Proche-Orient lundi 6 juin 2011
Le 44e anniversaire de la défaite arabe lors de la guerre des Six-Jours en 1967 s’est transformé en drame. L’armée israélienne a tiré sur des manifestants qui tentaient de pénétrer sur le plateau du Golan occupé, faisant au moins 14 morts, selon la télévision syrienne
Au moins 20 morts, dont un enfant de 12 ans, et quelque 325 blessés. Tel est, selon la télévision syrienne qui transmettait l’événement en direct, le bilan des manifestations organisées le long de la ligne de démarcation israélo-syrienne pour commémorer «Al Naksa», le déclenchement de la guerre des Six-Jours le 5 juin 1967. Une guerre éclair à la suite de laquelle l’armée de l’Etat hébreu avait conquis le désert du Sinaï (Egypte), la bande de Gaza (Egypte), la Cisjordanie (Jordanie) et le plateau du Golan (Syrie).
Dès dimanche matin, environ 500 Palestiniens ont tenté de franchir la ligne de cessez-le-feu, mais ils ont été repoussés par des tirs israéliens. Des grenades lacrymogènes et des balles réelles. Profitant de l’évacuation d’un blessé par une équipe du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), quelques manifestants ont réussi à s’infiltrer du côté israélien du plateau du Golan. Ils en ont rapidement été refoulés par des rafales de mitrailleuse au-dessus de leur tête.
A quelques dizaines de kilomètres de là, au Liban, d’autres Palestiniens ont tenté la même opération sans plus de succès puisque l’armée libanaise et les Casques bleus de la Finul, qui s’étaient déployés en force, les ont empêchés d’approcher la «ligne bleue» marquant la frontière fortifiée de l’Etat hébreu.
Le 15 mai dernier, à l’occasion de la commémoration de la «Nakba», la «catastrophe» que représente pour les Palestiniens la création de l’Etat hébreu en 1948, un millier de Palestiniens avaient réussi à pénétrer en force sur le plateau du Golan occupé par Israël. L’un d’entre eux, un fonctionnaire du Ministère syrien de l’éducation âgé de 28 ans, était même arrivé jusqu’à Jaffa (Tel-Aviv) où il a vainement tenté de retrouver la maison de ses grands-parents avant de se livrer à la police.
Cette fois, les stratèges israéliens n’ont plus été pris de court, puisque des milliers de soldats avaient été postés le long d’un nouveau réseau de tranchées protégé par une épaisse muraille de barbelés. Aux endroits les plus sensibles tels le village druze annexé par Israël de Majdal Shams et la ville syrienne de Kuneitra (plateau de Golan), de nouveaux champs de mines avaient également été créés.
«J’ai ordonné à nos forces de se conduire avec retenue mais avec fermeté pour protéger nos frontières, nos villes et nos ressortissants des éléments extrémistes qui veulent déstabiliser Israël», a déclaré le premier ministre Benyamin Netanyahou. Quant au porte-parole de Tsahal (l’armée israélienne), il a accusé le président syrien Bachar el-Assad «de vouloir détourner l’attention internationale du massacre de sa propre population par son armée». Et d’ajouter: «Il est bizarre que la télévision de Damas aux ordres du pouvoir en place ait été autorisée à suivre les événements en direct alors qu’elle observe le silence total sur la répression en cours en Syrie.»
«Al Naksa» a également été commémorée dans les territoires palestiniens. A Kalandia, un important check point situé sur la route reliant Jérusalem à Ramallah, une cinquantaine de personnes ont ainsi été blessées au cours d’affrontement avec les policiers de l’Etat hébreu. «Un million de martyrs marchent vers Al-Qods» (Jérusalem), scandaient les jeunes Palestiniens, qui n’étaient pas plus de 300.
«Nous manifestons pour commémorer la défaite de 1967, mais surtout pour préparer la naissance de l’Etat palestinien à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre prochain. Le processus est enclenché et il ne s’arrêtera plus. L’été sera chaud pour Netanyahou», proclame Nour, une étudiante de l’Université de Bir Zeit. Qui poursuit: «Le compte à rebours vers notre libération est désormais enclenché et personne ne pourra l’arrêter. Des centaines de pages sur Facebook et des sites internet appellent à la mobilisation et celle-ci ne faiblira pas. En ce moment, plus de 400 000 signatures ont été recueillies en faveur d’une troisième Intifada.»
En attendant, à la fin du mois, une nouvelle «flottille de la liberté» comprenant plusieurs dizaines de bateaux tentera de briser le blocus maritime de la bande de Gaza imposé par Israël. Dans la foulée, le 8 juillet, des organisations pro-palestiniennes organiseront l’opération «Bienvenue en Palestine». Celle-ci consistera à faire embarquer à bord d’avions commerciaux à destination de Tel-Aviv 1500 réfugiés ou descendants de réfugiés palestiniens de 1948 et de 1967. Ceux-ci seront évidemment arrêtés dès leur arrivée en Israël, ce qui, selon les promoteurs de l’opération, placerait Benyamin Netanyahou en position encore plus difficile sur la scène internationale.
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