Filature à Ophinote Ville

Trois jours à suivre ce type, sans qu’il s’écarte de ses habitudes. D’un pouce. La filature commençait à me gaver.

Mon chef, le commissaire-divisionnaire Bertholet, m’avait simplement dit qu’il était censé tremper dans un trafic de drogue à grande échelle. Le coup classique. Moi, je voulais bien, n’empêche que je ne voyais aucun indice pour me renseigner.

A 8h14, il sortit de son immeuble – un peu en retard, par rapport à d’habitude. Je jetais la monnaie au patron du café, en passe de devenir un copain. Valait mieux, si je voulais pas qu’il aille tout balancer à mon gibier.

Le gibier en question, Bernald Hastiguut, ne prenait jamais le métro. Il prit l’air de tout le monde dans cette foutue ville, baissant les yeux et se composant une tête agressive. Il se faufilait, comme les autres, parmi la foule, plutôt facile à suivre. Il était lent, plus que les autres, un peu comme si… il n’était pas pressé. Bizarre, mais je m’y étais habitué. Son costume de prix – il en changeait tous les jours, ce richard – semblait fendre la foule pour lui. Il n’accrochait personne. N’attirait aucun regard. Sauf le mien, et j’étais sidéré qu’en trois jours, il ne s’en soit pas aperçu. Mais j’étais à l’image de la ville, terne et sans relief. La vapeur de pollution des bagnoles devait brouiller la vue du pauvre chéri, qui s’humectait les yeux tous les cinq cent mètres.

Nous passâmes à côté d’une bouche de métro, ou un ouvrier offrait de quoi fumer à un mendiant. J’ai bien cru que Bernald allait lui cracher dessus, tellement il prit l’air méprisant. Mais il reçut un appel à ce moment, et s’arrêta contre un arbre défraîchi pour répondre. Décidément ! Pas stressé pour deux ronds, mon grand dealer. Je m’approchais pour saisir quelques mots, il parlait avec un – une ? – collègue.

Il accéléra pour gagner son bureau, et un pickpocket faillit lui souffler son larfeuille. Prévenu par un flic, il se détourna vivement. J’ai eu peur, quelques secondes, que son regard méfiant me repère sur le chemin qu’il restait. Mais j’étais bon, et on ne se méfie pas d’un type en costard, à The Ophinote Ville, quartier nord. Il était un Ophinotien riche très, très typique.

Il entra dans son bureau, immense immeuble de verre bleu qui portait la mention : « GEMCAP, LA BANQUE DE LA RECONSTRUCTION ». Seule distinction avec les immeubles voisins. J’avais appris sur le net que M. Hastiguut  bossait comme consultant juridique spécialisé dans l’export auprès de ladite banque.

De toute évidence, son job rapportait plus que le mien.

Vers midi, je m’ennuyais tellement que je décidais de tenter le tout pour le tout. Tandis qu’il prenait sa pause déjeuner, j’entrais dans l’immeuble et me présentait comme coursier au service de l’Etat – facile, pour un flic, d’en avoir une fausse carte – ayant un paquet pour lui. On me fit monter à son bureau, où je posais le paquet kraft remplit de paperasse (ses trois derniers jours de courrier, que j’avais piqué dans sa boîte aux lettres). Immédiatement, je remarquais son veston. Des traces blanches dessus… Cocaïne, concluais-je après examen. Cela ne prouvait rien, les trois quarts des mecs de la haute s’en envoyaient quotidiennement.

Ses papiers étaient trop compliqués pour moi. J’appris simplement qu’il était encore en relation avec deux ou trois types de son école, qui vivaient à un bout de temps d’ici. Ça, c’était bizarre. Même pour un riche, une lettre jusque là-bas, c’était bonbon…

Je m’esquivais vers l’escalier de service. Tout juste, il revenait avec ses potes. Je m’asseyais dans un coin. Il faisait de l’œil à une petite blondinette, stagiaire sans doute. Les autres lui parlaient respectueusement. Pourquoi ?

Faut dire qu’il avait un peu de charisme, mon dealer. Le costume ne faisait pas tout ; c’était pas difficile de le suivre, avec sa haute stature et ses cheveux dorés. Un petit Apollon arrogant, à l’image de mille autres dans la ville.

Lorsqu’il sortit, il était presque 21h. J’avais déjà explosé mon compteur d’heures sup’ du mois ; ma copine allait encore m’engueuler. Je me surpris à détester si fort ce type que je ne remarquais même pas qu’il ne prenait pas le chemin habituel.

Il se dirigeait vers le quartier des bordels.

Le rouge au joue (avec la minette qu’il avait à la maison, plus la stagiaire, il sentait encore le besoin de payer pour ça ?), je le suivais. Je le vis entrer dans une maison plutôt cossue, faire son choix parmi les filles et monter à l’étage. Moi, je tirais la patronne à l’écart.

- Dis-moi, c’est qui ce type là-bas ?

Elle ne m’avait même pas fait de proposition. Ces filles flairent le flic à douze lieues. Elle resta muette.

Avec un soupir, j’allongeais cinq billets. Note de frais, ça allait plaire à Bertholet.

Elle me raconta qu’il venait toutes les semaines, deux fois, à horaire fixe. Et en échange de cinq billets de plus (croqueuse, la maquerelle !) me dit qu’un autre type faisait pareil. Et qu’ils se retrouvaient dans la chambre, sans rien faire aux filles.

Le plan discret.

Je m’esquivais de peu, surveillais que la patronne n’aille pas caqueter près du consultant, puis le suivait.

Il rentra chez lui en se pressant,  dans la foule de moins en moins nombreuse. Il avait perdu de sa superbe. On aurait dit qu’il avait un tueur aux trousses – rien qu’un flic, me dis-je après avoir jeté un coup d’œil aux alentours.

Il arriva sans encombre chez lui, sans avoir fait son détour quotidien au supermarché (qu’est-ce qu’il y prenait d’habitude ? pain, fleurs pour sa gonzesse, ou que sais-je…). Il tint la porte à une vieille, geste civique assez rare dans le coin.

Les lumières de chez lui s’éteignirent vers minuit.

Je buvais une ou deux gorgée de remontant, et m’installait à ma table habituelle pour la nuit, crevé d’avance.

Théophile V.

Filé à Ophinote Ville

Depuis quelques jours, l’impression que j’étais suivi ne me quittais plus. L’abus de cocaïne avait-il finit par me rendre paranoïaque ? Non, après tout, je n’en consomme pas plus que ça. Conscient que mes habitudes étaient faciles à distinguer, je décida ce matin là de descendre de mon immeuble un peu plus tard. Malgré ça, quelque chose me dérangeais toujours. C’est alors que je le vis. Cet homme, à quelques mètres de moi, ne semblait pas habitué à porter le costume et les chaussures desquels il était affublé. Sa démarche, celle propre aux classes moyennes mal éduqués de la ville, ne ressemblait à aucune autre dans ce riche quartier. Était-il simplement en train de rechercher du travail en ce faisant passer pour plus instruit qu’il n’était ? Je ne sais pas. Mais mon besoin de mettre  fin à cette désagréable sensation d’être suivi me suggérait autre chose. Mis à part sa démarche, autre chose me gênait. Habitué, à voir les gens me passer devant du fait de mon allure volontairement lente, j’étais en effet perturbé par cet homme semblant n’éprouver aucun besoin d’agir comme la foule. C’est à mon bureau, pendant la pause déjeuner, que j’ai eu la confirmation de ce que je supposais. Ayant pris la peine d’étaler sur mon bureau divers documents sans grande valeur avant d’activer la vidéo-surveillance, je m’en alla manger avec des collègues. Après avoir été prévenu par le gardien, j’avais toutes les preuves dont je disposais : non je n’étais pas paranoïaque, quelqu’un me suivait et avait réussi à pénétrer mon bureau sans alerter la sécurité. C’était un flic. Ce soir là, je resta au travail jusqu’à ce que la nuit tombe complètement, plus facile pour disparaître. Mon collaborateur devait savoir, le trafic n’était plus sûr, il fallait que je le prévienne.

Damien B.

Filature de Vraçahof

Ça y est. La lumière du séjour vient de s’éteindre, il ne devrait pas tarder. Je mets le contact, allume les phares, et vais faire demi-tour au rond-point un peu plus. Alors que j’arrive au niveau de l’immeuble, une puissante berline s’engage sur la route, et me voici lancé. Les lampadaires défilent à vive allure, et me voici embarqué directement dans un tunnel. Arrivé dans l’immense zone de stationnement, je coupe mes phares et je le vois se garer, juste à côté d’un ascenseur dans lequel il pénètre rapidement. Je fais de même un peu plus loin, et je suis comme toujours aveuglé par les puissants spots lumineux dès ma sortie. Il y a foule au centre-ville, très animé en ce samedi soir. Je m’élance vers l’ascenseur d’à côté, mais il est déjà trop tard ; je me laisse alors porter par la foule qui sinue entre les gratte-ciel. Je repère bientôt la figure longiligne de ma cible, seul revêtu d’un long manteau à cette période de l’année. Il marche relativement lentement, mais sa canne ne semble pas lui servir à grand-chose. Il la claque au sol contre les dalles de pierre rouge de manière sonore, mais ne s’appuie pas dessus. Plusieurs fois, des pieds mi-nus réchappent de peu à ce martèlement incessant. Malgré les cris et la musique trop forte, le bruit est si distinctif que je peux me laisser guider par lui, sans avoir à me dresser de toute ma hauteur pour vérifier qu’il ne change pas de direction. Visiblement habitué, il tourne sans hésiter dans des rues de moins en moins larges. La foule s’éclaircissant, je tente de le suivre à distance, attendant derrière d’énormes jardinières pour ne pas me faire repérer, avant de courir au croisement et de tourner sans hésiter au simple bruit de son bâton. J’ai de plu en plus de mal à le suivre, alors qu’il accélère progressivement la cadence, jusqu’à avancer au pas de course, visiblement sans mal. Je suis heureusement peu visible dans l’obscurité de cette partie de la ville, dans laquelle les tours, plus hautes, mais plus anciennes, sont moins éclairées et laissent plus de piliers pour se cacher. Il s’arrête alors devant l’entrée d’un grand hôtel, et pénètre en son sein d’un pas assuré. Trois lettres sur le fronton : XWB. Dans ce quartier où se situent les sièges des marques de luxe, leurs magasins, cet hôtel est l’un des plus fastueux. Dès mon entrée, un groom me salue et me conduit jusqu’à l’ascenseur. Le tout pour le tout, j’appuie sur le bouton du dernier étage. Je m’accroche à la rambarde pour ne pas être plaqué au sol par l’accélération, et j’arrive alors au sommet où, dans une ambiance feutrée, de petits groupes de personnes discutent dans de confortables fauteuils. Je repère vite le bruit si caractéristique de la canne à pommeau de ma cible, même sur l’épaisse moquette du salon. Il me semble reconnaître plusieurs personnes, mais je n’ai pas vraiment le temps de m’en occuper. Plus bas, la ville illuminée semble en ébullition,  si l’on en juge par la couleur rouge-orangée du brouillard qui nous en sépare. Je m’immobilise soudain, au milieu d’un corridor : le bruit a cessé. L’espèce de revêtement plastifié sur lequel je venais de mettre les pieds était d’un silence parfait. Je constate alors l’absurdité de la situation : au sommet de ce gigantesque hôtel, dans un corridor aux multiples portes, je n’avais pas la moindre idée de la position de ma cible. Je n’avais plus aucun point de repère. Tout était identique. Cela ne m’avait pas gêné alors, quand je me concentrai uniquement sur le bruit, mais j’étais alors comme un aveugle qui aurait recouvré la vue : comment étais-je arrivé ici ? Où avais-je tourné ? Impossible de m’y retrouver. Un alignement de portes et de couloirs, tous semblables.

François C.

Filé à Vraçahof

L’horloge sonne neuf coups. Je ferme le journal que j’ai sur les genoux, le pose sur la table basse, finis le verre de whisky et j’éteins la lampe à côté de mon fauteuil. J’essaie de me lever seul mais ma jambe me fait mal. Je serre les dents et pousse sur mes pieds. Où est-ce que j’ai bien pu laisser cette canne ? Je la cherche dans le salon et la vois, posée contre la porte. Je m’avance en boitant, saisis le pommeau et coupe la lumière de la pièce. Je passe devant la cuisine. Sur la table, mes pilules contre les douleurs semblent me faire du charme. Je ne peux pas leur résister et j’en prends une pour la route. Je vais dans le garage, je me sens déjà plus léger. J’appuie sur l’interrupteur de ma clé et la porte d’entrée s’efface devant moi. Je m’installe dans la voiture. J’aime toujours autant l’odeur du cuir. Je fais vrombir le moteur de ma berline, regarde à droite, à gauche et tourne le volant.

J’aperçois les lumières de ses phares dans un coin de mon rétroviseur. Celui-là, il est plus expérimenté que les autres, je me rends compte qu’il est plus discret, et il m’arrive de me faire surprendre par sa présence. Mais pas ce soir. La réunion avec mes associés est beaucoup trop importante pour que je lui laisse la liberté de me suivre. Je m’élance alors sur la route, slalomant entre les voitures, tournant au dernier moment dans un tunnel. Je ne parviens pas à le semer, il est tenace. Tant pis, j’ai d’autres cartes dans mon jeu.

J’entre sur le grand parking, en faisant bien attention de ne pas le perdre complètement de vue. Je sais que ces gens là ne se laissent pas tromper par un peu de monde et des lumières de parking, et je préfère savoir où il est et être sûr de le tromper, plutôt que regarder toute la soirée par dessus mon épaule. Je monte dans un ascenseur. Voilà, j’ai été trop rapide, je l’aperçois plus, mais je sens toujours sa présence derrière moi, quelque part. Là, dans la foule, il est habillé de noir. Eh bien, je le prenais pour quelqu’un d’intelligent, mais il ne l’est pas tant que ça. Parmi les nombreux piétons, il est le seul à porter des lunettes de soleil. Je continue à marcher tranquillement en direction du X. Walter Bakster. J’ai rendez-vous au Marxson, mais je sais que si je veux être tranquille, il faut que je lui fasse faire un détour par là. Ma canne tape sur le sol. Ma jambe me fait beaucoup moins souffrir, merci la médecine moderne. Le bruit régulier m’apaise et je sens presque mes soucis s’évader de ma tête. Sans réfléchir, me laissant porter par le tap-tap, je suis le chemin mécaniquement. Ma douleur s’évapore, et je prend plaisir à avancer plus rapidement, oubliant mon poursuivant, m’abandonnant au plaisir de la légèreté de mon corps.

Soudain, la lumière du XWB me réveille. Je reprends mes esprits, regarde rapidement si je suis toujours suivi et pénètre dans l’hôtel. Je serre rapidement la main de Christian, le portier, lui glissant un mot que j’avais dans la poche de mon manteau. « Il doit rester jusqu’à minuit ». Je m’avance vers l’ascenseur, monte jusqu’au dernier étage. C’est le plus tortueux, à croire qu’il a été construit exprès pour me débarrasser des parasites. Je descend donc tout en haut, salue quelques amis de la main. Je tourne à droite, à gauche, faisant du bruit avec ma canne. J’entends qu’il est sur mes traces. Je saisis alors mon instrument, ouvre la porte des escaliers de service et descends les escaliers. Il ne va pas soupçonner que je puisse être passé par là, pas un vieil homme avec une canne. Je sais qu’il est perdu. Je jubile.  

Anouck L.

Filature à Navidad

Like most summer mornings, the honking on horns and shouting of vendors wake up six-year old Miguel Rodriguez. He shares a foam mattress on the floor with his two older brothers, and he is always careful not to disturb them in their sleep.  He runs into the kitchen to find the rest of the house empty.  His mother has probably left to do some errands and so the boy decides to go outside as well in order to escape the indoor heat.

At his age, he knows which streets he is allowed to explore and which streets he is not, but curiosity often gets the best of him.  At the foot of his building is a faded-red, run-down bodega, which the boy’s mother refers to as Miguel’s second home and safe haven.  Miguel knows that if he ever gets lost, all he needs to do is ask for the red bodega.  Every morning, the boy generally runs down to get a piece of fried dough for breakfast and his mother pays the shop owner later.  Miguel is too young to understand the value of money, and does not yet realize that in his neighborhood, everyone owes a debt to everyone.  This particular morning, the shop owner is in a good mood and gives Miguel an extra large portion, making the boy smile energetically.

Feeling confidant, Miguel decides to walk down the wide sidewalk of his long street, through the crowd of vendors and clients, commuters and homeless. But given his height, all Miguel sees are people’s waists going about their daily lives.  Out of the corner of his eye, he sees a narrow passage and at the end he can hear the voices of children.  While he knows not to travel unknown streets without an adult, he cannot resist the temptation.  He takes one last bite into his breakfast and sprints down the passage to join the voices.  At the end of the street he sees a large area of sand, where kids are playing soccer with what seems to be an old pierced ball.  Without hesitating for a second, he joins in and plays until the sun seems to be shining directly down on them.  As the other kids being to return, one-by-one, to their respective homes, Miguel realizes he is lost.  Luckily, one of the remaining children lives next to the red bodega and can bring him home.  The boys return home and Miguel returns to find the smell of an almost-ready lunch, his brothers slowly waking up, and his mother who never even realized the boy had left.

David R.

Filé à Navidad

Comme à mon habitude, le réveil est difficile les matins d’été. Des incessants klaxons me font bondir hors du lit. Toutefois, je reste soucieux de ne pas réveiller mes frères aînés qui dorment profondément à côté de moi. Je me précipite dans la cuisine qui, à mon grand regret, est vide. Aucune trace de ma mère, celle-ci doit être partie faire des courses comme elle en a l’habitude. La chaleur étouffante de la pièce m’invite à sortir, pour prendre l’air.

Comme je commence à avoir faim, je me rends à la petite épicerie rouge que j’adore, situé juste au pied de mon immeuble. Ma mère sait que je peux y traîner sans risque, puisqu’elle connaît bien le gérant. Comme à mon habitude, je réclame du beignet au propriétaire qui, visiblement d’humeur joyeuse, me sert une part généreuse à ma plus grande joie.

Après mettre goulûment rassasié, je sens en moi l’âme d’un aventurier. Je traverse ensuite la  longue rue, la plus grande de Navidad je crois, en évitant la foule sur mon passage. Après avoir franchis cette forêt de jambes, je me retrouve à l’angle d’une petite ruelle où j’entends des enfants de mon âge crier de joie. Ma mère m’interdit formellement d’aller dans des lieux que je ne connais pas, mais ces enfants ont l’air si heureux que je n’ai qu’une seule envie : les rejoindre. Je m’empresse de finir mon petit-déjeuner puis je cours jusqu’au bout de la ruelle. Là, je vois effectivement des enfants de mon âge, disputant une partie de football. Avec enthousiasme, je demande à jouer, ce qu’ils acceptent sans problème. Après cette partie incroyable, chacun décide de rentrer soi. Le temps est passé très vite, le soleil commence à frapper fort sur mon front. Soudain un sursaut d’angoisse me prend, je ne sais plus quel chemin emprunté pour rentrer chez moi. Je me mets donc à courir, scruter partout, sans savoir où aller. Heureusement, un des joueurs me saisit le bras. Il avait remarqué que je ne connaissais pas l’endroit. Il me reconduit alors sur l’axe principal d’où je peux regagner mon appartement. L’odeur du déjeuner presque servi creuse mon appétit alors que mes frères commencent à peine de se lever. Ma mère, visiblement surmenée par son rôle de maîtresse de maison, n’a même pas remarqué mon absence, à mon plus grand soulagement.

Baptiste C.

Filature de Mylegèle

Lundi, 6h15. Une fenêtre s’allume au quatrième étage d’une des tours de Mylegèle. C’est la première que j’aperçois, et je sais que ce sera la bonne. Une ombre apparaît, déambule piteusement et disparaît. Elle se fait de nouveau voir quelques minutes plus tard, puis se fond dans la pièce. Je ne l’aperçois plus jusqu’à ce qu’elle sorte de l’immeuble de roche.

6h54. D’une allure lasse, sans le moindre enthousiasme, elle s’éloigne du bâtiment qui s’éveille doucement. Je la suis.

Je ne la connais pas ; je ne sais ni son nom, ni qui elle est, et encore moins où elle va. Ce matin, son appartement a été le premier de l’immeuble face auquel je me tenais à s’illuminer. C’est l’unique raison qui me pousse à la suivre elle plutôt qu’un autre.

6h55. Elle se retourne subitement, et d’un pas vif s’engouffre dans l’immeuble. Je vois son appartement s’illuminer pas plus d’une quinzaine de secondes avant de replonger dans le noir. Elle réapparaît, visiblement essoufflée, et reprend son chemin d’un pas lourd mais rapide. Je lance ma filature dans les rues désertes de la ville.

Pendant près d’une heure nous déambulons sur le sol en roche grise. Elle ne prête pas la moindre attention aux monuments extravagants ou aux curiosités décalées qu’elle dépasse. La ville, taillée à même la roche, la laisse indifférente. Près d’un massif verdoyant cependant elle freine son allure, semble se baisser pour ramasser quelque chose puis repart aussitôt. Je vois un petit bout de papier glisser du sac qu’elle traîne sur son épaule. Je m’en saisi pour découvrir quelques chiffres griffonnés. Un numéro de téléphone. Au dos, une inscription : «  Appelle-moi si besoin. Tout le monde peut changer d’avis …» Je repose le document là où je l’avais trouvé et poursuis ma filature.

7h59. Elle s’arrête devant un des monuments les plus imposants de la ville : l’Opéra. Merveille architecturale, alliage de la roche naturelle et du verre façonné par l’homme, il abrite une troupe locale de danse.

La femme, dont les premiers rayons de soleil me permettent de distinguer les traits, s’approche du monument et s’adresse à un garde posté près de l’entrée. Elle semble plutôt jeune, une trentaine d’année certainement, mais la fatigue qui se lit sur son visage la vieillit. Sa conversation avec le vigile semble agitée. Je ne perçois que quelques bribes de paroles :

« Madame … (je ne réussis pas à saisir son nom) a été très claire, […] ne pouvez plus entrer  […] passez à autre chose […] ».

8h01. Elle s’éloigne de l’Opéra. Il me semble percevoir des sanglots. Plus loin, elle fouille dans son sac. Visiblement sans succès. Elle vide le tout au sol, éparpille son contenu. Puis remballe le tout et part sur le chemin inverse, alors que le soleil baigne la ville et lui confère un sentiment de chaleur et de sérénité.

8h07. Devant le massif, elle retrouve le papier perdu. Le soulagement attendu ne se lit pas sur son visage. Elle sort son téléphone et compose le numéro. Quelques secondes plus tard, elle annonce :

« C’est moi. Je n’ai plus d’autre choix, j’accepte ton offre. »

Filée en Mylegèle

Lundi.

6h10. Le réveil sonne. Coups de marteau frappés sur mon cerveau endolori, fatigué de cette nuit à pleurer, à s’agiter, à retourner le problème dans tous les sens sans y trouver de sens.

6h15 : Je me lève, allume la lumière. Rituel du matin : récolter l’eau de source qui coule de la roche pour préparer le gényle, ma boisson matinale, se laver dans le bassin d’eau thermale qui remonte des profondeurs grâce aux canalisations creusées dans la pierre, s’habiller de ma plus belle peau de bête, me peigner avec mon peigne d’os préféré, celui que Gyrophon m’a offert.

6h54 : Prête, enfin, je descend et sors dans la rue. L’air est frais, une belle journée s’annonce, mais j’y suis insensible, mes problèmes s’accumulent en une carapace hermétique autour de moi qui m’empêchent de voir le jour.

6h55. Mes sabots de danse! Il me semblait bien avoir oublié quelque chose. Je cours les chercher. Aujourd’hui, moins que tout autre jour, je n’ai le droit d’être en retard.

7h15. J’arrive près du point convenu. Il est censé m’y avoir laissé… oui ça y est je le vois. Roulé et attaché à une pierre, le petit mot est là, accusation criante, rappel insoutenable du dilemme qui me divise. Je le laisse là sans le lire De toute façon, je sais déjà ce qui est marqué dessus.

7h59. Une minute d’avance. Le timing parfait. L’instant de vérité est arrivé. Mon rendez vous avec le directeur est fixé à 8h, j’ai juste le temps de monter. Mais au moment de passer le portail, le vigile m’arrête. C’est Gémon, ce matin. Je le connais depuis bien longtemps mais là, il me semble plus étranger que jamais. D’un regard implacable il me fait signe de m’arrêter et m’explique que je ne peux pas rentrer. Je ne le crois pas, je tente de forcer, mais il est intraitable. Le monde s’effondre devant mes yeux. Comment est ce possible? Comment une telle déchéance peut-elle m’arriver à moi, moi, l’une des plus grandes danseuses du monde moderne? Même une dernière entrevue m’est refusée.

8h05. J’abandonne le combat et m’éloigne, l’air hagard, dans les rues de la ville. Le sanglots me secouent mais les larmes ne viennent pas. Elles ont déjà trop coulées. Je n’ai maintenant plus le choix. Je dois accepter. Après avoir fouillé frénétiquement dans mon sac à la recherche du papier, je me souviens que je l’ai laissé dans un dernier excès de fierté au niveau du bosquet. J’y retourne en prenant un détour. Je sais qu’une fois l’appel passé, je ne pourrai plus reculer.

8h25. Et voila, la boucle est bouclée, le papier est dans ma main, ouvert. Je compose le numéro, chaque touche de mon téléphone sonnant comme le gong d’une église annonçant l’invasion barbare. La communication s’établit. Et j’accepte le marché.

Filature de Mawili

Ma chère Jeanne,

Nullement rebuté par ma précédente aventure à Mawili, qui avait en vérité accru ma curiosité, je décidai de plonger au coeur de la vie quotidienne de cette étrange citadelle. Quelles vie trouvait-on entre la plage et le bureau ? Qu’advenait-il des habitants une fois la nuit tombée ? Fermement résolu à trouver réponse à ces questions, j’attendis patiemment, caché dans une ruelle, l’heure où le capitalisme s’interrompait au profit du sommeil. Je n’avais cependant pas prévu que ce dernier me prendrait également. C’est donc avec horreur  que je me réveillai, dans la pénombre mawilienne. Les rues vides indiquaient que l’heure de fermeture des bureaux était fermement révolue. Dépité, et enrageant contre moi-même, je me redirigeai vers mon hôtel lorsque j’aperçus un mouvement furtif. Un homme venait de disparaître au coin de la rue. Terrifié mais curieux, je le suivis discrètement, par peur de décourager l’initiative de cet individu se croyant seul au monde (il faut admettre qu’il avait de bonnes raison de le penser). Conservant ainsi mes distances, je rasai les murs des immenses bâtiments en verre du centre ville. L’éclairage lunaire étant mon seul allié, ce fut avec beaucoup de mal que je parvins à suivre cet homme, qui, si l’on s’en fiait à sa marche rapide, n’était pas affublé d’un mauvais sens de l’orientation. Il pénétra dans une cabine téléphonique, et je crus devoir interrompre ma filature le temps d’un appel. De plus en plus intrigué par la promenade nocturne (et eminemment dangereuse, si l’on s’en fiait aux avertissements musclés qu’ils m’avaient été prodigués il y a quelques jours), je profitai de cette brève pause pour refaire mon lacet, qui m’avait considérablement gêné jusqu’ici. Mais quand je relevai la tête, l’homme avait disparu. Mon inatention m’avait-elle encore une fois joué un tour ? Stupéfait, mais intimement persuadé de ne pas avoir affaire à Harry Houdini, je m’approchai de la cabine téléphonique. Nulle trace de l’illusioniste. Je soulevai le combiné… aucune tonalité ne me répondit. Par chance, ou du moins par une sorte de phénomène physique que mon désintérêt certain pour la matière ne m’avait pas permis d’élucider, j’ouvris l’annuaire à la page à laquelle il avait été refermé, et y aperçut un numéro encerclé en rouge. Comme tu le sais Jeanne, ma curiosité causera ma perte, mais tremblant, je ne pus m’empêcher de le composer. A l’instant où mon doigt appuyait le dernier numéro, le sol de la cabine se mit à vaciller, puis à s’abaisser, tel un ascenseur. Il était déjà trop tard lorsqu’une fois la descente aux enfers achevée, je fus confronté  au regard dur d’un homme tout de noir vêtu : “Qui êtes-vous ?”

Filé à Mawili

Au vu des récents événements qui ont conduits à la découverte de notre repère par un inconnu, il est de mon devoir mes frères, de vous faire part de ma version des faits, pour éclairer la situation.

Comme souvent, une fois la nuit tombée il n’est pas rare que j’aille boire un verre dans un des rares cafés ouvert de Mawili, avant d’aller à la planque. Après avoir fait ce que j’avais à faire, je me suis dirigé vers la cabine. Mais subitement j’eus une intuition, ou plutôt une paranoïa sûrement provoquée par le dernier verre. C’est ainsi que pour brouiller les pistes et semer quelques potentiels voyeurs, je fis un détour par le quartier de Mawo. Quartier où sont parqués les rares touristes assez fous, par les forces de l’ordre. Avec ce choix de parcours, je croyais m’être assuré de tous problèmes. Quels touristes sans histoires ayant été mis en garde se seraient aventurés à suivre un autochtone. Il faudrait être un véritable fou. Seulement, voyant l’heure de la réunion approchée, j’ai dû hâter le pas, faisant sans nul doute du bruit dans ce lieu d’habitude si tranquille. Culpabilisant d’avoir surement mis en péril notre confrérie, par l’écho retentissant de mes foulées je pris la décision de me diriger au plus vite à la cabine téléphonique afin de mettre fin à cette course poursuite, jusqu’à alors sans poursuivant. Arrivé devant la cabine après avoir jeté un coup d’oeil furtif derrière moi, je m’engouffre dans la cabine. Un dernier regard sur la place qui m’entoure. Prêt à composer le numéro je vis une ombre qui dépassait de derrière une ruelle. Une ombre d’homme, mais assis ou accroupi. C’est dans un élan de panique que bêtement, j’appuie d’une main tremblante sur le numéro. Laissant derrière moi le doute, la peur, et l’inquiétude d’être découvert.  

Charly H.

Filature en Tageah

Il m’est impossible de dire pourquoi il me parut différent. Ce n’était pas une question de physique :il était tout aussi insipide que les autres habitants, tout aussi parfait. Ce n’était pas non plus une question d’attitude : il exprimait la même impersonnalité dans la démarche, lobotomisée, mécanisée, huilée. Regard vide, tête haute, dos droit, démarche militaire sans paraître rigide, des pas qui avalent le bitume sans le marteler. Il était Tageah même.

Et pourtant. Pourtant,  lorsque je le vis, il m’apparut, comme une illumination, un bout d’humanité dans cet endroit oublié. Peut-être était ce un léger dysfonctionnement dans la ronde interminable de Tageah, peut être était il l’étoile du ballet dantesque qui se jouait devant mes yeux ; celui qui donne sens à l’oeuvre, celui qui rend la folie géniale, le leitmotiv solo. Toujours est il qu’intrigué par ce personnage je décidai de le suivre, adoptant par là même la même sévérité que les ombres qui m’entouraient.

Retranscrire le chemin parcouru serait impossible. A Tageah, les rues n’ont de particulier que leur coordonnées géographiques. Elles sont vecteurs de circulation et non lieus en eux-mêmes. Vous décrire heure après heure sa ronde interminable dans cette ville serait également absurde. A Tageah, les occupations ne prennent sens que si l’on considère globalement l’activité du microcosme. Travailler, manger, dormir, rentrer en interaction avec d’autre individus, vivre, survivre plutôt. C’était tout. Mais en suivant cet homme qui se révéla somme toute aussi robotisé que le reste de la mécanique qui m’entourait, je pus percevoir petit à petit un schéma dans la ronde paralysée de la ville. Un schéma? Une esquisse plutôt. Valse irrégulière, thème qui se décline en d’infinies variations, improvisation géniale? Je ne saurais le qualifier, toujours est il que la ville prit sens tout à coup, et que les immeubles monstrueux, le bitume trop brillant, et les voitures silencieuse s’effacèrent tout à coup pour laisser place au dessin routinier d’une vie globale aussi banale que celle des grandes cités d’Occident, à la seule différence près qu’ici l’individu cédait sa place à la communauté. Le je s’effaçait devant le nous, l’ego laissait place à l’égal. Et sous mes yeux horrifiés, tout d’un coup, tout prit sens. Ce que les hommes avaient fait à Tageah était digne des plus grandes utopies comme des plus grands cauchemars : ils en avaient fait une fourmilière.

Agathe C.

Filé - Tageah

Mardi 6 janvier. La journée s’annonçait chargée pour moi. Une douce excitation me traversait alors que je songeais à ce qui m’attendait.

J’allais la retrouver à la gare, enfin. Depuis plusieurs mois j’attendais son retour, vivant son absence comme un vide, un manque. Encore quelques longues heures me séparent de nos retrouvailles, alors je décide de déambuler en ville pour tuer le temps.

Aujourd’hui, la cité semble particulièrement animée. Une agitation comme seule Tageah en a le secret. L’effervescence ambiante ne fait qu’exacerber mon impatience, et je m’intéresse aux pensants que je croise. Les émotions qu’ils expriment m’apparaissent aussi diverses que vives. Pressés, angoissés, décontractés ou même enjoués, je me surprends à essayer d’imaginer leur vie.

Plus loin j’aperçois quelques étrangers. Ils regardent les habitants se mouvoir d’un œil vide. Ils doivent comparer Tageah à un monde sans individualité, sans personnalité. Notre va-et-vient leur donne toujours ce sentiment. Mais ils ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas comprendre. Sous ce qui leur apparaît comme une danse parfaitement réglée, se cache une vie comme on n’en connaît aucune ailleurs. Dans les yeux des passants que je croise se lit le bouillonnement que les anime, bien loin de l’allure cadrée et des expressions figées que les touristes ne font que remarquer.

Jérémy L.

Filature à Lyronnah

Si les lyronnois sont réputés pour avoir une vie sans histoire, aucun d’entre eux n’a un quotidien aussi monotone et morne que celui de Pierre Petit. La vie de ce jeune trentenaire célibataire, semble être un éternel recommencement ! De toute mon expérience de détective privé, je n’ai jamais vu une vie aussi réglée. Fonctionnaire de profession c’est dans le quartier de l’administration que Pierre commence sa journée. Ainsi après avoir prit son petit déjeuner au « Croissant Gourmand », juste en face de la mairie, il s’engouffre et disparaît dans ce palais de cristal. A midi il en ressort, seul comme à son habitude et se dirige vers son restaurant préféré où il prend comme chaque midi une soupe au potiron et un tiramisu en dessert. Pierre fini tard, très tard, il ne sort jamais de son bureau en verre avant vingt heures. En plus de la passion qu’il a pour son travail, il aime skier seul, dans les rues désertes de Lyronnah. D’ailleurs le retour est un véritable rituel auquel il ne déroge jamais. Après avoir descendu la grande pente, de la mairie vers le centre-ville, il pénètre dans un café ! Qui de l’extérieur semble assez chic, et correspondre au goûts de monsieur. Ressortant le journal à la main et cigarettes en poche il descend à nouveau quelques mètres puis s’arrête en bas de son immeuble ! Après plusieurs semaines de filature j’ai constaté que le trajet de Pierre était tout comme sa vie, droite, sans obstacles, sans virages, ni déviations. Grand, austère, et moderne, son immeuble semble être là comme un arbre au milieu de la forêt sans aucuns signes distinctifs, comme tout le reste d’ailleurs. L’état de son appartement doit être à l’image de son propriétaire, méticuleusement bien rangé, propre, chaque mètre carré rentabilisé, utilisé à bon escient. Rien ne doit être laissé au hasard. De ma planque près du porche de l’immeuble, j’imagine la décoration de son appartement, les activités de Pierre. Tout les Dimanche après midi, il court au moins deux heures. La seule folie que s’autorise Pierre c’est un cinéma tout les vingt du mois. C’est ainsi tous les jours, chaque semaine et ce depuis des années à mon avis.  Cet homme sans aucun doute étrange à la vie réglé comme du papier à musique n’a aucune activité qui semble correspondre les accusations dont il est victime. C’est la seule chose que je puisse affirmer après plusieurs mois d’enquête.

Charly.H

Filé - Lyronnah

Aujourd’hui, je sens que quelque chose est différent. C’est une odeur diffuse dans l’air, une sensation, qui me picote à l’arrière du crâne. J’abhorre ce sentiment, qui me fait remettre en cause tous mes acquis, tout ce sur quoi se base ma vie. J’ai beau me lever à la même heure, comme tous les matins, me brosser les dents de droite à gauche, comme tous les matins, vérifier la température de l’eau et la présence de ma serviette avant de me glisser dans la cabine de douche, comme tous les matins, je n’arrive pas à me détacher l’idée qu’aujourd’hui, quelque chose est différent.

                  

Je m’habille, sans oublier de bien plier mon pyjama auparavant ; je lace mes chaussures, presque mécaniquement, mais je m’assure tout de même que les nœuds sont assez solides pour que je n’aie pas à les renouer pendant la journée. Je déteste devoir les renouer. Je déteste l’imprévu ; il m’oppresse, m’étouffe, me brûle, il me donne envie de crier, de détruire cette routine que j’ai perfectionnée au long des ans, et rien ne serait plus dangereux. Mon quotidien est parfaitement programmé, parfaitement huilé, pour éviter tout imprévu. Mais aujourd’hui, je sens que quelque chose est différent.

                    

Je me rend sur mon lieu de travail, comme d’habitude, après avoir pris mon petit déjeuner au « Croissant Gourmand », en prenant soin étaler le beurre de façon uniforme et jusqu’au bout du bout de mes tartines, comme d’habitude. J’emprunte le même ascenseur, dis bonjour aux mêmes personnes, suis le même itinéraire que toujours. J’aime mon travail : il respire le soin, l’organisation : il s’agit de prévoir, compter, vérifier, trier. Rien de surprenant dans ces tâches. Pas de risque. Je suis bon à ce que je fais, car j’y applique la même méthode qui encadre ma vie. Aujourd’hui, rien de nouveau, rien d’inattendu, pourtant j’ai toujours la sensation qu’aujourd’hui, quelque chose est différent.

                   

On s’approche de la fin de la journée, je sens le nœud qui compresse ma gorge depuis mon lever et m’empêche de vraiment respirer se desserrer au fur et à mesure que les heures passent : moins de temps il reste, moins l’imprévu a de chance de se glisser dans le prévu, de tout chambouler. Je sors du travail, chausse mes skis, me rend aux mêmes endroits que d’habitude, achète mes cigarettes, vérifiant bien qu’il y en a vingt dans le paquet et donc que celui-ci durera exactement 10 jours. Je m’approche de mon domicile, rentre, dépose mes affaires dans l’entrée, mais ne m’autorise toujours pas à savourer ma soirée : la sensation est toujours là.

                    

Je veille bien à ne pas briser la routine pendant ces quelques heures qu’il me reste à tenir, et lorsqu’enfin, je me glisse dans mon lit, je respire, enfin. J’ai réussi. Je me tourne, m’apprête à fermer les yeux, quand soudain, je me fige : je sens un picotement à l’arrière du crâne. Je sens que demain, quelque chose sera différent.

Alexandra L. (texte original de Charly H.)

Filature à Dabiab

Depuis désormais six jours, Natacha, en poste aux services de renseignement russe, est chargée de surveiller les allées et venues de la cible qui lui a été assignée. La cible, un employé de l’ambassade russe à Dabiab prénommé Iouri, est suspecté d’être l’auteur de fuites importantes de documents classés secret défense. Les soupçons n’ont pas encore été confirmés mais Natacha sait, de par son expérience, qu’il est très probable que ce dimanche soit fructueux. La première chose étrange survient à 6h47 : alors que la ville est encore paisible et peu encombrée, Iouri sort déjà de sa résidence et emprunte sa voiture personnelle au lieu de la voiture diplomatique à sa disposition. C’est à ce moment là que le travail de filature de Natacha commence. Partit du riche quartier résidentiel au Nord de Dabiab, près du casino, Iouri va faire un premier arrêt à la boulangerie où Natacha, habituée au même rituel tous les matins, ne va même pas se donner la peine de descendre de sa voiture. Le second arrêt que va faire Iouri semble davantage l’intéresser. L’homme, vêtu d’un costume, s’est arrêté en face de la gigantesque Tour de Dabiab et a confié sa voiture au service de voiturier proposé aux clients de l’hôtel aménagé aux derniers étages de la tour. À sa surprise, Natacha constate que Iouri dispose effectivement d’une carte magnétique servant à l’ouverture d’une chambre d’hôtel lorsqu’il la présente au voiturier. Mais, au lieu de franchir les portes de la Tour, Iouri se dirige d’un pas vaillant vers la file de taxi présente à sa gauche. La filature de Natacha reprend et, après avoir traversé le labyrinthe des étroites et immondes rues des quartiers Sud de Dabiab et être passé à côté de l’immense et unique centre commercial de la ville, Iouri s’arrête enfin à côté d’une voiture. Alors que Natacha s’apprêtait à alerter ses supérieurs, elle réalise que la voiture garée là n’est rien d’autre que la voiture d’une collègue de Iouri, Ioulia. Loin des soupçons de trahison qui pesait sur lui, Iouri n’est finalement coupable que d’entretenir une relation plus que professionnelle avec une collègue de travail.

Damien B.

Filé dans Dabiab

Je le savais bien, que ça finirait par payer. C’est mon contact au SVR – les services de renseignements extérieurs russes – qui m’a prévenu qu’ils me soupçonnaient. Ils envoyaient quelqu’un pour me suivre. Incroyable, comme tout le monde est corruptible, en Russie.

Il n’a pas su me dire son nom. Alors, aujourd’hui, ballade. J’ai accepté la proposition de cette idiote d’Ioulia ; voilà qui va me permettre de faire un long trajet. Avec une raison innocente –si j’ose dire – à la clé.

Evidemment, je ne pouvais pas prendre ma voiture diplomatique. J’aurais eu l’air de quoi, à me pointer à leur Grande Tour avec « Ambassade de Russie » qui clignote sur mon toit ?

En jurant contre l’étroitesse de ma Clio, j’ai quitté le garage. Il faudrait réellement que je la change… mais il faut aussi faire gaffe. Honnêtement, mes collègues ont le même type de véhicule, et il ne faudrait pas que j’attire l’attention sur moi.

Ceci dit, maintenant que c’est fait… je ricane en me délestant de mon stress. Ils ne peuvent rien contre moi. Dans deux jours, je me serais tiré. En Argentine, tiens. Ou même plus loin. Quelque part où il fait chaud, avec de jolies femmes et une vie pas chère.

Tout à mes rêves, j’ai bien failli en louper la boulangerie. C’est là que j’ai remarqué la Superstaat, modèle russe typique, qui s’arrêtait cinquante mètres plus loin. Forcément, à cette heure-ci, peu de monde dans les rues de ce quartier résidentiel ! Ils sont tous au boulot, ou au centre commercial. J’en ai soupé, de cette ville. Rien à y faire, un boulot peu reluisant, et les dignitaires russes ou étrangers pour vous traiter comme un moins-que-rien – ras le bol !

Pour en revenir à la Superstaat, il est clair qu’elle n’est pas d’ici. Les constructeurs russes sont trop mauvais pour être choisis par les bureaux, en voiture de fonction. Et les particuliers, eh bien… ils veulent plus reluisant que ces petites voitures rondelettes.

J’essaye de jeter un coup d’œil dedans en traversant. Pas moyen. Le chauffeur a eu au moins l’intelligence de rabattre les pare-soleil. Je ricane encore en entrant dans la boulangerie.

Le boulanger fait sortir son apprenti en m’apercevant. La couverture idéale ! C’est pourtant lui, le contact à qui je vends ces documents. Ne me demandez pas à qui, je n’en sais rien, et je m’en contrefiche. Tout ce que je veux, c’est sortir de cette vie de merde.

- Bonjour !

Une longue conversation sur le beau temps qui ne va pas durer, les orages venant du Sud, les apaches – petits voyous du coin – et la nécessité de mettre des paratonnerres sur les immeubles, lui apprend que je dois partir au plus vite. Il me fait signe qu’il a compris.

Demain, j’ai mes billets, et après-demain, j’ai quitté la ville. Alleluia !

Il reste à la traverser, ce que je fais sans encombre. Je confie ma voiture au garagiste de la Tour, grâce à la carte d’Ioulia –comment l’a-t-elle obtenue, d’ailleurs ? Il regarde ma pauvre Clio d’un air surpris, mais il a été dressé à ne pas poser de questions.

J’aperçois enfin mon suiveur. Une femme ? Voilà qui me presque hors de moi. Comme si une femme pouvait me suivre et me maîtriser, en cas de besoin…

Dans les quartiers du nord, la tentation est forte de l’attirer dans un coin sombre et de la liquider.

Mais non. Trop risqué. Et si elle avait une radio ?

Je respire plutôt, à pleins poumons, l’immondice des rues, heureux de les quitter bientôt. Je m’aperçois que je suis passé devant le Casino sans même y jeter un regard, à lui ou à la foule qui l’occupe, tout à la traque de ma traqueuse. Pas dommage. Ce grand truc ne m’a jamais plus.

La voiture d’Ioulia est là. Je jette un coup d’œil à ma suiveuse ; elle semble hésiter, reconnaître la bagnole, peut-être ? La voilà piégée… Je suis tout à la joie de mes tromperies quand j’entre dans la voiture.

Pour me retrouver nez-à-nez avec deux baraques qui me visent droit au cœur, de leurs revolvers. Plus un type que je ne reconnais pas, et mon boulanger, qui hoche la tête.

C’est fou, comme tout le monde est corruptible en Russie.

Un coup d’œil à la rue – déserte. Ma suiveuse est partie. Elle a été aussi trompée que moi… Me voilà dans de beaux draps.

Théophile V.

Filature à Baniost

Après qu’il eut descendu les escaliers qui mènent à la rue principale, je me mis à le suivre. J’essayais de ne pas le perdre à travers l’immense foule dans laquelle il se fondait. Plusieurs fois, je failli buter sur le trottoir endommagé sur lequel nous marchions. Il prit soudainement des escaliers souterrains, comme une grande majorité des personnes avec lui. Nous entrions dans le métro.  

Les affiches aux murs étaient pour la plupart déchiquetées, la salissure était visible. Pour lui, les mouvements étaient automatiques, comme programmés par avance, alors que de mon côté je m’efforçais à ne pas perdre sa trace dans ce vaste dédale.

Après un long trajet dans un wagon bondé, il sortit enfin dehors. Plusieurs usines se dressaient face à nous. Il entra dans l’une d’elles.

Après une journée de travail marquée par le bruit des machines et la répétition abrutissante des tâches, il prit le chemin inverse. Il s’arrêta en cours de route pour faire une halte dans une ruelle sale où s’entassaient les poubelles. Il entra dans un commerce totalement délabré. Il s’agissait d’une épicerie, ou de quelque chose de similaire. Il salua chaleureusement le gérant et fit quelques achats, principalement de la nourriture.

En retournant sur l’axe principal, il ralentit sa marche, scrutant l’horizon. On pouvait apercevoir les arbres du parc voisin qui, disgracieusement taillés, obstruaient en partie le passage. Nous étions encerclés par de grands immeubles gênants la visibilité sur les quartiers voisins. Les balcons étaient peuplés de lourdes paraboles.

Il devenait difficile de le suivre car le soleil s’était couché depuis une heure déjà. Après quelques minutes de marche et après avoir évité de chuter à de nombreuses reprises malgré le faible éclairage des hauts réverbères noirs, je le vis s’arrêter et entrer dans une habitation. Nous étions, en effet, revenus au point de départ de la matinée.

Baptiste C.

Filature à Alerray

Il titube, fait trois pas en avant, cherche un appui sur le lampadaire le plus proche. Il prend une grande inspiration, se tapote sur les joues avec ses mains et reprend sa marche d’un pas hésitant. Il passe le long des bâtiments en brique éclairés par la lumière de la Lune, sans y prêter attention, le regard fixé sur le sol, l’air hagard. Il s’éloigne tout doucement des vitrines éteintes à cette heure de la nuit et emprunte des petites rues désertes. Après plusieurs centaines de mètres, il paraît chanceler, court tant bien que mal vers la poubelle la plus proche et vomit bruyamment juste à côté. Il regarde d’un air à la fois étonné et dégoûté ses chaussures qu’il entreprend d’essuyer contre un arbre. IL se prend la manche dans des ronces qui poussaient dans un buisson voisin, puis reprend sa marche maladroite, non sans trébucher sur les pavés. Arrivé devant une porte en bois sombre, située à la droite d’une boulangerie, il commence à fouiller frénétiquement dans ses poches. Il en sort un trousseau de clés et parvient à en faire rentrer une dans la serrure. Il entre dans le bâtiment. Il allume la lumière du hall d’entrée, laisse la porte se claquer derrière lui. Ses pas lourds résonnent dans la cage d’escalier, puis le silence tombe.

Aux alentours de midi, il sort de son immeuble, une paire de lunettes trônant sur son nez. Les mains enfoncées dans ses poches, il traîne des pieds jusqu’à la pharmacie la plus proche. La porte coulisse devant lui, il se renfrogne à la vue des quelques personnes qui attendent devant lui. Il grogne en réponse aux bonjours des autres clients et patiente, tête baissée. Lorsque son tour arrive, il grommelle « De l’aspirine s’il vous plaît. » et paie rapidement, honteux du regard amusé que lui lance le vendeur.

Alors qu’il s’apprête à remonter chez lui, son téléphone sonne. Il décroche rapidement et éloigne instantanément le combiné de son oreille. Il patiente quelques secondes avant d’écouter à nouveau. Une expression agacée apparaît sur son visage et tourne en rond sans dire un mot. Le monologue se poursuit à l’autre bout de la ligne pendant une dizaine de minutes, ce qui le conduit à chercher le banc le plus proche. Le portable coincé sur son épaule, il regarde les passants qui se pressent tous dans la même direction, un sandwich dans une main, un attaché case dans l’autre. Il finit par prononcer une phrase avant de raccrocher et de ranger son smartphone dans sa poche. Il pose ses coudes sur ses genoux, prend sa tête entre ses mains avant de la lancer en arrière en poussant un grand soupir. Il sursaute quand un groupe d’enfants passe devant lui en courant. Il se frotte les yeux, lâche un petit rire nerveux et se lève en se grattant le cou. Il repart en direction de son appartement dans lequel il reste pendant moins d’une heure avant de redescendre, propre et habillé.

Il porte toujours ses lunettes. Il détache un vélo d’une borne libre-service et s’installe dessus. Lorsqu’il arrive sur la place centrale, il range rapidement ses lunettes, accroche son véhicule et se poste devant une boutique. Une jeune femme en sort, et prend son temps pour arriver vers lui. Ils se font la bise et se dirigent l’un à côté de l’autre vers la terrasse d’un café, en avançant tout droit pour éviter le flot humain qu’ils croisent. Ils s’installent sous une arcade et lèvent la tête pour observer le lierre qui y pousse en le pointant du doigt. Ils commandent un café et discutent jusqu’à la nuit tombée.  

Anouck L.

Filé à Alerray

À chaque pas, il me semble que mon cerveau rebondit au sein de mon crâne. Tituban, je progresse comme un crabe et croisant les jambes à chaque fois, je manque de tomber. La fade lumière de la lune me permet cependant de me diriger. Ce chemin, pourtant effectué mille fois, me semble ce soir totalement étranger. J’entends des pas derrière moi, mais je n’arrive pas à voir de qui il s’agit. Je continue alors mon chemin, hésitant à chaque intersection, me retenant aux poubelles, aux arbres comme aux boites postales pour atteindre ma destination. Il y a quelques heures seulement, je marchais fièrement dans ces mêmes rues dans un costume immaculé, et le monde me souriait. Maintenant, plus rien ne m’importait, à part de réussir à atteindre mon appartement sans être dépouillé en route. J’atteins enfin mon porche, et me hisse dans les escaliers, agrippé à la rambarde. Une loque, voilà ce que je suis lorsque je m’écroule sur le palier du troisième étage, exténué. À tâtons, je trouve la poignée et me traîne jusqu’à mon lit, qui me semble plus haut qu’à l’ordinaire. Tant pis pour les volets, je n’ai pas la force de les fermer. Je vois à travers la fenêtre la lune blafarde, et l’immeuble de brique d’en face qui me cache de toutes les façons le soleil en journée.

À mon réveil, le soleil dont la lumière m’est fort heureusement masquée est déjà haut dans le ciel. Reprenant des esprits, j’ingurgite deux expressos en regardant l’animation en bas de la rue. Dépité devant le néant qui règne en mon armoire, je me résigne à aller chercher une aspirine à la pharmacie. Les gens me semblent hurler dans la rue ; tout m’agace, plus encore que d’habitude. Les façades de briques des immeubles me révulsent, tout comme les feuilles des arbres. Ville cauchemar. Alors que je ressors de la pharmacie, qui était bien sûr bondée, quelqu’un crie dans le parc. Habitants cauchemar. Je prends un appel, et après un temps interminable, rentre enfin chez moi. Technologie de cauchemar. Il me semble apercevoir une personne désœuvrée au coin de la rue, derrière moi. Le bruit métallique de ses talons m’est familier, mais je peine à savoir d’où.

Je ressors un peu plus tard, pour aller retrouver ma sœur. Je file à vélo en faisant attention aux multiples voitures qui me dépassent à vive allure. Alors que je la retrouve, je vois me dépasser cette même femme aux talons. Impossible. Ce doit être un cauchemar.

François C.

Filature à Meltar

C’est le petit matin. Le jour se lève sur Meltar, autrement dit, la brume passe du noir au gris clair. L’air est frais, la ville absolument silencieuse. Comme chaque matin, je marche à travers les rues sinueuses, dans une promenade sans cesse répétée qui me vide l’esprit et m’apaise. Alors que je tourne au coin de la rue des Soupirs, j’aperçois une ombre qui sort d’une porte basse, sur ma droite. Il y a donc des gens aussi matinaux que moi, à Meltar ? Sans réfléchir, sans l’avoir prémédité le moins du monde, je me mets à la suivre. C’est une femme, sans aucun doute possible. Elle marche à petits pas pressés, une trentaine de mètres devant moi. Ses talons claquent sur les pavés humides, brisant le silence à chaque enjambée. Je me faufile derrière elle, le cœur un peu affolé par la filature, un délicieux sentiment d’interdit m’emplissant peu à peu. A chaque coin de rue, je suis près de la perdre. Elle disparaît sans cesse dans le brouillard, et sans cesse elle reparaît lorsque je hâte le pas. Brusquement, elle se coule à travers une porte étroite qui semble être l’entrée d’un magasin. Je m’arrête et m’adosse au mur en attendant qu’elle sorte. Mais que suis-je donc en train de faire ? Suivre une inconnue, comme ça, sans raison, mais je perds la tête ! Cela dit, Meltar est tellement figée, tellement morte. Suivre quelqu’un est la chose la plus folle qui me soit arrivée depuis que la tempête de l’an dernier a arraché toutes les tuiles de mon toit et qu’il a plu pendant deux jours dans ma chambre. Alors, je continue.

                    

Elle ne reparaît pas. Le silence m’enveloppe à nouveau, oppressant. Les maisons d’en face sont alignées, collées les unes aux autres, frileuses constructions qui craignent le vent hivernal. Tous les volets sont fermés. A droite et à gauche, la rue se perd dans la brume. Je suis en train de m’assoupir contre le mur de pierre lorsque mon regard capte un mouvement sur ma droite. La femme est ressortie. Elle porte à deux mains un objet volumineux et visiblement assez lourd qui la fait tituber. Au lieu de repartir vers sa maison, elle continue son chemin en direction de la mer. Je la suis à nouveau. Elle marche maintenant plus lentement le long des rues toujours désertes, retardée par son fardeau. Nous parcourons quelques ruelles avant que je me rende compte qu’elle oblique vers la petite plage qui se niche après le port, entre deux gros rochers. Elle s’avance sur le sable, se débarrasse de ses chaussures sans lâcher son paquet, continue jusqu’à ce que l’écume vienne lui caresser les pieds. Alors, elle s’agenouille, dépose son fardeau sur le sable et se livre à une activité que je ne peux saisir, son dos me masquant la vue. Je m’avance alors, sans bruit, jusqu’à voir ce qu’elle fait.

                    

Elle a déballé son paquet. Il s’agit d’une sorte d’aquarium, un simple cube de verre sale et rayé, dans lequel nagent quelques poissons amorphes. Et cette femme, un à un, les prend délicatement dans ses mains avant de les rejeter à la mer dans un murmure d’encouragement. Au fur et à mesure que l’aquarium se vide, un magnifique sourire naît sur ses lèvres, un sourire de bonheur comme j’en ai rarement vu dans cette ville grise et éteinte. Alors, pour ne pas la gêner, je me retire doucement, quitte la plage et rentre chez moi pour la laisser dans sa solitude heureuse.

Juliette M.

Filé à Meltar

Ah Meltar ! Ses douces matinées simples et paisibles m’emplissent chaque matin d’une immense quiétude ! Déjà cinq ans que j’ai tout quitté pour vivre ici, dans cette vieille bâtisse en pierre grise typique de la région, penchée sur une charmante petite ruelle. Ce matin, je décide de passer chez Barnabé. Il tient l’animalerie, à quelques encablures de chez moi. Pressée par la fraîcheur matinale, j’accélère tout en prenant soin de ne pas réveiller tout le voisinage au son de mes escarpins, qui claquent sur les pavés glissants. Arrivée devant la boutique, j’entre et salue Barnabé, qui comme toujours soupire et me regarde à peine. Dans un  petit aquarium aux vitres rayées, j’aperçois deux petites créatures marines. Leur regard me touche. Elle me fixent droit dans les yeux comme pour m’implorer : elle veulent que je les libère, je dois les aider.

Si ce n’est pas moi, personne ne le fera…

Enfermés dans leurs cages, tous sont si tristes. Chiens, chats, perruches et gerbilles, ils me supplient de les emmener. J’entends leur voix, leurs prières… C’est promis, demain je reviendrai, je vous le jure ! Ne me regardez pas comme ça…

Je quitte le magasin, accompagnée de mes deux amis aquatiques. La mer n’est plus très loin et je les sens tout excités. Au fur et à mesure, le son des vagues se fait plus précis.

Je retire mes escarpins pour sentir le sable frais et humide caresser mes pieds. A genoux, je libère mes amis. Bercés par les flots, ils rejoignent la demeure qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Face à ces émouvantes retrouvailles, une joie immense m’envahit. « Je vous aime », leur dis-je. Ils me remercient et disparaissent dans l’océan.

Olivier R.

Filature à Oryana

Après une douche et le temps de m’acclimater quelque peu au climat oryanais, je me décide à sortir de l’auberge pour explorer la ville et m’imprégner de l’atmosphère si particulière qui fait sa réputation. Un pas sur le trottoir et je me trouve emporté dans une marée arc-en-ciel : quel idiot étais-je de croire pouvoir y échapper… Le flot continu des passants me traîne et m’étourdit. Confus, je m’arrête brusquement. À l’ombre d’un palmier, j’observe ce fourmillement sans fin.

Je reprends mes esprits, mais prêt à reprendre la marche sous le soleil accablant d’Oryana, un vieillard m’intrigue. Son pas lent et son visage paisible contrastent dans la cohue bariolée. Je décide de le suivre.

Après quelques mètres dans l’artère large et agitée où je m’étais arrêté, il s’engouffre dans une minuscule ruelle, qui par sa largeur s’apparente plus à une faille entre deux blocs. Au bout de ce tunnel apparaît une charmante petite place, entourée de lauriers-roses. À ma grande surprise, nous sommes presque seuls, excepté quelques autres vieillards, eux aussi extrêmement paisibles. Il me semble d’entrer dans une nouvelle ville. Ici pas d’automobiles bariolées ni de jeunes agités. Le vieillard, comme les autres Oryanais, est vêtu d’un ensemble aux couleurs vives mais s’appuie sur une canne reprenant la couleur noire des parois et du sol. D’un pas à la fois calme et décidé, il rejoint le centre de la place où il s’assoit à même le sol…

Olivier R.

Filé à Oryana

Il ne m’a pas fallu cinq minutes pour le repérer. Un petit jeune, un touriste visiblement, l’air perdu au milieu de la foule. Il est le seul à être habillé de couleurs sombres et il erre de droite et de gauche, ballotté par la foule colorée qui l’entoure et qui le presse de toutes parts. Depuis quelques instants, cependant, j’ai senti que son regard s’accrochait à moi, s’y arrimait. Il a repris contenance, il me suit. Cela ne m’offense pas, au contraire. Je décide de lui montrer un autre visage d’Oryana. D’un pas vif, je me faufile entre les gens trop nombreux, en donnant des coups de canne à droite et à gauche pour ouvrir un passage plus vite. Du coin de l’œil, je m’assure que le petit jeune me suit toujours. Puis brusquement, je m’enfonce dans le passage des Saules, une ruelle si étroite qu’on ne peut s’y engager à deux de front. J’entends les pas de mon suiveur derrière moi. Pas bien discret, le jeunot. Son souffle s’est accéléré, il semble inquiet. Patience, mon ami, nous y voilà. Je débouche sur la petite place sans nom, grande oubliée des registres de la ville, dans laquelle personne ne passe jamais. Il n’y a que des vieillards comme moi pour se rappeler que cette place était le cœur de la ville il y a cinquante ans de cela. D’ailleurs, il n’y a que des vieillards qui vivent là. Adressant un léger signe de tête à mon voisin qui se chauffe doucement au soleil, assis sur son banc habituel, je vais m’asseoir par terre, au centre de la place. Et je sors mon matériel.

Je dépose ma flûte en ébène sur le sol, devant moi, et ferme les yeux, parfaitement immobile. Je laisse le silence m’envahir pendant quelques instants, avant de commencer à chanter. D’abord un murmure rauque, un de ces airs étranges qui n’existent qu’à Oryana et qui ont presque disparu. La mélopée s’élève, lancinante, s’enrichit d’un battement de mains lent et rythmé qui la rend encore plus inquiétante. Puis, sans cesser de chanter, j’arrête de frapper mes mains l’une contre l’autre et je saisis ma flûte. La musique de l’instrument remplace alors ma voix pour devenir envoûtante et un peu mystérieuse. Non loin de moi, mon voisin entame à son tour un chant pour accompagner la flûte. Tous deux, nous continuons longtemps, portés par la musique, les yeux étroitement fermés pour la garder en nous le plus profondément possible. A bout d’un long moment, nous laissons la mélodie mourir sur nos lèvres sèches, avant de laisser place au silence. Quand je rouvre les yeux, de longues minutes après, le petit jeune est parti. Sur mes genoux, je découvre un papier sur lequel il a écrit, d’une main maladroite : « Merci ».

Juliette M.

Filature à Litejuet

Assise en terrasse du Bat café, j’attends. Je regarde ma montre, 8h21. Je jette un coup d’oeil aux tables de la salle intérieur. Non, je ne peux pas l’avoir loupé. Il doit juste être un peu en retard. 8h23, il arrive. Je l’aperçois au passage piéton en face de moi, les cheveux ébouriffés sur sa tête et les yeux collés à son iphone. Et bien, il est plutôt mal réveillé ce matin! Il s’installe rapidement sur une table juste à côté de moi et commande: “Un expresso s’il vous plait.” Sa main gauche tapote sur la table tandis qu’il vérifie ses mails avec l’autre main. Puisqu’il est dos à moi, je regarde discrètement son écran. Je note une réunion à 14h avec la responsable communication mais je n’ai pas le temps de voir le reste.  Sept minutes plus tard, il quitte le café et se dirige vers la rue d’en face d’un pas pressé. Il ne sera certainement pas à l’heure, il lui faudra plus de cinq minutes pour arriver à son bureau. Bon, je vais quand même me lever des qu’il est au croisement pour m’assurer de l’heure à laquelle il entre dans le bâtiment. Peu après, collée derrière un mur, je l’observe à travers la porte vitrée saluer l’homme situé à l’accueil et prendre l’ascenseur. Je me retourne et regarde ma montre. 8h40, j’ai trois heures devant moi. Je me dirige vers un escalier dans une ruelle qui mène à un petit parc. Je m’assis sur un banc et sors mon petit carnet. Une fois tout noté, je lève les yeux et regarde les rares passants. C’est reposant de ne pas avoir les yeux fixés sur les faits et gestes d’un seul individu. Quand je pense à ce qui m’a amené là, je me dis que je ferais mieux de tout arrêté tout de suite. Il est presque l’heure, je décide de partir maintenant et m’installer à l’arrêt de bus en face de son lieu de travail pour ne pas être visible. Me planter là devant cette banque fermée n’est pas vraiment le plan le plus judicieux pour être discrète. À peine arrivée, je le vois sortir, un peu plus réveillé que ce matin, mais l’expression sur son visage lorsqu’il passe devant moi semble montrer qu’il est ailleurs. Je pars dans une réflexion sur son humeur tout en observant le grand immeuble qui se tient devant moi. À quel étage il travaille déjà? Je tourne la tête pour voir où en est mon bonhomme mais sa silhouette élancée n’est plus dans mon champ de vision. Mince, il a du tourner ! Je me lève, passe par la route pour éviter les motos garés sur le trottoir, manque de me faire écraser par le bus que j’attends fictivement depuis dix minutes. Je cours en pivotant ma tête de droite à gauche pour examiner toutes les rues autour mais impossible de le retrouver. Bon je vais prendre à droite et on verra bien.  Après une bonne demi-heure à passer toutes les places, restaurants et parcs du quartier au peigne fin, je décide de me reposer. De toute façon je ne pourrai pas le suivre ce midi. Je vais attendre ce soir. J’envoie un message à ma soeur: “Pour l’instant toujours rien mais je viens de le perdre de vue.” J’observe le stand de snack à ma gauche et crois l’apercevoir derrière. Non c’est une erreur, celui-ci a des lunettes que je découvrent lorsqu’il se retourne, et n’a absolument rien à voir avec le petit ami de Clara.

 Filé à Litejuet

Il est 8heures, le réveil sonne depuis 20 minutes. Je me réveille tout affolé et m’habille en vitesse pour avoir le temps de me rendre à mon café matinal. Décoiffé et le visage dans le pathé, je me rends donc au Café Flore et demande gentillement un « espresso » pour bien commencer la journée. Ma femme, Clara, m’envoie un message : « bonne journée, je t’aime ». Je suis à la fois confus et gêné mais lui répond par « à toi aussi chérie ». Mon dieu, quelle serait sa réaction si elle savait que j’avais une relation avec ma secrétaire ? Et mes enfants ? Et ma famille ? Je décide d’oublier cela et me rends à mon lieu de travail, où je suis chargé de communication. Il est 9heures. À peine me voilà sorti du café que j’ai la bizarre impression d’être suivi, je ne cesse de me retourner, mais rien, sûrement une mauvaise impression. Une fois arrivé à mon lieu de travail, je monte directement au 5ème étage, où se trouve mon amante. De toute façon, j’ai du temps devant moi : ma première réunion est à 14h. Moi et ma secrétaire nous embrassons tendrement pendant des dizaines de minutes, et nous nous posons ensuite contre la fenêtre, qui donne une magnifique vue sur Paris. Alors que je passais un très bon moment, il me semble apercevoir quelqu’un de familier dans la rue. J’analyse plus attentivement avant de me rendre compte qu’il s’agit de la soeur de ma femme, Emilie. Moi et mon amante la regardons : elle restait là, 30 minutes, 1heure, 2heures. Pas de doutes, ma femme se méfiait et l’avait chargé d’enquêter sur moi. Pris d’un mouvement de panique, je passe un coup de fil à ma femme, l’air de rien, pour lui demander si tout allait bien. La conversation fut normale ce qui me rassura. Je me rendis ensuite à une réunion à 14h dans le cadre d’un nouveau projet de communication. Une fois finie, je rejoignis mon amante, lorsque celle-ci me proposa de passer chez elle pour un moment intime. Que faire ? Ma belle-soeur se trouve juste en face du bâtiment et je n’ose imaginer la réaction de ma femme si elle découvrait ce que je manigance. Tant pis, le désir m’envahit et j’indique à ma secrétaire que je la rejoins dans 20 minutes chez elle au 28 boulevard Saint Germain. Il ne fallait pas que ma belle-sœur nous voit tous les deux ensemble dans la rue. J’essaierai tant bien que mal de fuir ma Emilie. 10 minutes plus tard, Emilie avait changé de place, elle s’était assise à un arrêt de bus. Alors qu’elle semble en pleine réflexion, je m’élance direction boulevard St Germain, tourne à gauche, à droite. Je m’arrête un moment et voit ma belle-soeur passer devant moi en courant. Ouf, j’étais sauvé elle avait pris le chemin inverse du lieu où je rencontrai mon amante. L’esprit sain, je me rendis au 28 boulevard Saint Germain pour passer un moment amplement mérité.

Filature à Templates

Le soleil à peine levé, le centurion Lucius Tullius est déjà sur le pas de sa porte, pestant contre ces bureaucrates du Sénat municipal qui l’obligent à se lever aussi tôt lors d’un de ses rares jours de congé. Tant mieux. Je me voyais mal attendre une minute de plus entre les cages à poules du boucher d’en face. L’odeur épouvantable de fiente et de sang séchés n’est pas des plus agréables à une heure aussi matinale, surtout lorsqu’elle est accompagnée du caquètement des volatiles. Tandis que le légionnaire prend place dans sa litière portée par deux Germains patibulaires, je cherche machinalement mon portable avant de me rappeler qu’il est resté à Chamonix avec toutes mes autres possessions modernes. C’est donc avec la flûte gagnée la veille en jouant aux dés avec un musicien trop assommé par sa piquette que je fais signe à mon complice posté sur les toits, qui me répond par un cri de chouette.

Si Tullius est fidèle à ses habitudes, mon homme de main devrait disposer d’une ou deux heures pour travailler en paix, voire plus si le centurion ne se laisse pas emporter par son tempérament et qu’il parvient à écouter les sénateurs pendant plus de dix minutes. J’espère que cela sera suffisant pour un Templatin pur jus, car même les criminels les plus endurcis sont adeptes du vol à la tire et non du cambriolage. Pourquoi est-ce que je ne m’y prends pas moi-même ? Eh bien, parce que le vol est sévèrement puni pour les locaux qui pourraient bien y laisser un membre (surtout dans le cas presque inédit ici d’un vol avec effraction chez un personnage haut placé). Alors que dire d’un étranger pris la main dans le sac, qui risque lui de finir ses jours cloué sur une croix. Mon rôle se limite donc à une banale filature pour être certain que mon complice disposera du temps nécessaire. Au moindre pépin, il me suffira de courir pour le prévenir, la lenteur de la litière de Tullius me laissant une longueur d’avance assez confortable.

Perdu dans mes pensées, je me rends compte que je suis à une bonne centaine de mètres devant la litière, qui progresse péniblement au milieu du flot de chariots de marchands se rendant au marché central. Je m’arrête devant les thermes pour discuter avec un groupe de baigneurs venus d’un patelin en amont de la vallée. Quand je reprends ma route, je fais attention à garder un œil sur le centurion qui dévore un poulet entier en guise de petit déjeuner. Visiblement, les autres clients de l’étal, attablés devant une maigre soupe, sont passablement énervés par cette démonstration de gourmandise. Lorsqu’une ménagère distraite lance par la fenêtre le contenu d’un pot de chambre et que celui-ci atterrit aux pieds du légionnaire, ils sont les premiers à se mettre à rire tandis que des quolibets fusent de toutes parts.

Le centurion fou de rage remonte dans sa litière non sans adresser un geste menaçant à la jeune femme, et ses esclaves se remettent en route. Il ne leur faut pas bien longtemps pour atteindre le bout de la rue, et les façades crasseuses des immeubles d’habitation font place aux colonnes blanches des monuments du forum. Ils traversent la place qui commence à être envahie par des étals disparates jusqu’au bâtiment le plus large, un monstre de colonnades et de coupoles dont le frontispice proclame « Semper fidelis ».

Filé à Nnmbj

Quand il, homme, 47 ans, informaticien, est sorti l’immeuble immense, il y restait rien à penser. Destination connu, la ville s’occupe de tout les déplacements. Après avoir attendu quelques secondes, le vehicule est arrivé. Les longues rues s’appaît infini, le vehicule traverse des grandes distances sans effort. Il se sent quasiment perdu, les immubles sont tous identiques, ont tous la même structure. Par contre, il y a aucun nessecité de savoir où tu es dans cette ville. Le système de déplacement s’occupera.

Cet homme là est en train d’entrorer Sph, autre habitant de ce ville bizarre. Les gens ici ont perdu la capacité de parler. Ça ne serait plus a rien. Leurs cerveaux sont directement connecté en en pensant sur l’autre, ils peuveunt communicer facilement.

Administration de Nnmbj – Sujet « Sph ». Fonctionnaire. 38 ans. Mâle. – Enregistreur automatique de pensées pour traitement informatique des données – Matricule no. 18KLM27R

Je sors de l’immeuble. Quelques secondes à attendre immobile sur le trottoir pour que le véhicule vienne me chercher. Je monte. Direction Bureau central du recensement.

Connexion extérieure en cours … Communication établie – Sujet « Hbf ». Informaticien. 47 ans. Mâle. – Matricule no. 54VTZ75J

- Contact. Hbf parle. Bon matin, Sph.

- Qui êtes-vous ?

- Votre libérateur.

- Mon quoi ?

- Pardon, votre système sémantique est encore verrouillé. Je suis une personne qui vous veut du bien. Je vous recontacterai plus tard dans la journée.

- Attendez, je…

Communication terminée – Déconnexion en cours.

Quel étrange contact. Je devrais signaler cet incident aux autorités.

« Autorités » - Mot-clef détecté – Signalement en cours…

Ah, c’est vrai, ils ont reprogrammé nos enregistreurs. Quelle belle fonctionnalité, on n’arrête plus le progrès. D’ailleurs, ces nouveaux véhicules aussi sont admirables. Les trajets sont de plus en plus courts. Déjà au bureau. Tiens, la porte a changé.

Verrouillage administratif détecté – Connexion au système de sécurité central en cours… - Vérification matricule – Ouverture… - Travaillez bien, sujet « Sph ».

On est tout de même bien mieux au bureau. Ah ! Aujourd’hui, c’est le recensement des hommes de 16 ans au physique supérieur à la moyenne, c’est vrai. Toujours un plaisir de travailler pour l’armée. Voyons voir cette liste.

Connexion extérieure en cours … Communication établie – Sujet « Hbf ». Informaticien. 47 ans. Mâle. – Matricule no. 54VTZ75J

- Contact. Hbf parle.

- Encore ? Que me voulez-vous ? Votre comportement est suspect.

- Pardonnez-moi, cher ami. Vous me remercierez plus tard.

Programme inconnu… - Antivirus en cours de démarrage – Logiciel de contrôle non autorisé détecté – Logiciel de contrôle non auto – Logiciel de contrô – Log… skkkkkkkrkrrkrkrkrk