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Montville - La Trombe - Marche du météore et existence de son passage (rapport des experts)
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Association Histoire et Patrimoine du Haut Cailly

Fonds Patrice Bizet

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Montville - Marche du météore et existence de son passage sur les communes de Bondeville, Malaunay et Monville

(rapport des experts)

Voici les faits observés depuis le lieu dit l'Abbaye commune de Bondeville: Dans un verger, situé à l'ouest d'un des bâtiments de la filature appartenant à Mr Duval, se trouvaient plusieurs pommiers renversés et déracinés, dans la direction S. E.N.0, à l'exception d’un seul qui est jeté dans une direction perpendiculaire, à 100 mètres de distance; au bas de la côte et à gauche dans la Vallée, se trouve encore debout une cabane en très mauvais état, et qui n'a éprouvé aucun dommage, quoiqu'un arbre ait été renversé, à une distance de 8 à 10 mètres et que, d'après Mr Daviron, locataire de cette fabrique, la maison se trouvât dans la direction suivie par le météore.

La face d'un bâtiment a été fortement ébranlée, 3 croisées ont été arrachées et lancées au loin. De là le météore a paru se diriger de l’0. à l’E. ; il a enlevé les planches qui recouvraient les roues de la 2ème filature, puis il a endommagé la facade sud du bâtiment. En se dirigeant vers le S. E, il a renversé la porte de la cour, ainsi que la cheminée d'un petit bâtiment.

Près des pommiers renversés se trouve un magasin, dont la partie du toit opposée au verger a été transportée dans ce dernier en sens contraire de la direction du météore. La toiture, extrémement légère, d'un petit lavoir très voisin n'a pas été dérangée.

Le toit d'un pigeonnier placé au nord de la fabrique, a été découvert du côté sud, et la calotte en plomb qui le surmontait arrachée et projetée à 4 ou 5 mètres dans la direction perpendiculaire à celle de la chute des arbres.

En examinant les lieux, il semble que, dans ce verger, le météore a dû agir dans deux directions, ou successivement, ou simultanément. La première direction, celle de l'est, l'autre, celle du nord-est. Nous signalerons encore dans une prairie, au nord des bâtiments de Mr Duval, un orme brisé à 4 mètres du Sol, et dont la cassure est en tranches concentriques, la haie adjacente n'a pas été atteinte.

Le météore a suivi ensuite la direction d'un ruisseau bordé de peupliers, un grand nombre de ces arbres ont été brisés; d'autres, placés dans les intervalles, n'ont conservé aucunes traces de flexion. La plupart des arbres brisés sont fendus en lattes d'une très petite section, sur une longueur de plusieurs mètres, et les parties du bois ainsi divisées paraissent entièrement dépouillées de sève. Un de ces arbres a éprouvé une action semblable à celle de l'orme brisé, dont nous avons parlé précédemment; sa partie centrale d'au moins 15 centimètres de diamètre et ayant plus d'un mètre de longueur a été détachée Comme Si on l'eût enlevée avec une tarière; son sommet est resté intact, et l'écorce enlevée à la partie inférieure seulement.

Le météore, changeant de direction, a suivi la branche en retour du ruisseau, en renversant les plus grands arbres plantés sur ses bords, principalement ceux qui faisaient face à la partie de vallée déjà parcourue par lui. Plusieurs arbres, restés debout, sont sillonnés en ligne droite, depuis la base jusqu'au 2/3 de la hauteur, sans aucune trace, ni de torsion, ni de courbure.

Le météore s'est porté ensuite sur l'usine de Mr Schlumberger, où il a détruit, par affaisement, l'étente (séchoir); tandis que le bâtiment qui le séparait du ruisseau a été préservé, au lieu d'être atteint d'abord.

A partir de là, on suit encore sa route pendant 2 ou 300 mètres, puis on perd sa trace sur un terrain dénudé; il quitte la vallée, gravit la côte, et il faut aller jusque sur le plateau, au-dessus de Malaunay, pour trouver des traces de sa marche dévastatrice. Sur le plateau, nous avons vu, à côté de la lisière d'un bois, un certain nombre d'arbres brisés ou arrachés; plus loin, un champ récemment labouré, sur lequel se trouvaient des pommiers arrachés, mais qui ont été enlevés. Toutes les personnes qui accompagnaient se sont accordées pour dire que ces arbres formaient 3 bandes distinctes; dans la bande centrale, d’une centaine de mètres de largeur, les arbres étaient renversés dans la direction du sud au nord, direction générale de la marche du météore dans ce lieu, et dans les 2 bandes latérales, les arbres étaient renversés perpendiculairement, les têtes en regard, ce qui semblait indiquer 2 actions latérales convergeant vers 

Au delà, dans le prolongement de ce même champ, qui n'a pas été labouré, et où les arbres renversés n'ont point été dérangés, nous avons vu:

1° Une bande d'arbres, renversés dans le sens de la direction et transportés à quelques mètres.

2° A l'est, une autre bande, dans laquelle les arbres sont couchés de l'est à l’ouest, la tête vers l'ouest.

3° De l’autre côté de la bande centrale, et par conséquent à l’ouest, des arbres renversés, en général de l'ouest à l’est, mais à l'extrémité de cette bande d'autres arbres sont renversés dans tous les sens, il en existe même qui Sont couchés en sens contraire du mouvement du météore; cette dernière Circonstance indique évidemment une action tumultueuse.

D'après une évaluation transmise par Mr Martin, la largeur totale de l’espace ravagé par le météore sur le plateau le long du chemin dit de la rue Audière, est de 217 mètres environ; celle de la première bande, la bande centrale, est de 89 mètres.

Le météore a ensuite produit des dégâts dans un bois qu'il a traversé avant d'arriver à la gorge de Saint Maurice. Cette gorge, qui est très resserrée, est plantée, à sa partie supérieure, de peupliers suisses et de chênes, puis, à sa partie inférieure, de très beaux hêtres. Un grand nombre de ces arbres ont été brisés à diverses hauteurs, déracinés ou renversés dans la même direction, qui est celle du nord-ouest; d'autres très rapprochés des premiers, sont intacts et n'ont conservé aucune trace de flexion. La plupart des arbres brisés sont clivés en lattes sur une largeur qui, dans quelques-une, s’est élevée jusqu'à 7,50 mètres. Plusieurs sont tordus dans la partie élevée, à la cassure et dans des sens différents; nous en avons remarqué deux, distants de 2 mètres, qui étaient tordus en sens contraire. Un arbre a été frappé en écharpe et conserve un sillon extérieur.

Arrivé au bas de la gorge, le météore a suivi la pente de la colline boisée qui se trouve au sud-ouest de la vallée; il a renversé des hêtres séculaires, perpendicualairement à la direction de son mouvement, les têtes tournées vers le nord-Ouest.

De là, le météore, en quittant la colline, est venu de nouveau déboucher dans la vallée du Cailly, dirigée du sud-ouest au nord-est dans cette partie, et après avoir traversé la route départementale.

D'après Mr Martins, la largeur totale de l'espace où l'on observe des dégats au bas de la gorge de Saint-Maurice, sur cette route, est de 428 mètres. Ensuite, d'un côté il a détruit de fond en comble une petite maison vis-à-vis de la fabrique de Mr Fontaine; il a longé, à une distance de 10 mètres, deux autres petits bâtiments sans y toucher, en brisant quelques arbres à côté; (l’une des fabriques avait un paratonnerre et tous ses métiers étaient en fer) puis il s'est précipité sur l’usine de Mr Bailleul, exploité par Mr Neveu. D’un autre côté, en sortant de la gorge de Saint Maurice, après la route et avant d’arriver chez Mr Bailleul le météore a attaqué la ferme de Mr Bertin, dont il a écrasé un des bâtiments et découvert des autres.

En examinant les ruines de l’usine de Mr Bailleul, on ne trouve rien qui puisse éclairer sur la cause du météore, si ce n'est sur sa direction qui est celle du sud au nord ; les arbres de la cour sont renversés dans des sens différents, ceux du jardin dans une direction perpendiculaire à la première, c'est à dire de l’est à l'ouest. Mr Neveu, à l’instant du désastre, a entendu un roulement très violent. Dans la pièce où il a été enseveli avec sa mère, qu'il est parvenu à sauver par sa présence d'esprit et son courage, le pavé a été soulevé. Une portion du toit de la maison a été projetée dans la prairie, perpendiculairement à la direction du sud au nord.

Le météore, en s’infléchissant vers le nord, a suivi en apparence la rivière, et est venu détruire l'usine de Mrs Mare frères. La maison d'habitation a été fortement ébranlée, et nous avons observé dans l'étage supérieur, à l’extrémité nord, une circonstance qui semblerait indiquer un soulèvement avec une action dirigée dans le sens du mouvement du météore. Un tuyau de cheminée est fendu horizontalement, et les extrémités de deux redingotes, suspendues devant ce tuyau, sont entrées dans la fente, le toit est soulevé sans être déplacé.

Une charrette ferrée a été lancée dans la direction du mouvement du météore à une distance de vingt mètres dans la terre.

La cheminée de l’usine a été renversé dans la direction du nord-est; on prétend que, de deux brouettes qui se trouvaient l’une à côté de l’autre derrière la maison d'habitation, l'une, ferrée, a été enlevée et brisée, l’autre, tout en bois, est restée en place.

Le météore a pris ensuite à revers la petite filature de Mr Picquot, il a soulevé le plafond du dernier étage e soulevé une partie du toit. En avant de ce bâtiment, se trouvait un massif d'arbres; les établissements détruits en étaient dépourvus. De ce point, le météore a remonté presque à angle droit vers le nord-ouest, en renversant des arbres presque perpendiculairement à sa direction, et est venu détruire la grande filature de Mr Picquot, en ménageant des bâtiments extrêmes moins élevés, dont l’un refermait la machine à vapeur.

Les ailes d'un autre bâtiment ont été enlevées, et la partie centrale conservée. Après cela, le météore s'est jeté sur la colline boisée, en face de l’établissement de Mr Picquot. Au bas de cette colline, il a brisé et renversé un grand nombre d'arbres qui sont couchés sur le sol, dans des sens complètement opposés ; on suit jusqu'à une certaine distance, « dans le bois, les dégats qui vont en s'affaiblissant.

On observe encore des traces du météore dans la vallée en se dirigeant à l’est, à 45° de sa direction primitive, sur une usine appartenant à Mr de Monville et occupée par Mr Picquot. Là, des arbres paraissent renversés perpendiculairement à la direction du mouvement. Le météore a retourné ensuite vers le nord-ouest, en s'inclinant à peu près de 90° et s'est précipité sur une autre usine de Mr de Monville, au pied de la côte d'Eslettes. Dans cet endroit, le météore semble avoir agit dans deux directions: l’une est celle de la vallée de Clères, l'autre est celle de la pente de la côte. En suivant cette dernière, on observe des arbres énormes, renversés dans le fond; la présence du météore ne s'est plus manifestée ensuite que par des dégats qui vont en s’affaiblissant.

Mrs Martins et Preisser, conseillers des parties, et qui ont suivi la marche du météore au-delà de Clères, ont constaté les faits suivants:

Le météore, après être monté sur le plateau d'Eslettes, en a suivi la crète, en allant de Monville à Clères, mais en descendant quelquefois dans les gorges; il a traversé une petite vallée, dans la direction du nord-ouest de Clères, puis est remonté sur le plateau de Grugny et s'est perdu près du village de Loeilly, distant environ de 10,5 km de Monville.

A 1,5 km au-delà de Monville, les arbres clivés deviennent très rares, ils sont ou déracinés, ou cassés. Un peu au-delà de Clères, dans un abatis de bois produit par le météore, ces Messieurs n'ont pas observé de clivage.

La largeur totale de l'espace où l'on observe des dégâts est de 307 m au-delà de Monville, aux Cambres, et de 62 m à 700 m à peu près au-delà de Clères, dans la petite vallée dont il est question.

A peu de distance de Monville, Mrs Martins et Preisser ont observé un arbre foudroyé; une bande d'écorce a été enlevée sur une longueur de 12 m. Sur la partie dénudée, se trouve un sillon de 1 cm de largeur et de profondeur, aboutissant à un trou en terre que la foudre a probablement formé en s'y perdant.

Rapport des Experts: Mrs Becquerel, Péchet et Lamé.

Lesdits experts se sont transportés, le 1er novembre, sur les communes de Bondeville, Malaunay et Monville. Les experts étaient accompagnés de Mrs Martins, agrégé près de l'école de médecine de Paris, et Preisser, professeur de chimie et physique à l'école municipale de Rouen, conseils des parties.