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1960 correspondentie tussen Mark Braet en David Scheinert nav voorbereiding uitgave Vlaamse poëzie in de USSR
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Rixensart. 28.2.60

        Cher Ami,

        Je suis heureux qu'on vous ait confié le travail de composer une anthologie de poésie flamande en vue d'une traduction russe, et vous en félicite.

        Voici les réponses à vos questions:

        1) Le volume "Vers de poètes belges" paru à Moscou comporte 200 pages environ.

        2/3) J'avais groupé initialement une cinquantaine de poètes (avec pour chacun,un nombre variable de poèmes). Les Russes ont retenu 36 noms. Afin d'atteindre à une certaine objectivité, j'ai ajouté à mon ensemble l'Anthologie de l'Exposition de Flouquet.

        4) Je n'ai rangé les poètes ni par ordre alphabétique ni par ordre chronologique . Notre ordre alphabétique n'a rien à voir avec l'ordre cyrillique. Par ailleurs, les poètes choisis étant tous en vie (sauf un), le classement chronologique me paraissait inutile.

        5) Oui, j'ai rédigé des notices bio-bibliographiques. Elles n'ont servi à rien.

        6) Dans certains cas, j'ai écrit aux poètes. Dans d'autres, je me suis servi de poèmes parus dans d'autres anthologies.

        7) Je joins à ma lettre le texte original de ma préface. Veuillez me la renvoyer quand vous en aurez pris connaissance.

        8) J'espère que vous ne mettez aucune malice dans cette question...Bien sûr que j'ai eu des frais. Je n'ai pas touché un kopek. Il est possible que de l'argent m'attende à Moscou, mais ça me fait une belle jambe! Il faudrait que je dépense quelques milliers de francs, pour toucher combien? J'ai écrit à ce sujet 4-5 fois à l'union des Écrivains Soviétiques. On ne m'a même pas répondu.

        Bonne chance et bien cordialement à vous et à votre femme.

                                                        Scheinert D.

Rixensard, 29.3.60

Mon cher ami,

        La plupart des poètes de l'Anthologie ont été contactés par moi et ont donné leur accord. Pour certains, j'ai obtenu l'autorisation de l'éditeur et poète G. Varin. Pour un très petit nombre, j'ai agi librement. Mais tous ceux qui ont été publiés ont été enchantés. Seuls ceux qui n'ont pas été traduits sont mécontents (et c'est humain). Comme je vous l'ai dit, j'ai écrit à plusieurs reprises à Vladlen Tchesnakov - que j'ai rencontré à Moscou - à la Commission Etrangère de l'Union des Ecrivains de l'URSS. J'ai demandé de pouvoir toucher mes "honoraires" pour l'Anthologie et divers textes parus dans la Literatournaïa. (Cela se passait à un moment ou j'avais un urgent besoin d'argent). Aucune réponse ne m'a été donnée. Mais quand Tchesnakov avait besoin de livres ou de renseignements, il savait écrire...

        Je suppose que les droits d'auteur se paient en URSS même. Les écrivains français et flamands sont donc logés à la même enseigne et il faut qu'ils dépensent beaucoup d'argent (pour leur voyage), pour en toucher combien à Moscou?

        Pour ce qui est des relations officielles entre l'association des écrivains de l'Allemagne de l'Est et nos associations, je suis évidemment pour. Mais je ne peux pas vous cacher en même temps - je crois vous l'avoir écrit - que je suis personnellement très déçu par mes contacts personnels avec les milieux littéraires est-allemands, ou plus exactement avec Verlag der Nation et certains écrivains est-allemands. J'ai réagi assez brutalement quand on m'a dit que mes romans "La Chaudière Rouillée" et "Le Flamand aux Longues Oreilles" ne convenaient pas. Evidemment si j'étais Mauriac, Sagan (par un changement de sexe...) ou Pillecijn... A aucun moment et malgré le fatras verbal, je n'ai eu d'explication cohérente. Je sais que mes deux romans vont en avant, qu'ils sont inspirés, comme tous mes livres, par la fraternité et la haine de l'hypocrisie. Je sais que "La Chaudière Rouillée"a été refusée, pour des raisons politiques, par tous les éditeurs de Paris. Alors, j'enrage de recevoir des leçons de morale politique de la part de gens qui éditent l'ex-collabo Pillecijn. J'enrage surtout de ne pas comprendre...

        Je vous donnerai cependant les adresses de quelques écrivains belgo-français que vous pourrez utilement contacter. Je tiens à vous remercier très cordialement d'avoir parlé d'une éventuelle traduction en allemand de mes livres. Je vous remercie aussi de vouloir traduire certains de mes poèmes. A ce sujet - et sans le faire dans un esprit "donnant - donnant", dont j'ai horreur, je tiens à vous dire qu'un jour prochain viendra où je choisirai quelques poèmes de vous - parce que je les aime - les traduirai en français et les enverrai, avec votre accord éventuel, à une revue littéraire. Je ne peux pas encore le faire maintenant, car je suis pris par un travail assez long et très délicat: les deux volumes d'essais (écrivains belgo-français et flamands), dont presqu'une moitié est finie. Mais faites-moi confiance... Si seulement j'avais plus de temps !

        Nous pourrions nous rencontrer à Bruxelles, un jour vers 18 h.15, si vous me prévenez 2-3 jours à l'avance. Mon téléphone dans la journée: 27.26.84. A partir de 20 h: 53.69.64.

        Mes meilleures amitiés à vous et à votre femme

                                                Scheinert D.

2.

        Cher Braet, j'allais poster ma lettre quand j'en ai reçu une de Tschesnakov précisément, et de Verlag der Nation. Elles vous intéresseront peut-être.

        Tchesnakov me fait savoir (enfin!) qu'en ce qui concerne mon travail relatif à l'anthologie, les honoraires restent dus par la maison d'éditions, ce qui signifie en bon français que les droits d'auteur continuent à être payés en URSS. Il fait allusion à une nouvelle anthologie qui comprendrait à la fois les poètes belgo-français et flamands, et compte sur ma collaboration. Pour ce qui est de Verlag der Nation, cette maison d'édition me renvoie, avec des commentaires, un 3e manuscrit qui se trouvait chez eux, "Fabrication d'un Saint". Les commentaires sont d'un lecteur. Je n'ai jamais vu un tel monument de schématisme borné, de sottise et d'ignorance. Mon roman montre, dans un climat de farce et de satire, dans un style volontairement baroque, comment on crée artificiellement une "gloire", un "génie", dans notre société. Bien qu'inspiré d'événements réels, ce n'est pas un roman à proprement parler réaliste. Toutes proportions gardées, pensez à "Don Quichotte". C'est de la vérité grossie jusqu'à l'absurde. J'y montre l'envers du décor, les méfaits d'une publicité insensée, des ministres corrompus, des hommes de main, des artistes pourris, des éditeurs vénaux. Et contre tout cela, un homme qui, à la fin du livre, se rend compte qu'il ne peut pas agir seul, et qui rejoint un cortège de manifestants. Il paraît, d'après les cons de Verlag, que cela n'existe pas et - comme l'histoire se passe en France - qu'on ne peut prêter tant de vilenie au peuple français ! Comme si je prêtais de la vilenie au peuple français, à n'importe quel autre peuple ! J'en aurais pleuré de colère. On a vraiment l'impression que des salauds se camouflent derrière un verbiage pseudo-marxiste pour faire leurs petites crottes. Je ne suis pas un écrivain communiste, je le sais. Mais j'essaie d'être honnête et je crois que mes livres sont fondamentalement sains. C'est pour cela que "La Chaudière Rouillée" et "Fabrication d'un saint" restent inédits. Pour "Le Flamand aux longues oreilles", j'ai eu la chance exceptionnelle de tomber sur un progressiste comme Pierre de Lescure.  Depuis, il a quitté les Editions Del Duca où mon livre va sortir. Il s'en est fallu d'ailleurs de peu qu'il ne sorte pas.

        Excusez-moi de vous avoir imposé ces confidences.

        Bien cordialement

        DS