Comment propulser sa carrière
d’artiste en art visuel
Vivre de son art! Tel est le rêve, parfois secret, de beaucoup d’artistes et d’artisans. Fabriquer des oeuvres d’art, c’est souvent une question de passion et d’émotion. Conjuguer ses sentiments avec l’aspect très cartésien du marketing et de la mise en marché peut sembler contradictoire à première vue.
Pourtant, il n’y a pas de différence fondamentale dans la mise en marché d’une marque de beurre d’arachide ou d’une marque artistique. Il suffit de suivre les règles de marketing de base et de s’adapter aux caractéristiques et aux défis propres à chaque secteur d’activité.
Dans le domaine des arts, les grands défis sont :
Dans cet article, nous verrons comment conjuguer sa passion artistique avec l’entrepreneuriat et comment propulser sa carrière d’artiste efficacement en partant du bon pied.
Lors d’une entrevue à Radio-Canada, l’artiste québécois Marc Séguin a dû répondre à une question de l’animatrice, qui lui a demandé ce qui était le plus important entre le talent et le marketing afin de pouvoir être exposé, comme lui, dans les plus prestigieuses galeries d’art de New-York. Il a répondu candidement : “ Je dirais qu’il faut 20 % de talent et 80 % de marketing ”.
En 2010, le réalisateur Dany Papineau a réussi à boucler un budget pour réaliser son premier long métrage : 2 Frogs In The West. Une fois tout l’argent englouti dans un casting de qualité et de superbes images, il se rend compte qu’il a négligé un élément important : la mise en marché. Il a déclaré par la suite qu’il aurait dû réserver au minimum 50 % du budget pour le marketing.
Combien d’artistes ont consacré toute leur vie à développer leur art en attendant désespérément que quelqu’un les “ remarque ”? Il ne faut pas se faire d’illusion : même ceux qui prétendent, comme les Justin Bieber de ce monde, avoir été découvert par hasard par leur public, sont en réalité le résultat d’une savante opération de mise en marché. Car ça fait partie du marketing que de raconter une belle histoire!
On l’aura bien compris, si vous êtes un artiste et désirez vous faire voir, il n’y a pas quarante douze solutions : il faut lâcher vos pinceaux quelques instants et vous mettre au travail promotionnel… ou bien engager un bon agent qui le fera à votre place.
Sans une attitude entrepreneuriale proactive, comme l’expose T. Harv Eker dans son livre à succès Les secrets d’un esprit millionnaire, vous ne ferez jamais d’argent et si, par hasard, vous en gagnez, vous le perdrez rapidement.
On entend souvent que l’art n’a pas de prix et que l’artiste passionné ne pourra jamais exiger la pleine valeur de son oeuvre. Forcés de vendre “ à perte ”, les artistes seraient donc condamnés à la pauvreté perpétuelle.
Ce triste constat est évidemment dû à une méconnaissance des règles élémentaires du marketing. Dans la réalité, un vendeur veut toujours vendre le plus cher possible et un acheteur veut acheter le moins cher possible. Que l’on vende une toile, une tomate, une voiture ou un jean, c’est toujours la même relation vendeur/client.
Pourtant, si vous allez dans les grandes galeries d’art de New York, comme celles où Marc Séguin vend des toiles à 55 000 $ la pièce, aucun des artistes présents ne souffre d’une sous-évaluation de ses oeuvres. Aucun agriculteur ne vend ses tomates à perte pendant toute sa vie parce que “ personne ne veut reconnaître la valeur du rude travail des champs ”.
Un bon vendeur est celui qui sait démontrer la valeur de ce qu’il vend et qui refuse de vendre en bas du seuil de rentabilité projeté.
Voilà l’attitude que doivent avoir les artistes qui désirent faire de l’argent avec leur art. Car oui, contrairement à la croyance populaire, il est tout à fait possible de vivre de son art et même de faire beaucoup d’argent!
Comme n’importe quel autre objet, la valeur d’une oeuvre d’art est basée sur le rapport entre l’offre et la demande. C’est à l’artiste de créer une “ demande ” pour son oeuvre. Or, contrairement à une voiture dont chaque modèle est vendu en milliers d’exemplaires, l’oeuvre d’art est unique. L’artiste a donc le privilège d’établir lui-même une valeur réaliste qu’il pourra ensuite mettre en marché.
Pour s’assurer que ce business soit rentable, il faudra d’abord faire quelques mathématiques pour vérifier que les revenus envisagés soient supérieurs aux dépenses.
C’est un principe qui s’applique pour n’importe quel type de projet. Il ne faut pas oublier de calculer les coûts du local, du chauffage et de l’électricité. Le cas échéant, Internet, les meubles et, évidemment, tous les accessoires et les matières premières. Éventuellement, lorsque vous ferez du profit, votre comptable vous demandera ces informations obligatoires pour obtenir des déductions fiscales.
C’est comme n’importe quel autre travail! Il faut compter son temps. Pourquoi serait-ce différent pour un artiste comparativement à un gars qui passe la tondeuse à gazon? Tout notre système économique est basé sur la valeur d’une heure de travail. L’art n’échappe pas à cette réalité.
Comme dans n’importe quel métier, on commence au bas de l’échelle et on grimpe progressivement. Lorsque vous travaillez pour un patron, le service de ressources humaines s’occupe de fixer la valeur de chaque échelon. L’artiste est, la plupart du temps, un travailleur autonome : il devra donc établir lui-même des projections de croissance… ce qui n’est pas toujours évident.
Pour vous aider à évaluer votre propre valeur, imaginez que vous êtes dans une galerie d’art, au milieu de plein d’autres artistes qui sont au même niveau que vous. Vous ne voulez pas être le moins cher du lot et donner une illusion de médiocrité, ni être le plus cher et donner une illusion d'arrogance. Placez-vous donc au début du troisième quart de l’échelle de valeur.
“ What? Y’é cinglé, lui? ” Voilà probablement votre réaction en lisant ce dernier conseil. En fait, si l’on additionne le tout, cela donne un salaire de base minimal. Mais si, un jour, on veut vendre par l’entremise d’un agent ou d’une galerie d’art, ces derniers se prendront jusqu’à 50 % de commission. On devra donc choisir entre couper son salaire en deux… ou doubler ses tarifs. Mais comme on parle business, il n’est pas question de couper son salaire, qui est déjà au minimum lorsqu’on démarre. De plus, si l’on souhaite vendre nos oeuvres directement à certains clients, on ne pourra pas les vendre deux fois moins cher que celles qui seront exposées en galerie parce qu’il est très important pour le marketing de proposer des prix uniformes. Pas le choix, donc, de doubler la valeur finale.
Après avoir fait tout cela, vous serez peut-être surpris du montant qui apparaîtra sur la calculatrice. Le reste… c’est le travail du marketing!
Un des gros problèmes pour tout travailleur autonome, incluant les artistes, c’est de garder sa focalisation et sa motivation dans le temps. Car pour développer une entreprise rentable, il faut le dire avec honnêteté, ça prend généralement plusieurs années de travail ininterrompu.
Or, la passion est souvent quelque chose d’éphémère. Elle doit être nourrie en permanence pour être maintenue en vie. La passion s'essouffle devant ce qui s’oppose à elle, comme des contraintes financières.
Donc, si l’on ne veut pas travailler pour rien, il faut prévoir le manque de motivation qui pourrait survenir après quelques mois ou quelques années de travail.
Voici un exercice pour vous aider à démarrer votre carrière du bon pied : projetez-vous dans dix ans. Serez-vous toujours motivé à fabriquer des colliers en billes de plastique vendus 5 $ dont chaque unité prend deux heures à fabriquer? La réponse est évidente : non! Un jour, vous voudrez être payé à votre juste valeur. Mais quelle sera cette valeur suffisante pour vous motiver encore pour dix ans? Peut-être 200 $ le collier? Dans ce cas, la bille de plastique n’est peut-être pas le matériel approprié pour justifier une telle augmentation de valeur. Il faudra sans doute revoir votre méthode de travail ou le type de produit à offrir aux clients.
Autre élément à considérer : dans dix ans, voudrez-vous encore passer six ou huit heures par jour à confectionner des colliers?
Il est donc important, avant même de débuter une carrière artistique, de se projeter dans l’avenir et d’évaluer si le produit qu’on veut offrir peut engendrer une prise de valeur et susciter une motivation suffisante pour justifier qu’on y consacre les prochaines années de sa vie.
L’oeuvre en elle-même peut avoir une certaine valeur, mais il est souvent possible d’augmenter considérablement son attrait en y ajoutant des éléments qui contribuent à la rendre encore plus désirable. Il est ainsi possible d’améliorer sa compétitivité et de justifier plus facilement le prix qu’on exige.
Ici, je donnerai une série de trucs et astuces, mais c’est seulement dans le but d’illustrer qu’il est possible d’user de beaucoup d’imagination. L’artiste est en général une personne qui a une imagination débordante, alors ce sera à lui d’imaginer des façons de donner plus de valeur à ses oeuvres.
Placez l’oeuvre dans un contexte
Racontez une histoire. Qu’est-ce qui vous a inspiré à produire cette pièce? Ajoutez un court poème. Associez l’oeuvre à une saison, à un sentiment, à un lieu. Invitez ainsi votre client à voyager dans l’environnement que vous lui proposez afin de lui faire vivre une expérience agréable.
Présentez l’oeuvre dans un décor
Dépendant du type d’art, il peut s’agir d’un cadre, d’un emballage, d’une boîte décorative, d’un présentoir ou d’une pièce aménagée en conséquence. Les rois médiévaux manifestaient leur gloire et leur puissance en s'asseyant sur un trône magnifiquement décoré, lui-même placé dans un château majestueux. On ne livre pas une bague à 1000 $ enrobée de papier journal dans une boîte en carton brun. L’environnement dans lequel l’oeuvre est présentée contribue à lui donner beaucoup de valeur.
Rendez vos oeuvres exclusives
Pièces numérotées, collections, oeuvres personnalisées, collaboration avec un autre artiste. Les gens aiment posséder quelque chose d’unique que les autres n’ont pas. Nourrissez cet instinct primaire.
Attribuez une fonction à l’oeuvre
Qu’est-ce que l’oeuvre peut m’apporter? Il peut s’agir d’une fonction pratique, par exemple une lampe ou un objet de décoration, ou d’une fonction analogique, comme une croquis d’un phare de mer qui illustre la capacité à rester fort et droit au milieu des tempêtes de la vie. Le client doit découvrir que l’oeuvre peut lui servir à quelque chose et se sentir interpellé par elle. C’est à l’artiste de provoquer cette réaction.
Offrez des produits dérivés
Cartes de souhaits, calendriers, casquettes, photos, reproductions, etc. Les supermarchés ont bien compris que plus il y a de produits dans la boutique, plus il y a de chances que le client reparte avec quelque chose. C’est aussi une excellente façon de laisser des traces de son existence un peu partout.
Maintenant qu’on a de superbes oeuvres à vendre, qu’on a établi un prix approprié, qu’on est prêt à les présenter au public, il faut se faire connaître!
Il y a deux aspects particulièrement importants à développer simultanément :
Voici donc une série d’astuces qui permettent de développer sa popularité. Il faut adapter tous ces concepts selon le type de projet et les ambitions de l’artiste. Il faut également considérer les mouvements sociaux, les modes, les changements technologiques rapides et être à l'affût des nouvelles opportunités de visibilité. Il y a bien sûr énormément de place pour l’imagination afin de trouver des moyens de se faire remarquer.
Être présent sur Instagram et les autres réseaux sociaux
On vit à l’ère des réseaux sociaux. Il est donc indispensable d’y être présent et très actif, c’est-à-dire de publier souvent, au minimum deux ou trois fois par semaine. On construira tranquillement une communauté de fans qui apprendra à connaître l’artiste. Il ne suffit pas de publier des photos des oeuvres; il faut également faire découvrir l’artiste et sa personnalité, parler de lui à travers des tranches de vie, décrire son processus de création, ses inspirations, etc.
Être présent dans les milieux artistiques
Tous les artistes à succès ont en commun de compter sur un très gros réseau de contacts. Un tel réseau se développe au fil des années, mais encore faut-il se mettre en relation avec les gens. Il faut donc être physiquement présent dans les endroits où se trouvent les acteurs du milieu. L’artiste doit donc aller au-devant des autres artistes; il va visiter les galeries d’art, les expositions et participe à toutes sortes d’activités où se réunissent les gens du milieu artistique. Développer une relation, ça se fait à deux; il faut éviter de se présenter comme un opportuniste qui ne cherche que son intérêt propre. Il faut donc s’intéresser au travail des autres artistes, découvrir leur univers et éviter de se vendre à la moindre occasion en cherchant continuellement d’attirer l’attention sur soi. L’égocentrisme peut être exploité sur les réseaux sociaux, mais jamais dans le réseautage. Les galeristes et les agents choisissent généralement les artistes avec qui ils travaillent, non pas selon la qualité de leur art, mais selon le degré de relation qu’ils ont avec eux. Autrement dit, ils travaillent avec leurs amis.
Organiser ses propres expositions
Il peut être pertinent, dépendant du type d’art, d’exposer son talent au public. On peut débuter simplement en louant une table dans une fête de quartier ou dans une grande foire populaire. Il peut aussi être intéressant d’organiser ses propres événements. Il est généralement avantageux de le faire en collaboration avec d’autres artistes pour augmenter sa visibilité en conjuguant la clientèle et le réseau de relations de chacun. On pourra profiter d’événements particuliers de l’année tels que Noël, la fête des Mères, une saison ou un événement marquant. On peut également s’associer à une cause ou à un organisme pour aider à leur financement en donnant une partie du profit des ventes.
Placer ses oeuvres en consignation
Beaucoup d’artistes ont des oeuvres tout plein leur atelier… et invisibles au public. Une oeuvre devrait pourtant toujours être visible quelque part. Une façon efficace de le faire, c’est de la placer en consignation là où il y a un trafic permanent. Ce peut être un restaurant, une salle d’attente, le mur d’une boutiques spécialisée, le hall d’un motel, etc. La consignation consiste à laisser un objet sous la responsabilité de quelqu’un le temps qu’il soit vendu. En contrepartie, celui qui a gardé l’oeuvre pourra gagner une commission lors de la vente.
Site Web et boutique en ligne
Être présent partout, ça veut aussi dire être présent sur le Web. C’est là un élément essentiel qu’il n’est pas nécessaire de développer davantage ici.
Collaborer avec des influenceurs
Demander à quelqu’un qui est déjà populaire de porter une marque auprès de son auditoire est une stratégie de marketing qui gagne à être connue. Voir cet article du blogue de la Tranchée à ce sujet.
Un artiste qui veut vivre de son art doit faire quelque chose tous les jours pour développer sa notoriété. Il doit être patient, méthodique et persistant dans le temps. S’il veut se faire remarquer par les acteurs de l’industrie, il n’ira pas pleurer sur le bord du métro que personne ne sait reconnaître le génie de son art, mais il ira développer des relations avec les influenceurs du milieu.
Bien que tout cet article se concentre exclusivement sur le volet marketing de la carrière artistique, il ne faut pas oublier néanmoins que l’art doit rester de l’art. Une oeuvre ne doit pas être réalisée dans le but de faire de l’argent. La qualité de l’oeuvre dépend de l’expression du talent de l’artiste, et cette expression ne peut se matérialiser pleinement que lorsque l’artiste est guidé exclusivement par sa passion. Sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, l’artiste devra donc faire attention pour ne pas s’emmêler les pinceaux...
Allez, hop! Au travail! Une carrière artistique vous attend!