Chronologie de la Pologne dans les années 1980
L'Eglise jouit d'une popularité considérable en tant que recherche d’une opposition au régime communiste.
1980
Au début de l’année, l’économie polonaise s’effondre. Les prix ne cessent d’augmenter. Les ouvriers ont le ventre vide.
⇨ Le 1er juillet, à la suite d'une hausse des prix de la viande, grande vague de grèves qui démarre à Ursus et Gdansk et qui va se généraliser fin août.
La grève démarre sous l’impulsion de l’ouvrière Anna Walentynowicz et l’électricien Lech Walesa.
Les travailleurs présentent 21 revendications dont des syndicats indépendants et le droit de grève. Ils ne veulent plus travailler le samedi.
Les grèves et les manifestations s’étendent dans tout le pays.
Cette fois, le pouvoir ne peut plus écraser le mouvement par la force comme en 1970. Il décide de négocier. Le vice-premier ministre rencontre les délégués des grévistes avec à leur tête l’ouvrier Lech Walesa.
⇨ Le 14 août, les chantiers navals Lénine de Gdansk rejoignent la grève.
Anna Walentynowicz
Dès le lendemain, les autres chantiers navals suivent et tout s’arrête.
Le portail des chantiers navals de Gdansk est le centre névralgique de la grève. D’un côté, il y a les ouvriers des chantiers navals et, de l’autre, les habitants de Gdansk et les familles des ouvriers. Ce portail fermé, au lieu de séparer les gens, les réunit.
Les grévistes affichent leurs exigences sur un grand panneau en contreplaqué : la justice, la fraternité, la démocratie. Le prolétariat retourne les idéaux communistes contre le régime communiste.
À Gdansk, le mot d'ordre « syndicats libres et indépendants» prend de l'ampleur. C’est une première absolue dans la sphère d’influence soviétique.
Les ouvriers s'organisent en comité de grèves inter-entreprises (MKS), élisent des délégués. Ils élaborent un cahier de revendications : droit de grève, syndicats libres, information véridique dans les médias.
Août 1980, grève aux chantiers navals Lénine à Gdansk
Plusieurs membres du KOR sont arrêtés et le mouvement s'amplifie.
Les intellectuels, les paysans, les conservateurs nationalistes rejoignent les ouvriers en grève.
Tous les jours, à 16h, une prière de 5.000 à 6.000 personnes est conduite avec Lech Walesa.
Sous la menace d’une paralysie totale du pays, le gouvernement est contraint de négocier.
Le 31 août, négociations entre le gouvernement et le MKS. Les autorités acceptent toutes les demandes des grévistes. Des libertés sans précédent dans le bloc de l’Est sont obtenues. Les accords de Gdansk forcent la bureaucratie à accepter des syndicats indépendants. Même accord à Szczecin et avec les mineurs de la Haute-Silésie. Lech Walesa devient un héros national. Il signe les accords avec un stylo à l’effigie du pape Jean-Paul II.
⇨ Le 5 septembre, Gierek est destitué de ses fonctions de premier secrétaire. Nomination de Stanislas Kania.
Le 18 septembre, la grève se termine, victorieuse.
Le 22 septembre, le syndicat indépendant et autogéré Solidarnosc (« Solidarité ») est créé à partir de 35 syndicats. C’est son porte-parole, l’historien dissident Karol Modzelewski qui lui donne son nom.
Karol Modzelewski
Durant 18 mois le syndicat indépendant autogéré Solidarité et les conseils d'autogestion vont constituer un contre-pouvoir. Il s’agit d’une vague révolutionnaire.
Le 3 décembre, dans un communiqué, le VIIe plénum du comité central déclare que le sort du pays est en jeu.
Le 5 décembre, lors de la réunion des pays membres du pacte de Varsovie, il est déclaré que “la Pologne est et restera un Etat socialiste”.
1981
Solidarité compte 10 millions d’adhérents.
L’économie de la Pologne se dégrade encore, certains produits sont rationnés : sucre, viande, beurre, vodka, papier toilette. Même avec des cartes de rationnement il n’y a pas grand chose à acheter.
⇨ Du 13 au 19 janvier 1981, Lech Walesa est reçu par le pape à Rome.
Le premier conflit de l’année concerne la revendication des “samedis libres”, le gouvernement revenant sur ses engagements.
Le 31 janvier 1981, après un mois de négociations et des grèves d’avertissement, un compromis est réalisé sur la base de trois samedis libres par mois.
Annulation de la grève générale prévue pour le 3 février.
⇨ La 1er février 1981, accord sur l’accès conditionnel de Solidarité aux organes d’information.
Le 3 février, Stanislaw Kania accuse Solidarité de vouloir instaurer un double pouvoir et l’anarchie.
Lech Walesa a du mal à contrôler ses partisans.
Le 9 février 1981, à l’issue du comité central du Parti ouvrier unifié polonais (POUP), Jozef Pinkowski, premier ministre, démissionne.
Il est remplacé par le général Wojciech Jaruzelski qui conserve ses fonctions de ministre de la Défense. Il porte l’uniforme. Il demande une trêve de trois mois à Solidarité.
Le général Wojciech Jaruzelski
Jaruzelski était encore un enfant lorsqu’il a été déporté en Sibérie par Beria, comme un million de polonais. S’il porte souvent des lunettes noires, c’est que la neige lui a brûlé les yeux.Il a ensuite été formé dans une école d’officiers soviétques.
D’une solidarité sans faille à l’égard de Moscou, Jaruzelski prend la tête de l’Etat polonais/
⇨ En mars 1981, intervention policière brutale contre les militants ouvriers et paysans qui ont pénétré dans la salle de discussion du conseil régional de Bydgoszcz pour exiger la légalisation du syndicat paysan.
Solidarność décide d’appeler à la grève générale pour le 31 mars, tout en la faisant précéder d’une grève d’avertissement de quatre heures pour montrer sa force et négocier encore.
La grève d’avertissement est suivie par la quasi-totalité des salariés.
Les conseillers du syndicat et Lech Walesa « suspendent » la grève.
⇨ Durant l’été, Solidarnosc tient son premier congrès. Le nouveau syndicat atteint rapidement 10 millions de membres.
⇨ En octobre 1981, Jaruzelski devient premier secrétaire du POUP.
⇨ Le 13 décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski, le nouvel homme fort du pouvoir polonais, suspend les libertés acquises et décrète l'état de guerre. La loi martiale est proclamée. Un Conseil militaire de salut national est constitué. L’état de guerre est déclaré dans tout le pays.
Solidarnosc (10 millions de membres) est interdit. Lech Walesa et les dirigeants sont emprisonnés. Les communications sont coupées. Les frontières sont fermées.
L'armée rafle 10.000 syndicalistes dont Walesa, Karol Modzelewski (en prison jusqu’à août 1984), Kuron.
Les autorités cherchent à discréditer Walesa en l'internant dans une cage dorée avec des conditions privilégiées.
Le 14 décembre, une centaine de grèves éclatent, surtout sur la côte baltique et en Silésie. Les ouvriers occupent les ateliers. La police anti-émeute (Zomo), aidée par l'armée, écrase cette résistance. Une centaine de personnes trouvent la mort.
Les chantiers de Gdansk sont occupés par les forces de l’ordre.
Le 17 décembre, l'armée tire sur les mineurs qui occupent la mine Wujek et refusent de se rendre. Sept morts et une trentaine de blessés graves.
1982
En décembre, suspension de la loi martiale.
La grande majorité des internés est libérée, dont Walesa, sauf les 7 dirigeants de Solidarnosc et 5 autres dirigeants du KOR.
1983
En juillet, fin de l’état de siège.
Le 5 octobre, le prix Nobel de la Paix est décerné à Walesa. C’est un coup dur pour le pouvoir. Walesa craignant d’être empêché par les autorités de revenir dans son propre pays, sa femme et son fils vont à Oslo recevoir la récompense. La télévision d’Etat ne diffuse pas la cérémonie.
1984
Le 4 août, Karol Modzelewski est libéré.
1985
En novembre, Jaruzelski devient chef de l’Etat.
1987
Le gouvernement augmente les prix de 110 %.
A la veille d’une visite officielle en Pologne, Mikhaïl Gorbatchev demande qu’on lui apporte les dossiers top secrets concernant Katyn et l'opération polonaise de 1940. Après lecture des documents signés 47 ans plus tôt par le politburo, Gorbatchev replace les scellés et ordonne que l'affaire soit remise au secret.
⇨ En novembre 1987, le gouvernement organise un référendum sur la hausse des prix. 70 % des électeurs rejettent la hausse des prix.
1988
⇨ Le 1er février, le gouvernement met en œuvre la hausse des prix malgré le résultat du référendum.
⇨ En mars, des manifestations étudiantes se déclenchent.
⇨ À partir du 25 avril, très important mouvement de grèves ouvrières pour réclamer la relégalisation de Solidarnosc et la démocratisation du régime.
⇨ A l’été, une nouvelle vague de grèves parcourt les mines du pays.
La situation devient encore une fois hors de contrôle pour le pouvoir.
Le gouvernement est contraint de faire appel à Lech Walesa pour calmer les grèves.
⇨ Le 18 décembre, Solidarnosc sort de l’illégalité.
1989
Le fondamentalisme catholique gagne en importance et s’installe dans le courant politique dominant.
Jaruzelski décide d’ouvrir des négociations.
⇨ A partir du 6 février 1989, table ronde de discussion du gouvernement avec l’opposition.
Le gouvernement accepte de reconnaître le syndicat Solidarnosc et d'ouvrir des négociations. Des élections sont prévues où les communistes se réservent 65 % des sièges.
⇨ Le 18 juin 1989, élections semi-libres autorisées par Jaruzelski en accord avec Gorbatchev. Elles se traduisent par une débâcle pour l'ancien régime.
Le régime du rejet apparaît total.
Les communistes ont 65% des sièges comme convenu et Solidarnosc remporte tous les sièges qui restent. Solidarnosc remporte haut la main les premières élections polonaises partiellement démocratiques et obtient la quasi-totalité des sièges du nouveau Sénat.
Jaruzelski est obligé de faire appel à un dirigeant de Solidarnosc, Tadeusz Mazowiecki.
⇨ En septembre 1989, formation du gouvernement dirigé par Tadeusz Mazowiecki, un des principaux conseillers de Solidarnosc. C’est le premier premier ministre non communiste de toute l’Europe de l’Est.
Jaruzelski est le président.
Tadeusz Mazowiecki
Son programme est de rétablir l'économie de marché. Le « Plan Balcerowicz », du nom du ministre de l'Economie et des Finances, est une "thérapie de choc", un programme de restauration capitaliste brutal de l'économie polonaise imposé par le FMI : libéralisation des prix, austérité budgétaire et ouverture aux marchés extérieurs.
Privatisation rapide des grandes entreprises d'État et appel aux capitaux étrangers. Cela entraîne une baisse sensible de la production et une augmentation du chômage consécutive à la réduction des subventions de l'État.
Fondation du journal Gazeta Wyborcza par l’ancien dissident Adam Michnik.
Sous la pression populaire, Jaruzelski pose un ultimatum à Gorbatchev. Il annulera sa prochaine visite officielle à Moscou si le Kremlin n’admet pas la vérité sur Katyn. Face à ce chantage, qui aurait valu l’hôpital psychiatrique sous Brejnev et une blle dans la tête sous Staline, Gorbatchev promet que quelques faits seront révélés pourvu que Jaruzelski n'annule pas sa visite.
⇨ Le 15 novembre 1989, Walesa est reçu au Congrès des Etats-Unis.
⇨ Le 23 décembre 1989, Lech Walesa est élu premier ministre au suffrage universel.