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Espagne 20e 1930 - 1939
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L’Espagne dans les années 1930 

Début des années 1930        1

1930        1

1931 Avènement de la République, exil du roi.        1

1933        2

1934        3

1935        3

1936  Début de la Guerre civile espagnole        4

1937        14

1938        17

1939        19

Sources

Espagne, une guerre sans fin, documentaire de Stéphane Benhamou.

Début des années 1930

Les tensions montent entre le Front populaire de gauche (républicain) et une alliance des partis nationalistes.

1930

> En janvier, au pouvoir depuis 1923, le général dictateur Primo de Rivera est contraint de céder la place. Il s'exile à Paris.                          

Une partie significative de l’opposition à la dictature de Primo de Rivera témoigne de bonnes dispositions quant à la reconnaissance de la spécificité de la Catalogne.

> En août 1930, le Pacte de San Sebastian établit un accord et des mesures visant à renverser la monarchie d’Alphonse XIII.

1931 Avènement de la République, exil du roi.

> En avril, les soutiens à la monarchie s’effondrent. Face à la menace d’insurrection, désavoué par son pays, le roi d’Espagne Alphonse XIII (grand-père de Juan Carlos) abandonne le trône et est chassé en exil sous la pression de la bourgeoisie. Il abdique. La monarchie espagnole s'écroule.

> Le 12 avril, en Catalogne, lors des élections municipales, triomphe une nouvelle force politique, créée à peine quelques mois auparavant, Esquerra Republicana (ERC).

La nouvelle Constitution garantit la liberté de la presse et la tenue d’élections libres. Tous les Espagnols en âge de voter, hommes ou femmes, peuvent se rendre aux urnes.  Le 14 avril, victoire écrasante de la gauche aux élections.  Avènement de la Seconde République qui se dote d’une Constitution. Manuel Azaña, membre d’Izquierda Republicana, devient président du Conseil des ministres de la République (- 12/09/1933).

Manuel Azaña

Trotsky estime que "la révolution espagnole a commencé". Andrès Nin rentre en Espagne.

> La vague de réformes progressistes n’est pas au goût de tout le monde. A commencer par la classe possédante soucieuse de préserver ses intérêts. Pas plus que l'Église qui se voit retirer le monopole de l'Éducation ou que la petite et moyenne bourgeoisie effrayée par la politisation des masses. Le pluralisme politique ayant ouvert la voie à une multitude de partis de gauche, beaucoup craignent que l’Espagne  ne soit au bord d’une révolution. La promesse d’une plus grande autonomie de la Catalogne et du Pays Basque fait redouter à certains l’éclatement de l’unité nationale. Franco ne va pas tarder à riposter.

1932

Dans les Pyrénées espagnoles, à une centaine de kilomètres au nord de Barcelone, le comte de Figols possède d’importantes mines de charbon. Les mineurs, venus des campagnes espagnoles les plus pauvres, habitent dans une cité minière à flanc de montagne, taillables et corvéables à merci.

> En janvier 1932, les mineurs, majoritairement anarchistes, se révoltent et proclament une République libertaire et sociale, persuadés que toute l’Espagne va le suivre. Au bout de cinq jours, l’armée intervient. Les mineurs, sans chefs ni stratégie, se rendent. 40 mineurs sont arrêtés et déportés sans jugement en Afrique et aux Canaries. Mais pour les leaders anarchistes, l’échec n’a pas d’importance, ils le considèrent comme une sorte d’entraînement, ce qu’ils appellent une "gymnastique révolutionnaire” habituant les masses à surmonter leur peur de la police et de l’armée.

1933

> En novembre 1933, aux élections, victoire de la droite. Les conservateurs se sont alliés pour remporter l’élection. Le gauche essuie une lourde défaite.

> Salvador Dali éprouve une étrange fascination pour le nouveau chancelier allemand Adolf Hitler.

Franco, qui a remporté la guerre au Maroc, est promu général de division.

1934

> Le 6 octobre 1934, le président de la Généralité de Catalogne, Lluis Companys, proclame l’indépendance de la Catalogne.

Lluis Companys

> Du 6 au 13 octobre 1934, insurrection des mineurs de charbon des Asturies.

Le gouvernement se tourne vers Franco, trop content de pouvoir rétablir l’ordre.

L’affrontement prématuré est atrocement écrasé par l'armée républicaine qui envoie la Légion étrangère espagnole de l’armée d’Afrique commandée par les généraux Franco et Goded.

Franco utilise les méthodes de la guerre coloniale contre les grévistes.

Il fait bombarder la côte par la marine espagnole et les villages des mineurs par l'aviation espagnole.

Franco organise des exécutions pour l’exemple pour prévenir d’autres mouvements.

Les troupes de Franco rassemblent et fusillent plus de 3.000 grévistes espagnols.

30.000 prisonniers sont envoyés purger leur peine dans les colonies espagnoles d’outremer.

Deux "années noires" vont s'ensuivent où un coup d'Etat est préparé par les antirépublicains en permanence.

La gauche est révoltée par la brutalité des méthodes de Franco.

Elle s’unit pour former ce qui deviendra le Front populaire.

Il y a deux millions d'ouvriers anarchistes organisés par le syndicat CNT, le plus important syndicat (Barcelone et campagnes d'Andalousie, de Castille et de Catalogne).

1935

> En septembre 1935, la gauche communiste (Andreus Nin, Juan Andrade) rompt avec Trotsky pour fusionner avec le Bloc ouvrier et paysan de Catalogne (dirigé par Joaquin Maurín et issu d'une scission du PC espagnol) et former le POUM, une organisation "centriste de gauche". Wilebaldo Solano en dirige l'organisation de jeunesse.

1936  Début de la Guerre civile espagnole

> Le POUM compte environ 6.000 militants.

> En janvier, dissolution des Cortes.  Un pacte de Front populaire est signé entre les partis libéraux bourgeois et les organisations ouvrières. Le PC espagnol officialise ainsi la nouvelle politique de l'Internationale stalinienne. Le programme de ce front, concentré sur la question des libertés démocratiques, se borne à des mesures de gestion de l'ordre bourgeois. Le 16 février, aux élections aux Cortes, la majorité bascule, c’est la victoire du Front Populaire contre la coalition des droites regroupées dans le Front national. Les nationalistes perdent de quelques voix les élections. C’est un camouflet pour Franco. Le Front populaire obtient la majorité. Le gouvernement de droite est éjecté. Les anarchistes de la CNT refusent d'y participer mais soutiennent le Front Populaire. Le 19 février 1936, gouvernement de Manuel Azaña (- 10 mai).

Manuel Azaña

Joaquin Maurin, un de ses principaux dirigeants du POUM, est élu député.

> La mobilisation ouvrière connaît un développement impressionnant (- juillet).  Toutes les villes importantes voient au moins une grève générale. Redoutant un coup d’Etat, le gouvernement du Front populaire écarte les généraux les plus conservateurs. Franco est envoyé dans une des dernières colonies espagnoles, les Canaries, à 100 kilomètres des côtes africaines et à 2.000 kilomètres de Madrid. Les généraux en exil voient l’Espagne basculer à gauche.

> En mars, des paysans d'Estrémadure se saisissent des terres.

> L’armée ne cache pas son intention de renverser le gouvernement légal. En avril, le général Mola appelle à l’insurrection. C'est l'organisateur dans l'ombre du coup d'État.

> Les jeunesses socialiste et communistes fusionnent.

> Le 11 mai, Manuel Azaña, républicain de gauche, remplace Zamora comme président de la République (- 3 mars 1939). 

> En juin, grève dans la construction à Madrid.
> En été, Barcelone accueille les
Olympiades populaires, une réponse pacifique aux Olympiades de Berlin que la République espagnole a boycotté. Parmi les 6000 athlètes venus défier le drapeau nazi dans un stade, un bon nombre d’entre eux, discriminés par leur race ou leur religion, ont répondu présent. Face à la montée du fascime allemand et italien l’Europe est sous tension. Mais la grande fête alternative du sort n’aura pas lieu.

> Le 13 juillet, le Parti communiste assure le gouvernement de son soutien total.

> A Madrid, alors qu’il est détenu par la police, assassinat par des asaltos (corps de police de gauche) du leader de la droite aux Cortes, José Calvo Sotelo, un fervent royaliste. Pour la droite espagnole, cet assassinat est un scandale. Pour Franco et ses généraux, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ses funérailles se transforment en démonstration de force.

Des soulèvements fascistes au Maroc se répandent aussi en Espagne. Le Premier ministre Quiroga refuse d’armer les travailleurs.

> Le 17 juillet, depuis le Maroc espagnol, après plusieurs jours d’hésitation, Franco, chef suprême des îles Canaries et commandant en chef des armées du Maroc, avec un groupe de généraux, déclenche un coup d’Etat, affirmant défendre l’Espagne catholique contre les maux du communisme athée. Tentative de putsch militaire fasciste (pronunciamiento) par une poignée de généraux autour de Franco et Sanjurjo contre la jeune République espagnole. A la tête du complot, le général Mola est bien décidé à renverser la République. A ses yeux, la République est un fléau et ses adeptes de dangereux bolchéviques. Les conjurés bénéficient du soutien massif des milieux monarchistes, des grands propriétaires terriens et du monde industriel et financier. Mais aussi d’une partie de l’armée et d’une organisation fazsciste, la Phalange. Les troupes nationalistes débarquent dans le sud. Le 18 juillet, habillé en civil, Franco s’envole incognito pour le Maroc. Sa mission est de conduire l’armée d’Afrique en Espagne. Il obtient le soutien de l’armée d’Afrique.

Franco

> Pour contrer l’insurrection qui se répand, villes et villages s’organisent. Les dépôts d’armes sont pris d’assaut. A l’appel de leurs dirigeants, militants socialiste, communistes, syndicalistes et surtout anarchistes se muent en miliciens et nombre de femmes avec eux. Rapidement, plusieurs garnisons du pays se rallient à la rébellion. Les marins refusent de participer au putsch, désarment les officiers et prennent le contrôle des navires. Encadrés par la fraction de l’armée restée loyale au gouvernement, les miliciens, soldats improvisés, manient souvent pour la première fois les armes. Partout où l’armée s’empare du pouvoir, elle exécute massivement tous les membres des partis de gauche et des syndicats ouvriers. Les navires de la flotte espagnole patrouillent partout. L’Armée d’Afrique que Franco doit emmener en Espagne est bloquée au nord du Maroc car le détroit de Gibraltar est surveillé par la marine. La rébellion militaire franquiste est soutenue par l'Église catholique, la majorité des officiers et les droites. La putsch échoue grâce à la riposte fulgurante des travailleurs.

Début de la révolution espagnole et de la guerre civile. Elle fera plus de 350.000 morts auxquels il faut ajouter les 200.000 républicains exécutés sur ordre de Franco après la victoire de mars 1939.

> Le 19 juillet, la CNT, syndicat anarchiste d’un million et demi d’adhérents, appelle à la grève générale. Durs combats à Barcelone où le peuple écrase la révolte de l’armée après de sanglants combats. Le 20 juillet, André Malraux, écrivain antifasciste arrive en Espagne et parcourt Madrid en insurrection. Il a été envoyé par le gouvernement français pour mesurer l’ampleur du putsch. Il atterrit dans une capitale sur le qui-vive. Les miliciens en salopette ou en bleu de travail brandissent des fusils de chasse ou d’antiques pétoires. Sur les places, des haut-parleurs diffusent des nouvelles venant des quatre coins du pays. Et ces nouvelles sont mauvaises. En trois jours, les fascistes ont conquis plus du tiers de l’Espagne. Les camions hérissés de fusils de te mitrailleuses défilent sans interruption, ceux des gardes d’assaut, ceux des républicains, ceux POUM et surtout, les plus applaudis, ceux des anarchistes de la CNT qui viennent de sauver Barcelone. Ils partent à l’assaut des villes conquises par les fascistes. Malraux constate que la faiblesse de la défense républicaine c’est l’absence d'aviation[1]. Malraux cherche des avions et des pilotes. Il a pour lui une ténacité à toute épreuve, des complicités au Ministère de l’Air, le soutien de sa femme Clara et l’or de la République espagnole. En huit jours, il parvient à acheter quelques appareils et à embaucher une poignée de pilotes. Les appareils ne sont pas tous de première jeunesse. L’escadrille n’a pas de drapeau, les grades sont inexistants, tout le monde se tutoie, personne ne porte d’uniforme, on ne salue pas à trois pas, main au képi mais on dresse le poing en lançant un Salud encore enthousiaste. Le coronel est affublé d’une cravate, souvent d’une casquette. Il est à l’image de l’unité qu’il commande, plus libertaire que chef de guerre.

> Très vite, les nationalistes s’imposent dans les régions traditionnellement conservatrices de la vieille Castille, du Léon et de la Galice ainsi qu’en Navarre et une partie des Asturies A l’ombre de sa cathédrale, Burgos devient le quartier général de l’insurrection. Un embryon de gouvernement militaire collégial se met en place, destiné à prendre le contrôle du pays. Pour y parvenir, le chef de l’insurrection, le général Mola, énonce la méthode : Il faut semer la terreur, il faut laisser la sensation de domination en éliminant sans scrupules tous ceux qui ne pensent pas comme nous. La chasse est ouverte. Les représentants de l’ordre républicain sont les premières victimes : gouverneurs de provinces, maires, conseillers municipaux mais aussi militants et simples sympathisants de gauche sont éliminés. Chaque ville, chaque village conquis, est systématiquement nettoyé au prix de dizaines ou de centaines d’assassinats. Les femmes jugées trop libres n'échappent pas aux exactions : battues , insultées, elles sont victimes de multiples outrages. Le général Queipo de LLano va même jusqu’à multiplier les appels au vio à la radio : Maintenant elles viennent de connaître ce que sont de véritables hommes, elles peuvent se débattre ou couiner autant qu’elles veulent, cela ne les sauvera pas. Grenade tombe aux mains des fascistes, sans résistance, les républicains n'ont rien pour se défendre. Des milliers d’habitants sont fusillés. Très vite, l’Espagne se couvre de fosses communes. En trois jours, les putschistes triomphent à Séville et s’emparent d’une grande partie nord du pays, allant de la Galice à la Navarre.

> Le clergé assiste imperturbable à cette sauvagerie. Dès le début de l’insurrection, la plupart de ses représentants se sont rangés dans le camp des conjurés. Ils ont une revanche à prendre sur cette République laïque qui les a privés des subsides de l’Etat. Dans les paroisses acquises à la cause, le soulèvement militaire est célébré comme une libération. Au nom de Dieu et de la Patrie, les prêtres appellent à rejoindre la croisade contre les impies. L’évêque de Burgos déclare : Les graines du diable doivent être éliminées. Les jeunes qui ne vont pas à la messe sont dénoncés par les curés des villages et assassinés par les franquistes. Certains prélats bénissent les canons. Des prêtres abandonnent la soutane pour rejoindre les rangs des combattants. En Navarre, les volontaires sont si nombreux que l’Eglise se retrouve sans curés pour célébrer la messe ou recueillir les confessions.

> En quelques jours, dans presque toutes les grandes villes, sauf Séville, Saragosse et Gijon, les ouvriers s'arment et écrasent le putsch. La classe ouvrière inflige une défaite militaire écrasante aux fascistes dans toutes les grandes villes et régions industrielles et les obligent à battre en retraite dans les régions agraires, sous-développées du pays. Le coup d’Etat a échoué. La république reste debout mais l'appareil d'Etat bourgeois vole en éclats. Des organes de double pouvoir, comités d'usine (18.000), de quartiers, de paysans, de soldats, de milices, couvrent presque tout le territoire. Aucune organisation ne donne l’ordre de constituer des comités, ils naissent spontanément[2].

Le gouvernement républicain n'a plus aucune autorité, sinon à Madrid, et encore.

> A Madrid, siège du gouvernement central, les putschistes se heurtent à une résistance acharnée. Des milliers de travailleurs occupent les rues, bloquant les militaires dans les casernes.  L’assaut est donné aux casernes et les mutins sont totalement défaits. L'aviation républicaine bombarde la caserne de la Montana. La caserne finit par se rendre et le général Fanjul qui la commande est traduit devant un conseil de guerre. Madrid reste aux mains des milices et des troupes républicaines.

Les ouvriers sont écrasés à Séville et Saragosse, ailleurs, ils l'emportent.

> L’Espagne est le seul pays où les anarchistes ont une organisation de masse, à la fois politique et syndicale, la CNT-FAI. Le cœur du mouvement anarchiste espagnol est la Catalogne et d’abord la grande ville industrielle de Barcelone. Les anarchistes y sont en grande majorité des ouvriers précaires, durement touchés par le chômage. Venus des régions les plus pauvres de l’Espagne, ces immigrés de l’intérieur s’entassent dans les barrios, les quartiers ouvriers de la nouvelle périphérie. Dans cette Barcelone anarchiste, seuls de minuscules fragments résistent encore à la gentrification de la ville. Les militants anarchistes pensent que l’heure de la révolution sociale est enfin arrivé.

Sous l’impulsion des anarchistes, dans la seule ville de Barcelone, plus de 3.000 entreprises sont collectivisées et dirigées par des conseils ouvriers élus par la base. Le grand restaurant de l’hôtel Ritz est autogéré et transformé en cantine militante. Les usines produisant les armes pour le front sont autogérées, ainsi que celles produisant la nourriture pour les soldats et la population. Les salons de coiffure, les hôpitaux, l’électricité et les transports sont également autogérés.

> Le 21 juillet 1936, réunion du Comité central des milices de Catalogne où toutes les organisations ouvrières sont représentées (CNT, FAI, communistes, socialistes, POUM, catalinistes de gauche). Les anarchistes refusent de centraliser les comités en Espagne et le POUM hésite.

Les banques sont rasées et pillées. Des dizaines de journaux paraissent.

> En représailles contre les massacres commis par les franquistes, période de terreur rouge dans le territoire resté fidèle à la République, une violence aveugle se déchaîne. La cible principale de la fureur est l’Eglise catholique. Associée à l’oppression, elle cristallise la haine des faibles contre les puissants. Des centaines d’églises et couvents sont brûlés, les exécutions de membres du clergé qui défendent les nationalistes se poursuivent pendant de longs mois. Au total, 7.000 prêtres sont massacrés[3]. Le journal des anarchistes, Solidarité ouvrière, justifie ces meurtres : Ils sont responsables, non seulement de l’insurrection fasciste mais aussi d’avoir maintenu le peuple dans un été de misère permanente et dans une ignorance plus durable encore. Ce qui arrive au clergé obscurantiste n’est autre que le fruit de ce qu’il a semé. Les lieux de culte qui échappent aux flammes sont convertis en étables, en entrepôts ou en hôpitaux. Le blasphème devient un signe de ralliement, au point que ceux qui s’y refusent sont suspectés de collusion avec l’ennemi. On estime que 7.000 religieux ont été victimes de ce qu’on appelle la terreur rouge. Rien qu’au cours du siège de Madrid, plus de 2.000 hommes d’église mais aussi des représentants de la droite espagnole sont sauvagement assassinés.

> Côté insurgés, la quête d’alliés bat son plein. Grâce au contact direct de Franco avec l’entourage d’Hitler et de Mussolini, une cinquantaine d’avion et mis à sa disposition pour traverser le détroit de Gibraltar avec dans son sillage, l’armée d’Afrique, plus de 30.000 soldats aguerris dont ceux de la Légion, une unité d’élite formée de mercenaires qui ne reculent devant aucun brutalité.  Pour franchir le détroit de Gibraltar, Franco fait preuve d’audace et en appelle aux deux hommes forts du moment : Adolf Hitler et Benito Mussolini. Ces derniers sautent sur l’occasion, l’Espagne va leur servir à tester leur armement et leurs méthodes. A la fin du mois de juillet 1936, des avions allemands et italiens transportent les soldats de l’armée du Maroc vers le sud de l’Espagne, 14.000 hommes en une semaine. Ils effectuent un pont aérien de quelque 800 vols. Sans l’aide des pouvoirs fascistes, l’armée de l’Afrique ne serait arrivée à rien. Quelques jours plus tard, Franco prend pied sur le continent.

> En août 1936, arrivée d'avions allemands et italiens au Maroc. Le conflit prend un aspect international.

> André Malraux est nommé coronel, lieutenant-colonel de l’armée républicaine. Sa mission est d’entraîner et commander une escadrille de volontaires basée à Cuatro Vientos, à dix kilomètres au sud-ouest de Madrid. Ainsi naît l’escadrille Espana. Elle est composée d’Italiens, d’Espagnols, d’Allemands, de Russes. Tous sont des aventuriers, quelques- uns sont dévoués à la cause. Les équipages ne parlent pas la même langue.

Pendant que des combats font rage dans différentes régions, Franco remonte vers le nord en direction de Madrid. Franco encourage ses hommes à la plus grande violence et cruauté. Les soldats de l’armée d’Afrique massacrent la population civile dès qu’ils traversent un village. Les dissidents qui sont capturés sont regroupés et fusillés.

Violant le principe de non intervention de la SDN, les Italiens vont envoyer durant la guerre 70.000 “volontaires” en Espagne, tandis que les avions fournis par le Reich assurent aux franquistes la quasi-maîtrise de l’air.

L’Espagne sert de champ d’expérimentation stratégique : le Reich teste l'efficacité de ses chars modernes et des raids aériens de terreur menés contre les populations civiles.

Sous prétexte de maintenir l'unité avec le Parti radical, le gouvernement français se refuse à intervenir pour aider le Front populaire espagnol.

> Quand les autorités espagnoles appellent la France à l’aide, dans un premier temps, le socialiste Léon Blum est prêt à leur tendre la main. Les Britanniques, eux, y sont farouchement opposés. Londres se méfie d’une Espagne trop à gauche à son goût et préfère donner du crédit à la parole de la famille royale en exil. Léon Blum finit par s’aligner sur la position anglaise. La République espagnole fait l’amère expérience de se trouver abandonnée par les démocraties occidentales. Le 15 août, Léon Blum propose aux puissances la non-intervention en Espagne. La France et l’Angleterre signent un pacte de non intervention. Ils seront bientôt rejoints par 25 autres pays. Le président Cardenas du Mexique refuse d'y adhérer et livre des armes à l'Espagne républicaine. Dans un premier temps, Staline adhère au Pacte de non intervention.

> A partir du sud de l’Espagne, les nationalistes effectuent la reconquête avec cinq colonnes à travers l’Andalousie et le long de la frontière portugaise. L’armée d’Afrique provoque la terreur sur son passage en effectuant des massacres organisés. Dans une volonté de “purification”, les prisonniers sont systématiquement exécutés. La terreur blanche sévit avec la bénédiction de la hiérarchie catholique. La répression franquiste fera au total au moins 200.000 victimes.

> Le 2 août, 80 républicains sont fusillés par les fascistes à Magallon, en Aragon.

Dissolution du comité central des milices en Catalogne. Aide russe à l'Espagne républicaine.

> Le 5 août, prise d'Irun par le franquiste Mola.

> Le 6 août, premières lois franquistes en vue de la victoire.

> Les troupes de Franco atteignent la ville de Badajoz, près de la frontière portugaise. Le 7 août, prise de Badajoz, sur la frontière portugaise, par les franquistes. Les nationalistes massacrent . Dans la nuit du 14 au 15 août 1936, à Badajoz, 4.000 hommes, femmes, enfants sont assassinés par les franquistes. Et ce massacre est loin d’être un événement isolé.

> Le 13 août, chute de San Sebastian.

> Le 17 août pour la première fois Malraux prend part au combat. Basés à Barajas, aéroport de Madrid, les avions de Malraux sont la seule force aérienne qui s’oppose à la remontée des troupes fascistes vers le nord. Première sortie des avions qui dispersent une colonne rebelle.

L’escadrille a été chargée par le commandement de couper la colonne fasciste qui s’approche dangereusement de Madrid. Il faut éviter les canons de la DCA, voler le plus longtemps possible au-dessus des nuages. L’appareil ne disposant pas de lance-bombes, on fait à la main, on ouvre la porte, le vent qui s’engouffre fait tituber les hommes. Les explosions se succèdent, la colonne fasciste est stoppée. La bataille de Medellin est la première gagnée par l'aviation de la République.

> Le 18 août 1936, l’Internationale communiste décide de recourir à des volontaires étrangers pour combattre en Espagne. Arrivée des premières Brigades internationales suscitées par l’URSS. La formation des brigades internationales a pour but d'éviter que les volontaires étrangers ne rejoignent les rangs du POUM aux sympathies trotskystes. Aux experts militaires russes s'ajoutent les agents du NKVD qui font régner la terreur en tant que police politique (Orlov), d'abord dans les Brigades internationales. Les brigades internationales sont dirigées vers Albacete, entre Madrid et Valence. Albacete devient le quartier général des Brigades internationales. Dépassées par le nombre, les autorités mettent tout en pieuvre pôur les héberger. La ville baigne dans une étrange atmosphère faite d'angoisse et d’enthousiasme. La population attend la bataille de Madrid. Les premiers brigadistes sont envoyés sur le front de Madrid sans avoir été entraînés. Dans un café d’Albacete, au milieu des volontaires des Brigades internationales qui arrivent de toute l’Europe et des conseillers militaires envoyés par Moscou, André Malraux lit les épreuves du livre d’André Gide que celui-ci lui a fait apporter par l'écrivain Herbart pour avis. Son verdict tombe avant même la dernière page : l’ouvrage nuit aux Soviétiques qui arment l’Espagne, il ne faut pas publier.

> Le 19 août, Frederico Garcia Lorca est fusillé à 38 ans près de Grenade[4].

> Le 27 août, un petit groupe de soldats nationalistes s’est retranché dans l’Alcazar de Tolède. Même si Tolède n’a pas de valeur stratégique, elle possède un atout de taille : c’est le centre historique du catholicisme espagnol.

> En septembre, le camp républicain manque d’armes lourdes, de chars, d’avions. Staline accepte d’envoyer des armes au camp républicain et à son gouvernement de Front populaire. Arrivée d'armes et cadres russes pour aider les républicains. Les premières arrivées d’armes soviétiques déchaînent l’enthousiasme (en échange de 476 tonnes d’or).

> Ce qui devait être un putsch éclair des franquistes se transforme en guerre civile d’envergure. L'Espagne est divisée au sein même des familles où il peut y avoir des soutiens aux franquistes et aux républicains.

Si Franco a conquis de larges portions du territoire, son emprise est loin d’être complète. Dans de nombreuses régions sous son contrôle, la moitié de ses compatriotes sont contre lui. Alors que ses troupes poursuivent leur avancée, Franco entreprend d’éliminer tous ses opposants politiques. Il ordonne la création de tribunaux militaires dans le seul but de poursuivre ses opposants. On est passible de poursuite si on a la moindre relation avec des républicains. Certains sont poursuivis pour des activités qui remontent à 1934. Ville après ville, villages après villages, les escadrons franquistes arrêtent non seulement les dirigeants du Front populaire et ses partisans mais quiconque a des sympathies républicaines. A mesure que la guerre s’étend, Franco intensifie ses attaques sur les civils. Les forces aériennes allemandes et italiennes qui le soutiennent bombardent villes et villages.Ger

> Le POUM a sa propre milice formée à 80 % d’antifascistes allemands. Georges Orwell fait partie des milices du POUM.

> Le 4 septembre, gouvernement Largo Caballero (PSOE) à participation communiste (- 17 mai 1937).

Largo Caballero (PSOE) 

> Le 21 septembre, Franco, pour assurer son leadership, réunit les plus hauts gradés espagnols. Venus des quatre coins d’Espagne, les généraux putschistes atterrissent sur une piste improvisée près de Salamanque. La junte voit en Franco un facteur d’unité et de cohésion tant que la guerre durera. Franco est nommé général en chef des armées après un vote de ses pairs, il est désormais generalissimo, général suprême, appelé aussi le caudillo. Mais pour l’instant Franco ne contrôle que certaines zones d’Espagne. S’étant assuré le soutien des généraux, Franco se concentre sur un autre pilier : l'Église catholique.

> Contrairement aux généraux occupés à assurer la victoire de leurs troupes, Franco, lui, suit son propre agenda. Plutôt que de remonter vers Madrid, tenu par les Républicains, Franco bifurque vers Tolède et choisit de voler au secours de la garnison de Tolède retranchée depuis deux mois et demi dans l’Alcazar avec femmes et enfants. Le 27 septembre, assiégés depuis plusieurs semaines par les Républicains, les nationalistes de Tolède sont dégagés par les troupes de Franco qui écrasent l’armée républicaine et s’emparent de la ville. Présentée comme un exploit par son service de presse, la libération de la forteresse fait connaître le nom de Franco dans le monde entier.  Les prisonniers républicains sont massacrés par centaines. Chute de Tolède. Franco fait figure de sauveur du catholicisme espagnol.

> Fin septembre, alors qu’aucun des camps n’entend céder à l’autre, le rapport de forces reste à l’avantage de Républicains. Ils contrôlent les deux tiers du territoire, ses ressources et disposent des gigantesques réserves d’or de la Banque nationale. Toutefois, l’autorité du gouvernement central est contestée. Dans le tumulte des évènements, l’ordre public s’est effondré, laissant un vide du pouvoir. A Barcelone et en Aragon, les anarchistes s'engouffrent dans la brèche, l’heure est à la révolution. Les entreprises et les fermes sont collectivisées. Dans la capitale catalane, devenue l’épicentre d’un bouleversement sans précédent, les hôtels de luxe sont réquisitionnés. Symboles de l’ennemi de classe, ils sont transformés en cantines populaires. Tandis que Barcelone vit l’été le plus enivrant de son histoire, les nationalistes se préparent à marcher sur Madrid.

> A l'automne, les Républicains reçoivent enfin les soutien international tant attendu. Les premiers contingents des Brigades internationales débarquent en Espagne. A l’initiative du Komintern, près de 35.000 volontaires viennent prêter main forte à la République en danger. Parmi les brigadistes qui affluent dans le pays, près de 50 nationalités sont représentées. Militants antifascistes de la première heure ils sont prolétaires, intellectuels, chômeurs ou aventuriers.

> En octobre, les troupes nationalistes contrôlent tout l’ouest de l’Espagne. Mais le reste du pays demeure aux mains du Front populaire.

> Pour diriger le pays, Franco doit conquérir son centre politique, financier et administratif. Épaulés par les Brigades, équipés par Moscou et exhortés à la résistance par Dolores Ibarruri, surnommée La Pasionaria, les Madrilènes s’apprêtent à défendre leur capitale avec ardeur.  Pilonnée sans relâche pour briser le moral de la population, Madrid suit, nuit après nuit, le bombardement meurtrier de l’aviation allemande. Pendant des semaines, Franco pilonne la capitale. Malgré les tirs d’artillerie, les bombardements aériens, les attaques au sol, la ville refuse de se rendre. Dans le quartier de l’Université, où les combats sont particulièrement violents, les étudiants dévalisent la bibliothèque pour ériger des barricades. Beaucoup d’enfants sont évacués à la campagne, d’autres sont envoyés en France, en Grande-Bretagne et même en Union soviétique pour les mettre à l’abri.  La République a concentré ses troupes à Madrid. Madrid peut survivre tant qu’elle réussit à ne pas être encerclée.

> Le 7 octobre 1936, décret d'expropriation des fascistes de leurs terres.

> Le 10 octobre 1936, décret créant l'Armée populaire et militarisant les milices.

Reconstitution d'une police et d'une armée bourgeoise centralisée.

> Le 12 octobre 1936, chute de la première ligne de défense de Madrid.

> Le 17 octobre 1936, Oviedo est prise par les franquistes.

> Le 24 octobre 1936, décret de collectivisation en Catalogne.

> Le 25 octobre 1936, décret qui interdit toute activité politique et syndicale.

> Fin octobre 1936, les troupes de Franco assiègent Madrid. 24 batteries d’artillerie pilonnent la ville. Des barricades sont construites dans les faubourgs. Durant la dernière semaine d’octobre, les bombardements font des centaines de victimes.

> Le 4 novembre 1936, entrée de représentants anarchistes de la CNT dans le gouvernement Caballero. Ils participent à un gouvernement de coalition avec la bourgeoisie. Peu à peu, celui-ci reconstitue une armée qui va s'opposer aux milices et supprimer les comités mis en place par les organisations ouvrières. Tous les ministres, y compris les anarchistes, signent un décret sur la dissolution des milices et leur incorporation dans l'armée régulière.

> Le 7 novembre 1936, 20.000 soldats franquistes se lancent à l’assaut de Madrid par l’ouest. Ils se heurtent aux soldats du 5e régiment (PC). L’escadrille de Malraux et des chasseurs soviétiques affrontent les avions de Franco. Le 8 novembre 1936, attaque de Madrid par le général Mola et début du siège de Madrid (- 28 mars 1937). La défense de Madrid est confiée au général Miaja resté fidèle au gouvernement. Le Parti communiste, très influent, dispose de son propre régiment, le 5e, de 10.000 hommes. La 11e brigade internationale arrive (1.900 hommes) pour défendre Madrid et monte au front, mal équipée. Les enfants sont évacués vers Valence. Tous les riches et les hauts fonctionnaires s’échappent. Le gouvernement de Largo Caballero quitte Madrid pour Valence. Madrid est soumise à des bombardements systématiques. Franco : “je détruirai Madrid plutôt que de la laisser aux marxistes”. Le 15 novembre, arrivée de la colonne Durruti pour défendre Madrid. Ils sont mis en déroute. Le 17 novembre, la 12e brigade internationale arrive à Madrid et remplace en première ligne la 11e brigade dans la cité universitaire. Le 21 novembre, Durruti est tué. 500.000 personnes lui rendent hommage à Barcelone. Franco renonce à prendre Madrid par une offensive frontale. Le camp républicain tient sa première victoire. L’escadrille Espana (Malraux) quitte Madrid pour Albacete. Les franquistes construisent des bunkers et des tranchées tout autour de la capitale.

> Défait devant Madrid, Franco dirige ses troupes vers le nord, avec une nouvelle stratégie, une guerre d’usure, lente, qui détruit tout sur son passage.

> En décembre, le POUM est exclu du gouvernement de la Généralité. Il représente le dernier espoir d'une avant-garde ouvrière trahie par le gouvernement de Front populaire. Le 17 décembre, La Pravda annonce l'épuration des trotskystes et anarcho-syndicalistes en Catalogne.

> Le Komsomol, un navire soviétique, accoste à Carthagène. A son bord, des vêtements, des vivres et surtout des armes qui font tant défaut aux Républicains. Après maintes hésitations, Staline s’est enfin décidé à faire un geste.

1937

> En Espagne, photographes, journalistes et écrivains arrivent du monde entier pour témoigner. Ils accompagnent les combattants autour de Madrid bombardée nuit et jour. Robert Carpa et Capa Garda sont là. George Orwell s’engage, d’autres combattent avec leur plume. Klausmann et sa soeur Erika, Pablo Neruda, Anna Seghers. Capa et Garda retrouvent souvent Hemingway dans les fondrières de la Casa del Campo, autour de l’Université. Envoyé en Espagne par une agence de presse américaine, Hemingway est le correspondant de guerre le mieux payé de l’histoire de la  presse mondiale et un extraordinaire symbole pour la République assiégée. Il retrouve le cinéaste hollandais Joris Evens qui tourne Terre d’Espagne. Hemingway en écrira le commentaire. Garda

> Le 6 février, Franco lance une attaque en tenaille (40.000 hommes et une centaines de blindés) au sud de Madrid pour couper la route de Valence à Madrid.

> Le 8 février, Malaga est prise par les Franquistes. Des milliers de militants de gauche sont abattus. Les habitants qui fuient vers Valence sont bombardés par les chasseurs italiens. L’exode se transforme en tragédie. Après la prise de Malaga par les armées fascistes, les deux derniers avions de l’escadrille Espana, rebaptisée Escadrille André Malraux, s’envolent pour protéger les villageois qui fuient devant les colonnes de Franco. Le premier appareil atterrit en catastrophe. Le deuxième est attaqué par une meute de chasseurs italiens. L'escadrille André Malraux n’existe plus.

> Le 11 février, les soldats de la 14e brigade internationale sont massacrés au sud de Madrid. La bataille de la rivière Jarama est une boucherie pour les brigades internationales. 2.000 brigadiste hors de combat. Les Républicains réussissent à garder le contrôle de la route. Le front se stabilise.

> Le 8 mars, 35.000 soldats italiens de Mussolini attaquent Guadalajara avec une division blindée. Ils avancent rapidement dans un premier temps.

> Le 22 mars, la Brigade Garibaldi (12e brigade internationale constituée d'Italiens) met en déroute devant Madrid, à Guadalajara, une division régulière de l'armée fasciste italienne. Les soldats de Mussolini refluent en désordre et abandonnent des tonnes de matériel. La résonance en Italie est immense. La classe ouvrière italienne reprend espoir et la résistance s'amplifie. Pour la première fois depuis 1926, la chute de Mussolini devient une perspective possible à court terme. Tout dépend de l'issue de la guerre civile en Espagne.

> Le 31 mars, échouant devant Madrid, Franco porte son effort sur la bande côtière républicaine du nord. Pilonnage des villes et des villages par l’aviation nazie. Les Basques résistent pendant plusieurs semaines.

> Au Pays Basque, les aviateurs allemands de la légion Condor sont mobilisés. Des dizaines de tonnes de bombes sont lâchées. D’abord sur Durango puis sur Guernica. Le 26 avril, à 16h30, bombardement et destruction de Guernica, petit village du pays basque espagnol de 7.000 habitants, un avion largue sa cargaison de bombes. Un trimoteur Heinkel revient puis un autre, ils ont 22 en tout. C’est le jour de marché. Le village est détruit, réduit en cendres, quartier par quartier et les fermes alentours dans un rayon de 10 km. Pour la première fois de l’histoire, une population civile est volontairement ciblée. La Luftwaffe accomplit à Guernica sa première expérience de guerre massive avec bombardement des objectifs principaux et mitraillages des objectifs secondaires. Quatre heures de terreur, cinquante tonnes d’explosifs. Guernica est  écrasée par les bombes de la Luftwaffe (légion Condor). Les chasseurs allemands poursuivent les fuyards. 1.654 morts, un quart des habitants de la ville. Le village ne présente aucun intérêt stratégique particulier, le but de Franco est de démoraliser les populations civiles et celui des Allemands de la légion Condor, artisans du massacre, c’est de tester de nouvelles armes de bombardement pour la guerre à venir. Cet assassinat en grand sucite une immense vague de dégoût dans le monde entier. A tel point que les nationalistes vont tenter d’imputer le crime au camp adverse.

> Le secrétaire de Trotsky en Norvège et membre du secrétariat international, Erwin Wolf, est enlevé à Barcelone et assassiné par la GPU.

> Submergée par ses adversaires, toujours massivement équipés par l’Allemagne et l’Italie, la République espagnole vacille. Les armes livrées par les Soviétiques se révèlent insuffisantes, obsolètes et en mauvais état. Pire, pour les obtenir, Madrid a dû céder les deux tiers de sa réserve d’or à Moscou. Le cours de la monnaie a chuté et la présence des Brigades internationales doublée du soutien du Kremlin, renforcent la position des communistes. Miné par les dissensions, le gouvernement est au bord de l'explosion. Alors que l’Espagne républicaine a plus que jamais besoin du soutien de tous ses partisans, Staline va les diviser davantage. Son objectif : mettre à bas un gouvernement qui compte quatre ministres anarchistes, dont une femme, dans se rangs. En mai, de violents affrontements entre communistes et anarchistes éclatent à Barcelone.  Du 2 au 6 mai 1937, émeutes de Barcelone, guerre civile dans la guerre civile. Le 3 mai 1937, les gardes d'assaut (asaltos), dirigés par les staliniens (PSUC) tentent de s'emparer par surprise du central téléphonique de Barcelone contrôlé depuis juillet 1936 par les travailleurs et la CNT, qui pouvaient ainsi écouter les conversations téléphoniques gouvernementales. La ville se couvre de barricades.

Les forces gouvernementales sont repoussées. Une colonne de chars entrent dans la ville. Des centaines de morts, plus de 400. Les travailleurs alertés se rendent alors dans les locaux de la CNT et du POUM pour s'armer et dressent de nombreuses barricades. Les ouvriers sont les maîtres de Barcelone. Les dirigeants de la CNT, dont certains participent au gouvernement, souhaitent calmer le jeu et appellent à déposer les armes, suivis dans ce sens par les dirigeants du POUM. Les ouvriers sont prêts à prendre le pouvoir mais la direction de la CNT et du POUM hésitent, puis reculent et cèdent. La révolution est écrasée. Un cessez-le-feu est décrété. Victoire totale des communistes.  Le 15 mai, sur pression du Parti communiste, le gouvernement du docteur Negrin (PSOE) remplace le gouvernement Largo Caballero qui a refusé de mettre le POUM hors la loi. Staline raffle la mise. Il ne lui reste qu’un dernier adversaire à abattre : le POUM, un parti antistalinien qui a dénoncé les grandes purges à Moscou. Début de la répression contre les anarchistes et le POUM. Le POUM est interdit, ses militants pourchassés, ses dirigeants emprisonnés. Le NKVD (services secrets soviétiques) produit de faux documents établissant la trahison du POUM, dont les dirigeants sont arrêtés. Le 16 mai, Juan Andrade est arrêté avec d’autres responsables du POUM par la police russo-stalinienne. En juin, Andreu Nin, secrétaire national du Poum est emmené de Barcelone à Valence puis à Madrid, torturé et assassiné par les staliniens d’Orlov. Il disparaît à côté d'un aérodrome soviétique, à Alcale de Hénares. Les autorités espagnoles ne demanderont jamais de compte aux Soviétques pour ce meurtre car leur livraisons d’armes sont indispensables.

> Les troupes franquistes gagnent du terrain. Le 19 juin, les franquistes s'emparent de Bilbao assiégée. L’enclave républicaine est tombée, malgré une résistance désespérée, dans l’escarcelle de Franco. Le 26 juin, les Franquistes prennent Santander.

> Le 4 juillet, Congrès international pour la culture organisé à Valence par la propagande soviétique.

> En juillet, alors que Capa est rentré à Paris pour vendre les photos du couple, Gerda, compagne de Robert Capa, suit pour Ce Soir une vaste offensive républicaine. Garda veut que ses photos prouvent au monde que la non-intervention est un mythe et que les troupes allemandes et italiennes épaulent solidement les fascistes. A travers le viseur de son appareil, la photographe imprime sur sa pellicule les bombes explosant, le ballet mortel des avions, les hommes tombant sous les balles des mitrailleuses et la lente agonie des troupes républicaines. Le 25 juillet, Garda se campe sur la route de Madrid, elle doit envoyer ses photos avant de rentrer le lendemain à Paris rejoindre Capa. Garda arrête une voiture. Des blessés sont allongés sur la banquette arrière, la jeune-femme grimpe sur le marchepied, le chauffeur ddémarre. Mais en face survient un char, la voiture fait une embardée pour l’éviter, le blindé heurte le flanc de l’auto du côté du marchepied. Garda est emportée jusqu’à un hôpital de campagne américain où on l’opère le soir même. Elle demande qu’on prévienne Capa et la rédaction de Ce Soir. Elle meurt le lendemain, à l’aube. Trois jours plus tard, à huit heures du matin, le cercueil fleuri de Gerba approche de la gare d'Austerlitz. Robert Capa observe le mufle du train qui approche. Il s’enfuira peu après à Amsterdam pour y pleurer dans la solitude son grand amour disparu.

> Du 6 au 28 juillet, les soviétiques déclenchent l’offensive la plus importante des Républicains depuis le début de la guerre, à Brunete, un village au nord-est de Madrid, pour desserrer l'étau autour de la capitale. 70.000 hommes participent à l’opération. La 11e division républicaine entre dans Brunete. La légion Condor déverse un déluge de feu sur les divisions républicaines à découvert. Brunete est reprise par les fascistes. Revers majeur des Républicains (23.000 morts). Exécution des mutins.

> Le terreur stalinienne règne à Barcelone. Fin juillet, Erwin Wolf, ancien secrétaire de Trotsky en Norvège, disparaît à Barcelone, enlevé dans la rue.

> En août, création du SIM (service d’investigation militaire), police politique de 6.000 hommes, sous contrôle communiste.

Le rapport de force militaire est en faveur de Franco. Les fascistes ont récupéré les usines d’armement du Pays basque et l’industrie lourde de Bilbao, le charbon et le fer des Asturies.

Les trotskystes allemands ont a déploré la disparition de leurs dirigeants assassinés par des tueurs staliniens. Hans Freund, dit Moulin, et Erwin Wolf, dit Nicolle Braun, ancien secrétaire de Trotsky, tombés aux mains des services spéciaux soviétiques, disparaissent à Barcelone.

> En décembre, début de la bataille de Teruel lancée par les Républicains (- 22/02/1938), saillant tenu par Franco sur le front Est de Madrid. Cette ville est pourtant sans intérêt stratégique. Le 19 décembre, 40.000 Républicains marchent sur Teruel.

1938 

> En janvier, sous l’influence de Ramon Serrano Suner, le beau-frère de Franco, un premier gouvernement formel voit le jour et c’est le Caudillo qui en prend la tête. Rien n'est laissé au hasard : comme en Allemagne et en Italie fasciste, la Phalange et les monarchistes sont réunis dans un parti unique qui prendra bientôt le nom de Mouvement national. Nommé chef suprême du parti unique, déjà chef d’Etat et chef des armées, le Caudillo réunit désormais tous les pouvoirs. Son seul concurrent possible, le général Mola, l’instigateur du coup d’Etat, décède opportunément dans un accident d’avion quelques mois plus tard. L’Eglise contribue activement à l’édification du nouvel Etat. Sous son égide, l'Éducation est reprise en main, les crucifix retournent dans les écoles, les rites liturgiques et les fêtes religieuses sont rétablies. L’Armée, le parti unique et l’Eglise deviennent les trois piliers du national-catholicisme, une idéologie dont se réclament toujours certains.

> Le 8 janvier, la garnison franquiste de Teruel capitule, la ville est prise. A Barcelone, un défilé monstre salue la prise de Teruel. Contre-attaque de Franco avec des troupes fraîches de 75.000 nationalistes. En février, les franquistes reprennent la ville de Teruel au prix de pertes énormes (30.000 hommes dont un quart à cause du froid). La population fuit. Le 9 mars, 150.000 soldats nationalistes attaquent sur 100 kilomètres de front l’armée républicaine. Retraite des Républicains. Les Franquistes atteignent la Méditerranée. Le territoire républicain est coupé en deux (entre Barcelone et Valence). Tournant de la guerre.

> Le 3 février, le gouvernement franquiste se réunit pour la première fois. A l’ordre du jour, l’abrogation de la législation républicaine. Sans attendre, les terres collectivisées sont rendues à leurs anciens propriétaires. Le mariage civil, le droit au divorce, l’avortement et l’accès à l’emploi des femmes mariées sont supprimés. Une nouvelle charte du travail prive les ouvriers de toute négociation collective et les soumet aux bons vouloirs de leur employeurs. Les fondements d’une dictature pour durer sont en place.

> Le 16 et 17 mars, 17 vagues d’avions allemands et italiens bombardent Barcelone dépourvue de DCA. 1.300 morts.

> Au printemps, les troupes nationalistes enfoncent le front d’Aragon. La guerre tourne en faveur de Franco.

> Le 3 avril, Franco s’empare de Lerida.

> La République mobilise ses forces dans une dernière offensive. Fin juillet, début de la

 (- novembre), dernière offensive des Républicains pour faire sauter le corridor des Franquistes entre Barcelone et Valence. La bataille de l’Ebre va être la plus longue et la plus sanglante bataille de la guerre. Pour l’occasion, des adolescents d’à peine 14 ans sont appelés à combattre. Baptisé le “bataillon du biberon”, beaucoup vont sacrifier leur jeunesse sur le champ de bataille. Acculé, le gouvernement tente le tout pour le tout. Le 25 juillet, 80.000 Républicains sont acheminés en grand secret vers le fleuve. La 14e brigade internationale perd 1.200 hommes en 24 heures. Le 1er août, l’offensive républicaine sur l’Ebre est brisée, le front se stabilise. Les deux camps creusent des tranchées. Le 21 septembre, à Genève, Juan Negrin, le premier ministre espagnol, annonce le retrait des Brigades internationales. C’est une manœuvre destinée à ce que la Société des Nations oblige l’Italie et l’Allemagne au retrait de leurs troupes. En vain, l’essentiel des forces italiennes et allemandes restent sur place tandis que la plupart des brigadistes apprennent leur démobilisation sur le front. Alors que les combats tournent en faveur des nationalistes, ils laissent leurs camarades espagnols seuls face à leurs adversaires. Le 28 octobre, despedida ou défilé des adieux des Brigades à Barcelone devant Azana et Negrin. Dès lors, tout s’accélère. Après avoir atteint la Méditerranée, les nationalistes ont coupé le territoire républicain en deux. La bataille se termine par une déroute qui ouvre à Franco les portes de la Catalogne.

70.000 Républicains tués, 60.000 nationalistes tués. Bientôt la Catalogne, hier bastion des anarchistes va tomber.

> Le 23 décembre, bataille de Catalogne. La veille de Noël, les fascistes lancent leur dernière offensive contre le nord du pays. Après la chute de l’Ebre, les franquistes remontent le long de la côte, ils approchent de Barcelone. Pour les civils, il faut fuir avant que la frontière française ne se referme. Des milliers de Républicains fuient sur les routes. Suivent des camions poussifs, alourdis par le surnombre de leurs occupants. Un convoi de voitures officielles traverse Barcelone en direction du Perthus. Certaines emportent des œuvres de Goya, de Velasquez ou du Titien que le gouvernement envoie à Genève. Josette Clotis et Malraux montent dans l’une d’elles. A leur pieds, repose un carton et quelques sacs de papier enfermant les derniers rouleaux d’un film impressionné.Celui que Malraux, à la demande des Républicains, était en train de tourner à Barcelone au milieu des bombardements, des coupures d'électricité, du manque de nourriture. Il s’agit d’alerter le monde entier sur la duperie de la non intervention. Le tournage n’est pas fini, les deux tiers seulement du scénario ont été tournés. On achèvera l’indispensable, les raccords et les compléments dans le sud de la France et on montera dans les studios près de Paris.

1939

> L’Europe se prépare à entrer en guerre.

> Pour économiser des moyens en prévision des conflits à venir, l’Union soviétique retire son soutien au Front populaire.

> Le régime franquiste, qui se réclame du national-syndicalisme, interdit les syndicats pour les remplacer par une organisation syndicale unique dépendant étroitement de l'État (syndicalisme vertical).

>  Rodrigo, Concerto de Aranjuez. 

Le 28 janvier, Josette et André Malraux traversent la frontière française au Perthus, au milieu des 140 000 réfugiés qui achèveront de voir s’envoler leurs espoirs dans des camps français.

> En janvier, la France et la Grande-Bretagne réaffirment leur attachement à la politique de non-intervention en Espagne.  Le 27 février, la France et la Grande-Bretagne reconnaissent Franco.

> Le 26 janvier 1939, les franquistes rentrent à Barcelone. Le 21 février, les troupes nationalistes défilent dans les rues de Barcelone. Craignant pour leur vie, près d’un demi-million de personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, prennent le chemin de l’exil. Par un hiver particulièrement rigoureux, une foule immense franchit les Pyrénées dans l’espoir de trouver asile en France.  Beaucoup vont y faire souche, de Tarbes à Perpignan, de Toulouse à Albi ou Montpellier, leurs héritiers vont se charge d’entretenir leur mémoire. Après la chute de Barcelone, une partie des dirigeants du Poum parvient à s'échapper de prison et à passer en France, où certains se rapprochent du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marceau Pivert. En février, ce qui reste de l’armée républicaine est vaincu. Le 10 février, les troupes franquistes bordent toute la frontière vers la France.

> Le 28 mars, chute de Madrid après trente mois de siège. Les troupes de Franco défilent dans Madrid. La République a vécu. Le 29 mars 1939, Madrid capitule. Le jeune dictateur Franco est décidé à dessiner la capitale à son image, entre militarisme, obsession religieuse et fascination pour les autres régimes fascistes.

> Le 1er avril, fin de la guerre civile. Franco est vainqueur de la guerre civile. La France et l'Angleterre reconnaissent le gouvernement Franco. Pétain est envoyé comme ambassadeur.

C’est une défaite ouvrière de plus et le prologue de la prochaine catastrophe, le Deuxième guerre mondiale qui va commencer.

> Dans les anciens bastions républicains, la population prend la fuite. La majorité des Madrilènes fuient. 500.000 réfugiés espagnols prennent la route de l’exil, passent la frontière et sont internés en France dans des camps d'exception.

> Auréolé de sa victoire, le nouvel homme fort affirme que ceux qui n’ont pas de sang sur les mains n’ont rien à craindre des vainqueurs. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les croient et la guerre va continuer sous d’autres formes. Les nationalistes, avec à leur tête le général Franco sortent vainqueur de la guerre civile qui a fait un million de victimes.

Franco établit sa dictature sur toute l’Espagne et conforte son emprise en déclenchant une vague de répression contre ses compatriotes et en instaurant un régime de terreur. C’est la guerre contre les vaincus. Quiconque a des liens avec le gouvernement précédent est systématiquement arrêté et exécuté.

Terrible répression à Madrid.

Le dictateur va régner sans partage pendant quarante années, jusqu’à sa mort en 1975. C’est la dictature la plus longue d’Europe.

 

> Le 5 août 1939, 13 jeunes femmes (las trece rosas[5]), la plupart membres des Jeunesses socialistes unifiées (PCE), et 43 hommes sont exécutés devant les murs de la prison de l’Est.

L’Europe est laminée par la guerre. Pour le monde extérieur, l’Espagne est officiellement neutre. Mais à l’intérieur, Franco a déclaré la guerre à son propre peuple.

En moins de trois ans, 250.000 personnes vont être emprisonnées et 28.000 autres exécutées.


[1] Patrick Rotman. Film Arte La tragédie des brigades internationales (2016)

[2] Ernest Mandel, Problèmes de la révolution européenne (1946).

[3] Patrick Rotman. Film Arte La tragédie des brigades internationales (2016)

[4] Yo nunca seré político. Yo soy revolucionario, porque no hay verdadero poeta que no sea revolucionario

[5] Martina, la rosa numero trece. Angeles Lopez. Seix Barral