionnelle et d’une extrême variété. Il s’agit de tombes somptueuses qui ressemblent à des villas et possèdent plusieurs corps de bâtiments s’ouvrant sur des cours internes et dont les surfaces varient de plusieurs dizaines à des centaines de mètres carrés. A l’analyse minutieuse, on trouvera peut-être mille ans d’histoire, mais déjà des multitudes de procédés de construction, des influences, des réminiscences et surtout le désir de se représenter à travers la tombe marquant l’importance culturelle que la sépulture représente dans la société égyptienne. Ces lieux, que les voyageurs arabes ont qualifié au moyen âge de « merveille du monde » continuent encore de nos jours à fasciner les touristes étrangers.
Ainsi, le ministère des antiquités et l’organisme d’harmonie urbaine (National organisation for urban har-mony, NOUH) ont classé en 2006 en tant que zone protégée la cité des morts au Caire qui comprend les grandes nécropoles Est et Sud ainsi que le petit cimetière de Bab-al Nasr (loi 119 de 2008). Elle fut ainsi intégrée au périmètre de sauvegarde du Caire historique, classé patrimoine de l’humanité en 1979. Une autre mesure avait été prise en 2006 en faveur du classement sur la liste du patrimoine national, des tombes de personnalités importantes ou de valeurs architectural exceptionnelles (loi 144 de 2006).
Rappelons que La voie express en cours passe à moins de deux cent mètres des monuments mame-louks risquant entre autre, de porter atteinte à leur sauvegarde.
Y avait-il d’autres alternatives ?
Proposé il y a quelques années, ce projet fut rejeté par NOUH et les spécialistes, archéologues et archi-tectes urbanistes. Ils ont suggéré par ailleurs la création d’un tunnel en place du tronçon traversant la Nécropole. Cette solution des plus courantes aurait pu éviter la perte d’un patrimoine cher à tous les égyptiens et de grande valeur pour l’art arabe.
Tout en exprimant notre vive émotion face à cet assaut, qui ne relève d’aucune loi juridique ou humaine, nous tenons aussi à marquer notre étonnement pour la rapidité avec laquelle les autorités ont agi. En une journée, les bulldozers ont écrasé des dizaines de tombes familiales, laissant derrière eux la ruine et des tas de gravats. Ce spectacle de désolation s’est substitué à l’image mémorable de deux rangées de tombes somptueuses se faisant face de part et d’autre de la rue menant au mausolée du Sultan Qansuh Abu Said construite en 1468. Telle une procession solennelle d’édifices funéraire rendant un hommage à un des derniers sultans de la dynastie des mamelouks.
Nous demandons par la présente, aux décideurs politiques d’arrêter ces démolitions. Ceci permettrait de réfléchir à des solutions alternatives visant à sauvegarder la mémoire de ces lieux renfermant les reliques des grandes figures de la politique, des arts et de la culture. Citons à titre d’exemple le penseur et philo-sophe égyptien contemporain Ahmad Lotfi el-Sayed.
Le connaissez-vous? Allez-vous poursuivre les démolitions?
Nous comprenons parfaitement les exigences de l’intérêt public, argument justifiant tous les actes de rénovation urbaine. Il ne devrait pas se faire au détriment du patrimoine culturel des nations. Le monde entier observe avec inquiétude la démolition de ce qui est considéré par beau-coup de chercheurs comme la « vallée des rois et des reines » des égyptiens contemporains. Osera-t-on démolir un jour La Nécropole de Thèbes.