La Belgique au 19e siècle
Au début du XIXe, la Belgique est la seule en Europe à adopter sans réserve le modèle industriel anglais. Les deux pays ont en commun leur libéralisme économique qui favorise le développement des grandes entreprises employant plusieurs milliers d’ouvriers, ce qui en France et en Allemagne reste encore l'absolue exception. En quelques décennies, la Belgique devient ainsi la seconde puissance économique mondiale, juste derrière l’Angleterre.
1815
La Belgique est unie à la Hollande pour former le Royaume des Pays-Bas dont le roi est Guillaume Ier.
Guillaume Ier, roi des Pays-Bas
Pendant quinze années, la Belgique jouit d’une grande prospérité économique.
Mais il existe un état de m”contentement. Tous les belges jugent insuffisante la place qui leur est faite dans le gouvernement, l’administration et l’armée.
Les libéraux reprochent à Guillaume Ier de gouverner de façon trop autoritaire. Le clergé se plaint de voir les fonctionnaires hollandais protestants surveiller l’enseignement catholique. Le sentiment des Belges penche fortement en faveur d’une union avec la France.
1819
Un arrêté ordonne l’emploi de la langue nationale seule, c’est-à-dire du hollandais et du dialecte flamand, dans tous les actes des autorités, dans toutes les procédures légales et pour tous les fonctionnaires publics.
1823
Personne ne peut être employé dans aucune branche de l’administration s’il ne parle pas la langue nationale.
1828
Catholiques et libéraux belges, longtemps ennemis, s’unissent pour une action commune.
1830
Formation de l’Etat belge en 1830
En août, un mois après les Trois Glorieuses (France); les Belges se soulèvent et proclament leur indépendance.
Le 25 août, révolte partant de Bruxelles qui pousse à la retraite les troupes hollandaises. Elle éclate à la suite d'une représentation au théâtre à Bruxelles exaltant la liberté et l'esprit de révolte.
Des pétitions sont envoyées à la Chambre par des ouvriers textiles gantois réclamant le suffrage universel, la liberté d'association, la liberté intégrale de la presse, un impôt sur les héritages.
Indépendance de la Belgique qui devient une monarchie constitutionnelle avec pour roi Léopold de Saxe-Cobourg.
Léopold de Saxe-Cobourg
Les souverains de Russie, de Prusse et d’Autriche veulent intervenir en faveur du roi de Hollande mais Louis-Philippe s’y oppose formellement. Finalement, les délégués des cinq grandes puissances reconnaissent l’indépendance de la Belgique, puis affirment sa neutralité et fixent les limites territoriales du nouvel Etat.
1831
Guillaume Ier tente de reconquérir la Belgique par les armes et il faut une double intervention de l’armée française (- 1832) pour le contraindre à reconnaître le fait accompli.
1836
Premier meeting politique ouvrier à Bruxelles, impulsé par Jacob Kat, auteur du premier catéchisme ouvrier.
1845
La Belgique est un Etat jeune qui possède une des Constitutions les plus libérales d’Europe. Bruxelles est devenu le nouveau point de ralliement des intellectuels exilés de toute l’Europe.
⇨ En février, expulsé de Paris, Marx, 26 ans, se réfugie à Bruxelles. Il va y rester trois ans.
⇨ En avril 1845, Engels, 25 ans, s'installe à Bruxelles (- été 1846). Il rejoint Marx.
⇨ En été, crise de la pomme de terre. Des soupes populaires sont organisées pour prévenir la famine.
⇨ En septembre, Marx et Engels écrivent à Bruxelles L'Idéologie allemande (- août 1846). Ils veulent contrer les Jeunes hégéliens.
Analyse des rapports de classe. Les idées dominantes sont toujours les idées de la classe dominante. Avec lesThèses sur Feuerbach, c'est le véritable acte de naissance du marxisme.
⇨ En décembre, Marx renonce de lui-même à sa nationalité prussienne.
1846
Marx et Engels vivent côte à côte rue d'Orléans à Bruxelles avec de nombreux autres réfugiés politiques. Ils passent leurs nuits à discuter et écrire.
En hiver, à Bruxelles, Marx écrit en français Misère de la philosophie pour répondre à la Philosophie de la misère de Proudhon. Le différend avec Proudhon porte sur la place de l'action révolutionnaire. Marx règle des comptes avec le libéralisme économique et fait le procès des libertés illusoires (du travail, de choix des consommateurs ou des producteurs). Les hommes sont soumis au règne des marchandises.
Le 13 décembre, du troisième enfant de Karl Marx et Jenny : Edgar, surnommé Musch.
1847
Engels crée son concept de société socialiste.
En août, Marx et Engels fondent au restaurant le Cygne, sur la grand place de Bruxelles, une Association des travailleurs allemands.
Engels aime tenir des discours et convaincre son public du bien-fondé d’une société communiste.
> Contrecoups de la Révolution en France. Le roi Léopold fait disperser par ses soldats les rassemblements populaires et lance sa police aux trousses des réfugiés étrangers.
> Le 4 mars, Marx est arrêté et expulsé de Belgique avec sa femme (peu après, c'est le tour d'Engels). Marx part en France (accueilli après la révolution de février).
Marx et Engels publient à Londres le Manifeste du Parti communiste qui devient un best-seller dans toute l'Europe : "un spectre hante l'Europe, celui du communisme".
> A peine installé au numéro 9 de la Grand'place de Bruxelles, Victor Hugo saisit sa plume et écrit un pamphlet contre Louis-Napoléon Bonaparte : Napoléon le Petit : Lebez la tête Français, vous n’êtes plus rien et il est tout, il tient dans sa main votre intelligence comme un enfant tient un oiseau. Napoléon le Petit est publié simultanément à Londres et à Bruxelles. Introduit clandestinement en France, le livre s’arrache sous le manteau.
> Le 1er août, le succès de Napoléon le Petit rend très vite Victor Hugo indésirable en Belgique. On décrète même une loi, la loi Féder, pour justifier l’expulsion du poète. Victor doit fuir à nouveau, cette fois, il met la mer entre lui et le pouvoir, il part pour Jersey.
> Le 24 avril, Baudelaire s’installe à Bruxelles. Il donne des conférences pour gagner un peu d’argent. Mais très vite, il prend la ville en grippe : C’est l’endroit le plus puant du monde. Tous les Belges sans exception ont le crâne vide. La Belgique devient le bouc-émissaire de ses souffrances. Ses conférences n’attirent pas la foule qu’il espérait. A sa mère, il confie ses angoisses : Aucune de mes infirmités ne m’a quitté, ni les rhumatismes, ni les cauchemars, ni les angoisses, ni la peur. Surtout la peur de mourir subitement, la peur de vivre trop longtemps, la peur de te voir mourir. La peur de m’endormir et l’horreur de me réveiller. Malgré la distance, Baudelaire n’oublie pas ses amis. Il faut envoyer de l’argent à Jeanne par son notaire et veille à la carrière de Manet. Il écrit même aux critiques qui se permettent de ternir son image : Le mot pastiche n’est pas juste, Monsieur Manet n’a jamais vu de Goya, c’est comme moi qu’on accuse d’imiter Edgar Poe. Savez-vous pourquoi j’ai si patiemment traduit Poe ? Parce qu’il me ressemblait. La première fois que j’ai ouvert un livre de lui, j’ai vu avec épouvante et ravissement non seulement des sujets rêvés par moi mais des phrases pensées par moi et écrites par lui vingt ans plus tôt. Il ne supporte plus l’indifférence dans laquelle le laisse le monde littéraire : Ma chère mère, je suis plein de tourments. J’ai envoyé des articles à La Vie Parisienne, pas de réponse. A L’Opinion nationale, pas de réponse. Au Monde Illustré, pas de réponse. Les gens ne se doutent pas du supplice qu’éprouve celui qui est enfermé seul chez un peuple ennuyeux.
> Voilà déjà un an que Baudelaire a quitté Paris. Il espère que Nadar vienne l’enlever dans sa nacelle et fuit la Belgique en ballon pour aller tomber en Autriche ou en Turquie, n’importe quelle folie pourvu qu’elle le désennuie. Il souhaiterait rentrer mais la honte le cloue sur place. Ma bonne chère mère, je sens combien je te fatigue et combien tu dois être impatiente de me voir appliquer les beaux plans dont je te parle sans cesse. Je te supplie de me pardonner, je ne suis pas fou, je suis lâche et plein de remords. Charles.
> Au début de l’année, alors qu’il visite l’église Saint Loup de Namur, le poète Charles Baudelaire est pris d’une violente crise. La syphilis le ronge. Baudelaire s’effondre et perd connaissance.
> Le plus douloureux pour Victor Hugo est le départ de sa femme morte le 28 avril à Bruxelles. Hugo a fait le voyage de Guernesey pour accompagner son cercueil jusqu’à la frontière mais il n’a pas fait un pas en France, fidèle à son serment. Il se console en pensant qu’elle repose désormais auprès de Léopoldine, sa chère enfant disparue trop tôt.
> Le 17 août, Victor Hugo et Juliette arrivent à Bruxelles.
1873
> De sa prison des Petits Carmes, à Bruxelles, Verlaine écrit le poème Le ciel est par-dessus le toit…
Il n’y a pas de retraite pour les ouvriers.
> Naissance à Bruxelles de Kibaltchiche (Victor Serge) d’un père ancien officier russe gagné au socialisme et d'une mère issue de la petite noblesse polonaise. Il a une enfance difficile.
1891
Le 1er mai, premier jour chômé. La Fédération des Houilleurs le prolonge par une grève qui entraîne 100.000 travailleurs dans une lutte de solidarité avec les mineurs de la Ruhr et une protestation contre les lenteurs de la révision constitutionnelle.
1892
Opposé au système électoral censitaire, le POB force l'adoption, sous la pression de grèves, du principe du suffrage universel.
1893
Grève générale qui aboutit à la conquête du suffrage universel, avec vote plural.