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C’est Pas Sourcé #14 : Odin

Introduction

On nous a parfois demandé pourquoi on ne faisait pas de vidéos introductives, et c'était presque un reproche : j'aimerais bien apprendre des trucs sur Cybèle et Attis mais est-ce que la vidéo doit vraiment faire 51 minutes et aborder tous les textes, est-ce que ça aurait pas été possible de faire quelque chose de plus court avec juste l'essentiel ?

Et je pense qu'il y a deux raisons pour lesquelles on ne fait pas de vidéos "introductives".

La première c'est que souvent ça a déjà été fait, il y a déjà des documentaires qui existent sur le sujet, même si on aurait certainement des choses à redire dessus. Et même sur Youtube, si vous prenez la mythologie nordique vous avez des vidéos qui récapitulent l'essentiel et qui ont une audience près de mille fois plus large que la nôtre.

Je trouve que ça vaut la peine qu'on investisse notre temps pour faire quelque chose qui n'existe pas encore, même si c'est pour un public réduit, mais je vois pas vraiment l'intérêt si c'est pour nous retrouver à dire la même chose que des chaînes déjà très populaires.

La deuxième justement c'est qu'on risque de reproduire un discours qui est finalement superficiel. En lisant dix minutes de Wikipédia on répète souvent des idées reçues alors que l'angle de notre émission c'est au contraire d'interroger "ce qu'on sait" de l'histoire de ces religions. Et de montrer quels discours sont possibles sur ces sujets.

Mais ça n'empêche pas qu'on fasse quelque chose de plus introductif. En l'occurrence, un de mes enseignants monsieur Nicolas Meylan, qui s'intéressa surtout à l'Islande médiévale , a accepté de nous accorder un entretien sur le dieu Odin.

Tout d'abord on le remercie pour cela.

Alors Odin c'est un dieu important dans la mythologie nordique/germanique, on va voir peut-être le plus important même si ça veut pas dire grand-chose. Et je pense que par rapport à d'autres mythologies les gens sont relativement conscients des problèmes qu'on a dans la transmission des récits mais ça empêche pas qu'on va regarder justement.

On espère que ça vous plaira de le découvrir avec nous dans un nouvel épisode de C'est pas sourcé.

Les attributs d’Odin

LAYS

Donc pour commencer, quels sont les attributs d’Odin, quel portrait on peut faire de ce dieu ?

NICOLAS MEYLAN

En premier lieu, peut-être avant même de répondre à cette question il faut remarquer qu'on a relativement peu d'information si on compare à des personnages comme les grands dieux du panthéon védique, les grands dieux de la grèce, on a relativement peu d'information.

Attributs physiques

Ceci dit, on a une image relativement cohérente et on arrive à dresser un portrait assez clair. Odin pour commencer c'est le grand magicien. On se le représente à juste titre comme un vieillard à barbe grise et longue, errant sur la lande avec un grand chapeau bleu, c'est le fameux chapeau de magicien, donc seul. Parfois chevauchant son cheval, qui s'appelle Sleipnir qui est assez particulier en ce qu'il a huit pattes. Dernier trait distinctif, le fait qu'il soit borgne.

Assoiffé de savoir

Cette cécité d'Odin tient à une de ses grandes qualités, entre guillemets, c'est que c'est un dieu qui est littéralement assoiffé de savoir.

Il y a plusieurs mythes qui nous racontent son acquisition de savoir, un des mythes nous apprend qu'en fait il est allé voir un personnage probablement un jotun, c'est à dire un géant, on traduit ça généralement un peu à tort par géant - allé voir un jotun qui s'appelle Mimir. A qui il a offert son oeil pour acquérir du savoir.[1]

Ensuite, outre le savoir, ou ce savoir peut le conduire à différentes provinces qui permettent de cerner son rôle ou ses compétences dans le cadre du panthéon.

1) Lié à la mort

Cette quête de savoir par exemple va l'amener à avoir un rapport relativement étroit avec la mort. C'est comme ça que d'une part il va lui même se... c'est pas très clair est-ce qu'il s'initie est-ce qu'il s'auto-sacrifie, il va passer neuf nuits pendus à un arbre battu des vents, etc. Souvent il y a de bonnes raisons de penser que cet arbre c'est Yggdrasil, l'arbre qui met en contact les différents mondes et suite à cette initiation sacrifice je sais pas exactement, il va découvrir le secret des runes.[2]

De même cet intérêt pour la mort et pour le savoir qui repose dans la mort, cet intérêt va le conduire par exemple à aller -- le terme probablement technique serait "réanimer" des morts, très généralement des pendus. C'est pour ça que dans la poésie, un de ses très multiples surnoms, je crois qu'il y en a plus de 150, sera "seigneur des pendus".[3] Il réanime les morts, il parle avec eux et cherche à obtenir un savoir sur le futur. Cet intérêt pour le futur est en fait lié à de nouveau à la question de la mort puisqu'il s'agit pour lui de se renseigner sur l'espèce de conflagration finale, la bataille finale, qu'on appelle en vieil islandais ou vieux norrois, le ragnarok, initialement c'est r-o-k donc le destin, le destin des puissances. Un très grand auteur du XIIIe siècle Snorri Sturluson, sur lequel je reviendrai, propose la lecture "ragnarokkr" qui se traduit littéralement "crépuscule des puissances" d'où le thème très wagnérien du crépuscule des dieux.

ANTOINE

On peut déjà voir un exemple de ces thèmes dans notre source la plus ancienne, l’Edda poétique, qui s’oppose à l’Edda en prose, rédigée par Snorri Sturlusson. Le codex regius qui la contient date de 1270, mais les textes les plus anciens remonteraient autour de l’an 1000. Odin tient un rôle de premier plan dans plusieurs de ces poèmes eddiques.

Dans la Grímnismál Les dires de Grimnir – Odin visite incognito Geirrod, un de ses protégés, sous l’identité de Grimnir, pour voir s’il traite bien ses invités. Il découvre à ses dépens que ça n’est pas vraiment le cas: il est fait prisonnier et torturé, laissé huit jours et nuits près du feu sans qu’on lui donne à boire et à manger, jusqu’à ce qu’Agnar, le frère déshérité de Geirrod, lui amène un verre. Odin récite alors une longue suite de vers de plus en plus révélateurs sur son identité, au cours de laquelle il lui promet un royaume: Geirrod meurt peu après et Agnar lui succède.

C’est en fait un motif courant: il commence à interagir avec des gens sous une autre identité - Grimnir signifie d’ailleurs littéralement “le masqué” -  mais au fur et à mesure on réalise qu’il s’agit en réalité d’Odin.

Dans la Harbardsjól, Thor échange des insultes avec un nautonier, Harbard, dont le nom signfie barbe grise et alors que Harbard se vante de ses exploits en se moquant de ceux de Thor on comprend qu’il est en fait Odin, même si Thor a pas l’air d’avoir compris.[4] 

Et dans la Vafthrúdhnismál – Les dires de Vafthrúdhnir – il rend visite à un vieux Jotun pour le défier dans un concours de sagesse ou l’interroge sur la cosmologie et le devenir du monde, au terme duquel il est aussi reconnu.

Dans la Völuspá, au début de l’Edda poétique, une prophétesse - la Völva - raconte la création et la destruction du monde à Odin, un peu dans le même genre et il l’interroge sur le Ragnarok.

Ensuite dans Baldrs Draumar - un poème eddique absent du Codex Regius, trouvé dans un autre manuscrit - Odin va à Hel, donc dans le monde des morts, pour savoir exactement ce qui va arriver à Baldr, qui a des mauvais rêves. Il découvre que l’enfer a été préparé pour l’accueillir et pose diverses questions sur le devenir des dieux.

Mais sa dernière question, un peu mystérieuse “qui sont ces vierges / qui lamenteront / Et vers le ciel lanceront / Leurs écharpes ?" (§12 Boyer 537-8) une question énigmatique[5] mais qui permet apparemment à la Völva de reconnaitre que c’est Odin (§13-4) et refuse de lui répondre plus avant.

NICOLAS MEYLAN

Ce qui me permet encore de faire un lien avec la mort. Puisque en vue de ce ragnarok, de cette bataille finale, Odin est très intéressé à recueillir auprès de lui les meilleurs guerriers qui une fois morts le rejoignent dans son palais, qui s'appelle valhöll c'est-à-dire le valhalla si vous voulez de Wagner. Donc il va réunir en Valhöll ces guerriers d'exceptions. Or, comment il fait pour réunir ces guerriers d'exceptions. Donc quand les humains se battent, il va envoyer ses Valkyries, ce sont des femmes.

On est relativement loin des chanteuses d'opéra de nouveau popularisées par Wagner. Certains spécialistes parlent de démons de la mort, donc des figures quand même plutôt terrifiantes. Ces Valkyries vont venir sur le champ de bataille, chercher les gens qui meurent au combat. Ce qui amène certains, notamment le dieu ou - c'est difficile de définir son statut, le dieu Loki à critiquer Odin en lui disant "tu est parfaitement injuste, tu ne récompenses pas les meilleurs guerriers, tu donnes la victoire aux faibles".[6] Pourquoi ? Parce qu'Odin choisit de tuer les meilleurs guerriers pour s'assurer que ceux-ci rejoignent son armée qui espère-t-il permettra aux dieux de --- gagner lors du ragnarok.

Donc un intérêt très fort pour la mort.

2) Lié à la magie

Il y a d'autres centres de compétences pour Odin. Le deuxième, très important, c'est celui de la magie. Est-ce que c'est lié à la mort, c'est pas du tout exclu. Mais quoi qu'il en soit on a de très nombreuses sources, notamment un poème de l'edda poétique, [donc un texte en fait qui est daté - le manuscrit lui-même est daté de 1270] -- un texte, le Hávamál... dont la dernière partie représente un espèce de catalogue de sorts dont se vante l'énonciateur du poème et en fait on nous fait comprendre que c'est Odin.[7]

Odin nous dit être capable d'éteindre le feu d'un seul mot, faire tomber les liens d'un seul mot, mais aussi tuer à distance. Les amateurs de littérature fantastique retrouveront tous les sorts habituels.

Un texte qui lui est très différent parce qu'il est dans un registre historique et pas mythologique -- donc c'est un texte où Odin apparait dans une forme evhemerisée, c'est-à-dire c'est un homme, ce texte qui s'appelle la Yngligasaga[8], le premier texte d'un grand cycle de biographies royales, la Heimskringla.[9] On a de nouveau cet homme, ce roi, Odin qui amène avec lui l'art de la magie qu'il va transmettre, ceci aux différentes populations de scandinavie.

ANTOINE

Snorri Sturluson est un poète, historien et politicien islandais actif au treizième siècle. En plus de ces biographies royales et probablement de la Saga d’Egil Skallagrimson, il rédige ce qu’on appelle lEdda en prose[10] autour de 1220.

L'Edda en prose débute par un prologue qui, de la même manière que l’Yngligasaga, tente d’évhémériser les dieux germains et d’en faire des hommes, tout en faisant la même chose avec les dieux gréco-romains et en conciliant tout ça avec la Bible. On a donc l’histoire d’Odin, Saturne et Jupiter qui sont présentés comme des hommes, des descendants de Noé, avec certains pouvoirs magiques,qui après leur mort auraient été vénérés en tant que dieux. Et tout ce petit monde côtoie Zoroastre et l’histoire de la tour de Babel. Odin est présenté comme un descendant de Priam, parti de Troie, et qui va s'établir au nord de l'Allemagne avant  d'atteindre la Scandinavie.

On n'est pas sûr que ce soit Snorri qui ait rédigé le prologue mais l'auteur utilise sûrement du matériau anglo-saxon, puisqu’il nomme le fils de Frialaf “Voden, que nous appelons Odinn”. (trad. Anderson §10)

Au-delà du désir médiéval de faire coïncider toutes les histoires anciennes il y a des chances que ce processus littéraire soit là pour rendre ces récits inoffensifs à un public chrétien.

On y trouve ensuite deux textes qui sont peut-être les plus intéressants pour nous : la Gylfaginning, d'abord: Gylfi, est un roi scandinave antique, qui dialogue avec trois personnages qui semblent être des avatars d’Odin, évoquant la création et la destruction du monde, ainsi que divers épisodes de la mythologie germanique. La Skáldskaparmál, ensuite, est à nouveau un dialogue, où Aegir, un jötunn personnifiant la mer, discute avec Bragi, dieu de la poésie, examinant l'origine de certains kennings - des périphrases poétiques - utilisés pour désigner les dieux.

Enfin, l’Edda de Snorri se termine avec la Háttal qui est plus une sorte de manuel de poésie.

On a donc deux approches chez Snorri. La première dans la Gylfaginning et la Skáldskaparmál où il nous transmet de la mythologie germanique du mieux qu’il peut et dans le prologue ou l’Yngligasaga  il tente de l’historiciser.

Parfois, il complète des récits qui nous seraient incompréhensible autrement. Mais il n’est pas toujours clair s’il préserve d’anciens récits ou si  il élabore des épisodes lui-même à partir de kennings ou de bouts de l’Edda poétique.

3) Lié à la poésie

NICOLAS MEYLAN

Il y a un troisième grand domaine de compétence, c'est celui de la poésie. J'aurais tendance à dire y'a -- les sources anciennes ont envie de nous faire voir un lien entre magie et poésie. Plusieurs sources vieil-islandaise insistent sur les capacités uniques de la poésie, notamment en terme d'influence, de persuasion, voire même parfois de création d'effet matériel en fait -- quelques histoires assez extraordinaires de ce genre.

Quoiqu'il en soit, Odin est présenté dans de nombreuses sources soit comme en fait celui qui a importé généralement depuis Troie ou depuis l'ère méditerranéenne, qui aurait importé l'art poétique vers le nord ou alors dans une version plus mythique si j'ose dire, il serait carrément lui-même celui qui a apporté l'inspiration poétique. Et d'ailleurs son nom indique un petit peu ceci. Si vous voulez Odhin étymologiquement suggère l'idée -- pourrait être traduit le seigneur de odh, et odh peut dire deux choses soit la fureur, la rage un peu extatique comme ça[11], soit la poésie. Et Odin pourrait être compris comme le seigneur de la poésie. Et de très nombreux poètes d'une période assez ancienne qui remonte jusqu'au VIIIe siècle et jusqu'au XIIIe siècle, ont tendance à utiliser des métaphores pour parler de poésie du type "le butin d'Odin" ou "le cadeau d'Odin" etc. en référence au mythe d'origine de la poésie.

4) Lié à la guerre

Il y a un dernier thème qui a été peut-être un peu trop mis en évidence par différents savants, je pense particulièrement à Georges Dumézil, serait celui de la guerre.[12] Alors c'est vrai qu'Odin joue un rôle dans la guerre. Souvent on lui prête l'origine, on nous explique que c'est le créateur de certaines formes tactiques militaires. Ce serait lui qui aurait inventé l'organisation d'une armée en coin, le fameux svinfylking que connaissaient peut-être les vikings.

Thème global : la souveraineté

Et en fait si on prend un peu ces quatre domaines Mort, Guerre, Poésie, Magie, on peut avoir l'impression d'une image assez composite en même temps il y a un thème qui se cache là-derrière, c'est celui du pouvoir, celui de la puissance. Et si on prend un peu de distance par rapport aux sources, si on les regarde de façon un peu synthétique, on se rend compte que le rôle principale d'Odin c'est celui de régner, c'est le roi.

Soit on nous dit c'est le premier roi. Soit on nous dit c'est le père de toutes choses.[13] Comme c'est pas génétiquement ou biologiquement le papa de tout le monde, l'idée c'est que c'est lui qui gouverne et effectivement il a bien des attributs de la royauté : c'est lui qui a un trône, c'est lui qui semble déterminer la stratégie pour son groupe, le groupe des dieux.

Le problème des sources : Snorri Sturluson

NICOLAS MEYLAN

Quelque chose d'au fond assez frustrant pour beaucoup de savants qui travaillent sur la scandinavie médiévale c'est que les “meilleures sources” entre guillemets les sources les plus développées sur ce personnage tendent très majoritairement à être de la période chrétienne, à tel point que au fond si on était privé de ces sources chrétiennes on aurait plus grand-chose à dire sur lui. Des bribes de poésie skaldiques qui par ailleurs nous sont transmises exclusivement ou quasi exclusivement par des manuscrits de l'époque chrétienne, on aurait plus grand-chose.

Un autre problème c'est qu'il y a très peu de traces dans la toponymie ou dans l'onomastique --

LAYS

Arrêtons-nous peut-être juste sur ces termes. Toponymie c’est-à-dire les noms des lieux, et onomastique c’est à dire les noms en général, typiquement des noms d’individus ou de tribus. Quand on trouve des noms dérivés du noms de certains dieux ce qu’on appelle des théophores[14] ça nous fournit une trace du culte de ces dieux : par exemple, on pense que le dieu Freyr s’appelait à l’origine Ingvy/Ingwaz[15] et Pline l’Ancien (c. 80) nous parle dans son Histoire Naturelle (4.28) d’une tribu germanique nommé les Inguaeones[16] et on a bien l’impression que ces deux noms sont liés et donc que ça attesterait de l’ancienneté du dieu Ingwaz. Pas très fiable comme indice.

Mais pour Odin, on ne trouve rien dans l’Antiquité. Il y a des lieux nommés d’après Odin, bien sûr, par exemple Odensee au Danemark, qui signifie sanctuaire d’Odin, et en Angleterre pas mal de lieux nommés d’après Woden, mais ils ne nous permettent pas de remonter avant le VIIIe siècle.

NICOLAS MEYLAN

-- donc il y a toujours aujourd'hui la suspicion qu'Odin est un dieu tard-venu, qui ne serait pas indigène à la scandinavie. Certains ont pensé que Odin représenterait un dieu chamane.[17]

Ca pose la question de comment lire et comment comprendre les sources sur Odin. Comment ça se fait qu'au XIIIe siècle, y'a autant d'intérêt sur Odin ? Pourquoi des clercs, des moines, ont choisi de parler de lui ? C'est une question relativement débattue, mais un écrivain comme Snorri Sturluson permet de développer un certain nombre de pistes.

Snorri développe sur Odin une réflexion en lien avec la figure de la royauté.

Odin, une façon de l'interpréter c'est de se dire "Odin c'est le roi"

Sturluson et là on pourrait se poser longuement la question de sa vie. Mais il faut savoir que c'est quelqu'un qui a été longuement fasciné et menacé par le roi Haakon le vieux de Norvège. Il a senti et certainement à juste titre, que les visées impérialistes et expansionnistes de Haakon, menaçaient sa position privilégiée en Islande. Il faut savoir que jusqu'en 1262, l'Islande est -- est-ce qu'il faut dire une République ? Non, probablement pas, mais on va dire, une oligarchie, une aristocratie traditionnelle qui tire un peu les ficelles. Lui-même est un grand aristocrate islandais et évidemment une annexion aurait posé problème et en même temps Snorri c'est quelqu'un qui est allé en Norvège, dans l'espoir d'acquérir du prestige, des biens matériels, auprès du roi. Et Snorri va être déçu par le roi Haakon pour différentes raisons, que d'ailleurs mon collègue Kevin Wanner a extraordinairement bien mis en lumière dans un livre de 2008 qui s'appelle Snorri Sturluson[18], il va être déçu et de plus en plus en plus va se sentir menacé et à mon sens et d'autres chercheurs cet avis, Wanner notamment mais aussi Bruce Lincoln, Snorri va intégrer dans sa production littéraire toute une série de sous-texte où il se pose la question de la royauté, de ce que c'est que la royauté et notamment dans le prologue de son Edda, de l'Edda en prose, vous avez le récit en fait de l'arrivée de la royauté en scandinavie et les gens qui amènent cette royauté, ce sont ceux qu'on appelle les Ases, les dieux de la mythologie sauf que de nouveau ils sont evhémérisés, ce sont des êtres humains qui viennent depuis Troie et qui prennent le pouvoir d'une façon qui pose quelque peu problème. On peut lire ça de différentes façons, mais je pense qu'il y a un sous-texte qui suggère l'idée que finalement c'est quoi cette royauté scandinave faite d'étrangers.

Et ça devient très tentant avec ce genre de texte, de se dire mais finalement la présentation que font nos sources du XIIIe siècle d'Odin peut répondre à des exigences qui n'ont rien à voir avec l'histoire de la religion scandinave mais en fait ont tout à voir avec l'histoire contemporaine, politique, des rapports entre Norvège et Islande. Du coup, évidemment en ce qui me concerne, ça rend diffcile finalement, de dire -- je pense ça doit nous pousse à poser des questions un petit peu différents que celles que la recherche a posé par le passé. C'est-à-dire je pense pas que les meilleures questions à poser à ces sources du XIIIe siècle mythologiques, etc. soient du type "que peut-on dire sur la religion pré-chrétienne ?", je pense qu'il s'agit de formuler des questions du type "comment quand on est subalterne quels types de discours sont possibles pour faire passer son message ?". Des questions davantage d'histoire politique ou d'histoire des religions dans un sens un peu critique comme -- la pratique des gens comme Bruce Lincoln, comme J. Z. Smith, etc. etc.

Le rôle du christianisme dans notre perception d’Odin ?

LAYS

Mais si la plupart de nos sources sur Odin ont été rédigées ou en tout cas consignées par écrit à une époque où ces auteurs germaniques sont clairement convertis au christianisme, une questions évidente c’est :  comment est-ce que ce filtre chrétien influence notre vision d’Odin ?

NICOLAS MEYLAN

Odin est-il un dieu chrétien ? C'est une question qui est provocante, mais qui n'est pas nécessairemnt inintéressante.

Peut-être la meilleure façon de se poser cette question c'est regarder le débat autour de ce poème épique que j'ai évoqué avant, la Hávamál. Pour beaucoup de savants, la Hávamál c'est un très vieux texte, qui remonterait autour de l'an mille, et l'an mille c'est la conversion en tout cas nominale de l'Islande au christianisme.[19]

Donc ce serait un texte qui reflèterait des croyances des pratiques païennes. Un autre courant, notamment associé à la figure d'un grand spécialiste de la religion scandinave, Klaus von See, lui pense qu'on a affaire à un texte du XIIIe siècle, il y a notamment cet épisode du sacrifice d'Odin.[20]

Il est suspendu à un arbre qui fait un lien entre les enfers la terre le ciel, Odin est privé de boisson et il est frappé dans le flanc par une lance. Evidemment si on a lu son évangile ou ses évangiles y'a un certain nombre de thèmes qui sont semblables.[21] Toujours la question de la comparaison, jusqu'où va la ressemblance, ou commence la différence. Du coup on est embêté, est-ce qu'on a là des motifs empruntés au christianisme ou est-ce qu'on a une tradition, une espèce d'invention convergente -- d'une thématique.

Et c'est sûr ceux qui vous diront que finalement Odin est un dieu importé par exemple du chamanisme -- du chamanisme saami, c'est-à-dire les populations circumpolaires, aujourd'hui ils sont encore là -- dans le nord de la Norvège par exemple, les finnois etc. Ainsi si Odin est un dieu inspiré par cette culture, du coup, oui, les chamanes on sait si vous avez lu Eliade vous savez qu'ils se font un peu du mal, pour accéder à des visions.[22]

Personnellement moi ça ne me convainc pas beaucoup, mais c'est une façon de lire.

Ensuite, pour Klaus von See -- et il amène plusieurs éléments pour dire, c'est un emprunt chrétien, pourquoi ? Parce que en fait au début du XIIIe s. ce qu'on observe en Islande, c'est la constitution la création d'une culture qui puisse rivaliser avec tout ce qu'on est en train d'importer du continent, donc on crée l'équivalent de discours religieux, on crée l'équivalent de discours gnomique, par exemple certains éléments du Hauvamal sont très didactiques et reprendraient de la sagesse de Salomon ou des distique de Caton, etc. et on retrouve aussi des analyses de la poésie vernaculaires selon les canons -- de la poétique méditerranéenne.[23] Du coup, si on accepte la thèse de Klaus Von See que au XIIIe siècle on crée une espèce de Contre-Culture ou une culture qui soit capable de se mesurer à la culture méditerranéenne et que c'est à cette époque qu'on met par écrit les grands traités mythologiques, c'est difficile d'échapper à la conclusion que Odin tel qu'on le connaît est façonné en tout cas en partie, je ne dis pas complètement, je ne pense pas qu'il soit une pure invention du christianisme, une pure invention du XIIIe siècle, mais en tout cas il a des aspects de son temps. Et peut-être la meilleure façon de s'imaginer ça, c'est de se dire il y a eu une évolution. Odin, n'est pas une figure fixe, qui aurait un seul portrait qui serait valide, qui serait valide aussi bien au VIIe qu'au IXe qu'au XIe siècle. Mais bien qu'un dieu, en l'occurrence, un dieu va évoluer en fonction des besoins ou des impératifs culturels.

Saxo Grammaticus : un Othinus interchangeable  ?

LAYS FARRA

Pour un autre portrait d’Odin, on a le témoignage de Saxo Grammaticus dans sa Geste des Danois.[24] 

Saxo Grammaticus

Au départ comme chez Snorri, il y a une part d'évhémérisme. Sauf que pour citer Heusler, paraphrasé par Skovgaard-Petersen, alors que Snorri d’un côté il reproduit systématiquement des croyances germaniques et de l’autre il en fait une version historicisée, dans les deux cas c’est des histoires assez dignifiées. Saxo n’a pas l’air d’avoir d’idée claires sur la mythologie germanique et il ne se retient pas de faire des commentaires sarcastiques.[25]

Comme dans l’Yngligasaga de Snorri, Odin est juste un homme, une sorte de magicien qui se serait fait passer pour un dieu de par ses pouvoirs magiques. La première mention de lui dans la Geste des Danois c’est justement que dans toute l’Europe on lui a faussement attribué la divinité.[26]

Mitothin

Notamment, les rois du nord le vénèrent et  font une statue de lui couverte d'Or, qu’ils amènent Byzance. La femme d'Odin, Frigga, le trompa avec un de ses serviteurs, qui l'aida avec des orfèvres (?) à enlever l'or de la statue afin qu'elle puisse s'en faire des bijoux. Quand Odin l'apprend il tue les artisans et met sa statue magiquement sur un piédestal, de sorte qu'elle parle quand un mortel la touche, puis, honteux, d’avoir été trompé par sa femme il partit en exil. Pendant son absence un jongleur nommé Mit-othin[27] (demi-othin) prend sa place grâce à ses jongleries, et se fait passer pour un dieu, Il On peut interpréter ce nom comme signifiant Demi Odin, autrement dit un ersatz d’Odin. Convainquant les gens d'abandonner leurs sacrifices et prières pour une forme particulière de sacrifice de boisson. Puis Frigga mourut, ce qui restaura la réputation d'Odin, lui permettant de rentrer d'exil et de bannir tous ceux qui prétendaient qu'ils étaient des dieux. Mit-othin fuit pour la Finlande, où il se fit tuer et enterrer dans un tertre funéraire, mais il semble que ses maléfices perduraient dans la mort, car les gens qui s'en approchaient mouraient mystérieusement alors on le déterra, décapita et on planta un pieu dans sa poitrine, résolvant le problème.[28]

Le Viol de Rinda

Autre épisode au livre III de la Gesta Danorum reprend le thème de l’exil : le viol de Rinda.[29] On va parler de viol donc si ça vous dérange vous pouvez sauter à ce minutage.

Dans l’Edda poétique Vali est mentionné comme étant le fils d’Odin et Rinda qui est né pour venger Balder mais on n’a pas plus de détails.[30] Ensuite, est-ce que Saxo Grammaticus conserve un récit là-dessus ou bien est-ce qu’il invente à partir de ce fragment c’est difficile à dire, mais il raconte l’histoire suivante : Une prophétie annonce à Odin qu’il sera vengé de la mort de Balder par le fils qu’il aura avec Rinda, fille du Roi des Ruthéniens. Il tente de la séduire en se déguisant en soldat et accomplissant des prouesses, mais elle le rejette. (III.iv.1) Les deux années suivantes, il réessaye en étranger artisan, échouant à nouveau malgré ses magnifiques créations (III.iv.2-3) puis en stratège militaire, là elle le rejette si violemment qu’il tombe face contre terre. (III.iv.4) Oui quand je dis rejeter, il se fait rejeter physiquement. Dépité d’avoir été rejeté trois fois, Othinus décide de l’ensorceler avec un morceau d’écorce sur lequel sont marqués des sortilèges ce qui déclenche une crise chez elle et la fait entrer dans un état -- c’est pas très clair, mais catatonique peut-être.[31] (ibid.)

Puis Odin prend l’apparence d’une jeune femme médecin pour prétendre la soigner. (III.iv.5) Il dit qu’il a un traitement mais que ça risque d’être éprouvant : il doit lui faire boire une potion tellement amère qu’il va falloir la ligoter sur son lit pour qu’elle supporte ça ce que le Père de Rinda accepte. Une fois qu’elle est ligotée, Othinus la viole et neuf mois après naissait un enfant nommé Boe (Boo, Boum). (III.iv.6-8)

À cause de ses tromperies, de ce viol et parce qu’il s’est déguisé en femme, les dieux désavouent Odin, interdisent son culte et élisent un autre type Odin à sa place pour 10 ans, un certain Oller, et après ça décident de rappeler Odin parce qu’il a été banni suffisamment longtemps. (III.iv.9-13)

Oller semble une evhémérisation de Ullr, un dieu déjà mentionné dans l’Edda Poétique par la Grimnismál (§5, §42) et l’Atlakviða. La Gylfaginning (§31) de Snorri nous dit que c’était un fils  de Sif et beau-fils de Thor, qu’il était doté d’un arc et de skis, avec lesquels il était imbattable, enfin des espèces de skis, le terme skíðfœrr est pas forcément évident.[32] Comme le dit Bruce Lincoln, il y a de grandes chances que Snorri compose cette image à partir de kennings qui associent Ullr avec un arc et des skis.[33] Mais on ne sait en fait pratiquement rien sur ce dieu donc c’est difficile de dire pourquoi Saxo en fait un remplaçant d’Odin.[34]

On pense que c'était un dieu important dans le passé, parce que de nombreux sites en Suède ou en Norvège ont été nommés d'après lui, et que son nom remonte à une racine proto-germanique dénotant la gloire, mais on ne conserve aucune histoire sur lui et on en est réduit à supposer que ça pourrait être lui sur la pierre runique de Böksta, parce qu'on retrouve les skis et l'arc ?

Mais revenons donc à Ollerus, son alter ego dans la Gesta Danorum.

Un aspect intéressant c’est que ces personnages qui se font passer pour des dieux n’ont pas forcément un pouvoir intrinsèque, on dit d’Odin qu’il ensorcelle Rinda à l’aide d’un morceau d’écorce marqués de sortilèges (III.iv.4 ; Holder 79 ; Koch 139) et on dit de Oller, le type qui remplace Odin, qu’il traversait les mers à l’aide d’un os qui est aussi gravé de sortilèges, (III.iv.12, Holder 81-2 ; Koch 142) leur pouvoir repose ici sur ces espèces de gadgets magiques.

Quant au fils de Odin et Rinda, Boe, il rencontre bien Hother, tueur de Balder, sur le champ de bataille, mais il meurt peu de temps après de ses blessures  (III.iv.15, trad. Koch&Cippola 137) ce qui diffère un peu de l’histoire de Vali qui était sensé survivre au Ragnarok.

Synthèse de Saxo

On voit beaucoup de thèmes communs à ces deux récits.

Un côté très patriarcal, ça participe de la tendance un peu misogyne de la Gesta Danorum. un désir de contrôle de la sexualité féminine. Odin est trompé par sa femme, ou bien il est rejeté par Rinda à répétition et il la viole. Saxo en fait un portrait très négatif.[35]

Maintenant on pense que Saxo n'invente pas complètement cet épisode du viol de Rinda, un autre poème skaldique du Xe siècle nous dit, pardonnez ma prononciation, “seið Yggr til Rindar”.

Traduit grossièrement ce serait “Yggr a enchanté Rindr” ce qui témoignerait bien d’une légende où Odin séduit magiquement Rinda[39] alors est-ce qu’à l’origine c’était juste en se métamorphosant, en accomplissant des prouesses ou bien est-ce que c’était déjà un processus de persuasion ou de contrainte plus sordide tel que celui raconté par Saxo ça on ne peut pas le dire.

Ensuite le thème de l’exil et du remplacement d’Odin.

De la même manière, il se peut que Saxo se base sur un ancien récit. Au chapitre 3 de l'Yngligasaga de Snorri on apprend qu'un jour Odin était parti en voyage si longtemps que ses frères, Vili et Vé, durent le remplacer et notamment se partager sa femme, Frigg[40]  (Boyer 138-9) ce qui est le sujet d'une moquerie dans la Lokasenna où Loki dit à Frigg qu’elle serait trop lascive car elle a laissé : "[…] Vé et Vilji / se presser tous deux sur [s]on sein"[41] (Lok. 26, Boyer 429)

C’est d’ailleurs un des problèmes qu’on a avec la Lokasenna. On suppose qu'elle pourrait montrer une influence chrétienne : on voit Loki se moquer des dieux les uns après les autres, chacun en prend pour son grade et on imaginerait bien un chrétien qui se servirait de Loki pour communiquer le message que les dieux nordiques sont ridicules. Mais est-ce qu'un fervent païen aurait vraiment écrit de façon aussi méchante sur les dieux qu'il révérait ? Ca pose la question de l’ancienneté et du contexte d’écriture du poème, et ça laisse penser qu’il est écrit à un moment où ces dieux ne sont plus vraiment respectés. À l'inverse on pourrait dire que les dieux sont tellement respectés qu'ils peuvent supporter un peu de moqueries, mais c’est un peu auto-validant comme raisonnement. Sans vouloir trancher, une manière possible de lire la Lokasenna, c'est qu'on se souvient de certains épisodes mentionnés mais ils ont perdu leur sens, typiquement Vili et Vé qui se partagent Frigg en mariage, on sait plus quelle fonction ça remplissait ni dans quel contexte ça s'inscrivait vraiment, donc on peut se moquer un peu de ces fragments, d'ailleurs certains des épisodes que Loki moque sont définitivement perdus, ce qui témoigne peut-être qu'on ne les comprenait plus complétement.[42]

En tout cas  Saxo Grammaticus est chrétien et s'il s'appuie peut-être sur certains anciens récits, il les a clairement cuisiné à sa sauce, en peignant de façon foncièrement négative des épisodes qui devaient originellement être neutres ou positifs.

Et le thème global de ça je crois que c’est l’imposture, Odin est un imposteur, un magicien qui a été pris pour un dieu. D’ailleurs il peut être remplacé, on élit un autre type Odin ou un jongleur vampire magicien passe par là et prend sa place ça pose de problèmes à personne. Typiquement on dit que ce Mitothin avait instauré des sacrifices de boisson ce qui était effectivement associé à Odin.[43]

Le message qu’on peut comprendre, comme le dit Inge Skovgaard-Petersen dans un article[44] c’est que la religion nordique c’était des récits ridicules sur des personnages qui n’avaient rien de respectables et il faudrait vraiment être bête pour croire à tout ça et faire des sacrifices de boisson. On peut le lire comme une tentative de décrédibiliser ces dieux de montrer qu’ils sont mortels et remplaçables.

Et ces deux épisodes qu’on vous a présenté, ce sont des moments où odin est nommé, il y en a d’autres dans la Gesta Danorum, typiquement, au livre sept, il apprend à Harald la formation d’une armée en coin, le svinfylking[45] mais il y aussi des personnages qui ont des traits “odiniques” qui ont l’air d’être Odin qui influence incognito la destinée des héros de Saxo.[46] Hadding le roi des danois reçoit ainsi l’aide d’un certain Lysir (Lisero) “un vieil homme un a perdu un oeil”.[47] Donc ça doit bien être Odin.

Certains passages peuvent laisser l'impression que cette tentative d'evhémérisation, de présenter les dieux nordiques comme des humains n'est pas très rigoureuse. Par exemple, dans le livre III, Saxo présente une version alternative de l’histoire de Balder, il avoue que c’est un demi-dieu invulnérable, de graine divine et dit même que des hordes d’humains et de dieux s’affrontent, Odin et Thor contre Hoder.[48]

Et il reconnaît bien que certains d'entre eux étaient des géants ou doués de pouvoirs magiques (I.5.4-5) ce dont ils se sont servis pour tromper les gens, se faire passer pour des dieux, mais il y distingue une troisième classe qui n'ont aucun pouvoir particulier mais continuent à se prétendre des dieux. Ainsi il précise lui même qu'il ne les appelle des dieux que parce que c'est comme ça qu'ils sont généralement appelés.

Donc Saxo Grammaticus

Le Wodan Continental et La Wild Hunt ?

LAYS FARRA

Mais Saxo Grammaticus est danois ça reste la Scandinavie. Mais y’a des peuples germaniques ailleurs, donc qu’est-ce qu’on pourrait dire d’un Odin qui serait “continental” par opposition à cet Odin scandinave ?

NICOLAS MEYLAN

Il y a je pense deux questions qui se cachent là. D'une part le rapport avec les généalogies des souverains anglo-saxons qui aiment bien se dire descendants de Odin ou woden.[49] L'autre question c'est probablement celle de la Wild Hunt, la chasse sauvage, j'imagine.

D'une certaine façon c'est aussi la question du caractère indo-européen d'Odin qui se cache là-derrière. C'est évidemment une question qui est idéologiquement très chargée ce qui souvent veut dire aussi émotionnellement chargée. Et la réponse souvent va dépendre au fond de l'origine nationale des gens.

Le Oden Woden Odin sont certainement linguistiquement le même. Ensuite ce qu'il faut préciser c'est que si Odin, Oden, etc. partagent le même prénom, les sources non-scandinaves sont tellement pauvres que au fond on peut pas tellement aller plus loin. Vous avez essentiellement - vous avez pas tellement de mythes. Vous avez la notion que Odin est fort en magie - y'a des charmes je crois qui mettent en scène un Wotan.[50]

Wodan Anglo-Saxon

ANTOINE

Effectivement, on peut se tourner vers l’Angleterre pour trouver quelques traces d’Odin, du moins dans une tradition peut-être plus germanique où il est connu sous le nom de Woden ou Wodan, et sur son rapport à la magie. Il y est arrivé avec les Anglo-Saxons, venus du nord ouest de l’Allemagne et du Jutland à partir du 5ème siècle, mais a assez rapidement disparu du paysage religieux avec l’évangélisation des anglais.

La chronique Anglo-Saxonne, dont la première version a probablement été compilée dans le Wessex vers la fin du 9ème siècle sous le règne d’Alfred le Grand, mentionne son nom à plusieurs reprises, mais toujours dans un contexte généalogique. Il est présenté comme l’ultime ancêtre de plusieurs maisons royales, dont celle du Wessex: dans ce cadre, il apparaît non seulement comme un lointain ancêtre d’Alfred par Cerdic, le fondateur de la dynastie, mais est lui même décrit comme Woden, fils de Frealaf, fils de Finn, fils de Godwulf, fils de Geat… - enfin, vous voyez l’idée - et descendant lointain de Sceaf, qui est ici présenté comme un fils non-biblique de Noé, dans une logique d’evhémérisation très semblable à celle de l’Edda en Prose. L’intégration avec la bible est poussée jusqu’à sa conclusion logique avec l’addition d’une généalogie de Noé jusqu’à Adam: en fait, Woden est là un maillon de la chaîne qui relie en droite ligne le roi Alfred à la création du monde.

Du côté de la poésie, une de ses seules apparitions notables se trouve dans les Maximes contenues dans le livre d’Exeter (Exeter Cathedral Library MS 3501), compilé à la fin du dixième siècle::

Woden worhte weos,         wuldor alwalda,

rume roderas;         þæt is rice god,

sylf soðcyning,         sawla nergend.

Littéralement: “Woden fit des idoles, le Tout-Puissant [fit] la gloire, les cieux spacieux; c’est un dieu puissant, lui-même le vrai roi, guérisseur d’âmes.”

Richard North, comme Philippson avant lui, y voit une transposition presque directe du verset 5 du psaume 95 selon le psautier de Jérôme:

“Omnes enim dii populorum [sunt] scuptilia, Dominus autem caelos fecit” (Car tous les dieux des gentils sont des choses sculptées, alors que le Seigneur créa les cieux”)[51]

Le passage ne serait donc pas forcément très spécifique à un culte de Woden à l’époque de de la rédaction des Maximes, mais témoignerait d’une “localisation” d’un verset que North suppose avoir été couramment utilisé lors de l’évangélisation des Anglais, puisque que Grégoire le Grand présume dans ses lettres qu’ils vénèrent des idoles.

Woden apparaît également dans un poème souvent intitulé le “nine-herbs charm” en anglais, littéralement le charme ou le sort des neufs herbes ou aux neufs herbes, qui est à la fois une recette pour un remède contre les poisons et les infections, et une incantation récitée au cours de la préparation et de l’application de celui-ci. Le texte fait partie d’un groupe de formules similaires en vieil-anglais, désigné aujourd’hui sous le titre de Lacnunga, littéralement, “remèdes”, contenu dans le MS Harley 585 (ff. 160-164)[52], un manuscrit médical qui contient aussi des textes en latin, et qui date à la fin du dixième ou au début du onzième siècle. Le poème commence par présenter les neufs herbes en expliquant leurs usages respectifs, avant de passer aux choses sérieuses:

Wyrm com snican, toslat he man;

ða genam Woden VIIII wuldortanas,

sloh ða þa næddran, þæt heo on VIIII tofleah.

En traduisant: Un ver, un serpent vint en rampant et déchira un homme en deux. Alors Woden prit 9 brindilles de gloire - les neufs herbes, donc -, et frappa la vipère tant et si bien qu’elle explosa en neuf parties.

Le poème ajoute que ces neufs herbes ont été créées par le

        witig drihten,

halig on heofonum, þa he hongode

Soit “le sage seigneur, saint dans les cieux, quand il fut suspendu”. Alors évidemment, le seigneur suspendu, ça fait penser à Woden, mais c’est plus probablement au Christ que le texte fait référence, d’autant qu’il est directement mentionné à la fin du poème. Cela dit il est tout à fait possible que le rapprochement soit voulu et que le lien entre le remède et le fait d’être pendu/accroché évoque à la fois le Christ qui sauve l’humanité de la mort en mourant sur la croix et Woden ou Odin qui acquiert le savoir runique en “mourrant” pendant neuf jours pendu à Yggdrasil et blessé avec une lance- d’autant qu’en vieil anglais, la Sainte Croix est souvent décrite comme un arbre. On a donc peut-être affaire à une tentative de maintenir une pratique païenne en l’assimilant à des notions chrétiennes.

Il apparaît assez clair que ce Woden vient d’un fond anglo-saxon à la base, mais il est également possible que ses apparitions dans les Maximes et le Charme ait été influencées par sa vénération par les envahisseurs et colons vikings qui conquièrent à partir du 9ème siècle un large territoire aux dépens des royaumes anglais: le Danelaw. Il semblerait logique que dans un contexte de lutte contre des envahisseurs païens, leur dieu tutélaire soit ciblé en particulier, ce qui expliquerait le verset des Maximes. Quand au charme, il pourrait toute aussi bien refléter des pratiques scandinaves adoptées par les Anglais. Celà dit, ça reste spéculatif, et bon nombre de traces de Woden ne peuvent être expliquées de cette façon.

Wodan/Mercure

Enfin, ses dernières traces dans la langue anglaise se trouvent surtout du côté de la toponymie: on a pas mal de lieux dont les noms dérivent de Woden ou de Grim, un de ses surnoms. Par exemple, plusieurs endroits s’appelle nt Wansdyke, Grim’s Dyke ou Grim’s Ditch, “fossé” ou “digue” d’Odin ou de Grim. On a des Wodnesfield, Woodnesborough, Woden's Barrow, ou des Grimsbury. On peut aussi remarquer qu’en anglais, Wednesday, Woden’s Day en vieil anglais wōdnesdægh, donc le jour d’Odin remplace le jour de Mercure, mercredi. Ce qui donne Óðinsdagur en Vieux Norrois, et Onsdag dans les langues scandinaves d’aujourd’hui- en Allemand, par contre, ça a été “neutralisé” en Mittwoch, le milieu de la semaine, tout comme en Islandais ou c’est devenu miðvikudagur. Pour les autres jours, de la même manière, Mardi le jour de Mars devient en anglais le jour de Tyr, Tuesday, Vendredi, le jour de Venus devient le jour de Frigg, Friday, on voit une connexion avec les domaines des dieux romains qu’ils remplacent donc l’affinité entre Odin et Mercure va peut-être plus loin. Elle remonterait peut-être même à l’époque romaine où Tacite dans sa Germania dit que les germains vénèrent Mercure, Mars et un Hercule, qui seraient donc respectivement Odin, Tyr et Thor.[53]

Odin et Mercure sont en effet des dieux voyageurs, presque des dieux vagabonds, des dieux rusés, des dieux -- après ça dépend de l’interprétation d’Odin, mais des dieux spirituels, ésotériques,  peut-être.[54] 

Un autre exemple, dans la Vie de Saint Colomban[55], Saint Colomban interrompt un sacrifice de boisson à Bregentz[56], qui était dédié à “Votan”, woda, vodan, votan, ça varie suivant les manuscrits, mais c’est Odin. Et dans certains manuscrits il y a une glose, “qu’ils croient être mercure” ajoutée par un copiste.[57] Donc cette analogie entre les deux dieux persiste.

César, dans sa Guerre des Gaules disait par contre que les Germains n’avaient pas de dieux ce qui laisse penser qu’il n’avait pas de bonnes infos sur eux. Ironiquement, une des phrases de Tacite sur la vénération de Mercure chez les germains semble copiée sur César, sauf que celui-ci parlait des Gaulois. [58]

Pour Richard North, dans une théorie assez controversée, c’est Odin tout entier qui serait inspiré de Mercure. Il se serait exporté chez les gaulois, puis chez les germains et serait devenu Odin. Mais bon ça paraît un peu fantaisiste. On pourrait aussi bien dire que Thor est inspiré d’Hercule et que Tyr est inspiré de Mars, forcément ils ont des domaines d’activité similaires mais ça n’implique pas que Odin soit juste une émanation de Mercure.

Un Wodan Lombard ?

LAYS

Odin, ou plûtot Wodan ou Gwodan, comme ils l’appellent a un certain rôle dans le mythe fondateur des Lombards, d’autres germains émigrés qui sont partis de Scandinavie, du nord de l'Allemagne et finiront par s’établir vers l'Italie. La plus ancienne version se trouverait dans la chronique franque du Pseudo-Frédégaire (4.65) autour de l’an 699[59] mais sera reprise peut-être de façon plus complète dans l'Origo Gentis Langobardorum (VIIe s.) et après ça dans l’Histoire des Lombards [Remacle] de Paul Diacre (c. 784-9). Là Godan a surtout un rôle de patronage, c’est-à-dire qu’il favorise la victoire. Les Winili, qui deviendront les Lombards affrontent les Vandales qui exigeaient un tribut. Les vandales demandent l'aide de Godan pour avoir la victoire, et les Winili, qui sont conduits par une femme, Gambara, demandent l'aide de Frea, sa femme, qui conseille à leurs femmes de rabattre leurs cheveux sur leur visage pour se donner l'air d'avoir une barbe et de combattre avec les hommes. Quand elles arrivent sur le champ de bataille, le lendemain, Godan s'étonne "tiens c'est qui toutes ces longues-barbes" et à partir de là les Winili seront appelés Langobardi, longues-barbes, ce qui donnera Lombards. (Livre I)

Dans la version du pseudo Frédégaire qui est écrite avant ça en Bourgogne, y’a toujours les femmes et les barbes mais ils affrontaient les Huns au lieu des Vandales et Frea est absente.

Un sortilège allemand ?

Donc l’idée que Wodan donne la victoire. Et pour le reste de l'"allemagne continentale"… Euh… Il y a un charme, une sorte de sortilège, qui implique un Wodan, la seconde incantation de Merseburg, qui parle de Wodan qui soigne le cheval de Balder. Tout comme la première incantation de Merseburg, elle a été rédigé en vieil haut allemand au IXe ou Xe siècle et ce seraient les seules incantations qu'on aurait du paganisme allemande continental dans leur langue originale, et…On peut vraiment pas dire grand chose de plus. Ca préserve peut-être un épisode du cheval de Balder blessé, c’est un charme qui implique Wodan, comme on en a en contexte anglo-saxon mais euh, c'est tout.

Et il y a bien le témoignage de Adam de Brême au XIe siècle, mais il parle en fait brièvement du temple d'Uppsala en Suède donc il nous parle pas vraiment du Odin allemand.

Enfin je crois que vous vous voyez l'idée.

Synthèse odin “continental”

Pour synthétiser ces traces de ce Wotan Wodan Woden Voden Godan hors de scandinavie, les germains “continentaux” connaissent le dieu Odin, ils connaissent en tout cas son nom, il garde certains attributs, mais on n’a pas assez pour en faire un portrait séparé.

Un Wodan folklorique allemand ?

Ce qui embête Jakob Grimm. Dans sa Deutsche Mythologie il essaie de réunir des survivances germaniques dans le folklore médiéval et moderne. Et aux quelques mentions de Wodan chez des auteurs médiévaux, il ajoute certaines occurrences folkloriques.[60]

Par exemple dans notre conférence sur le Père Noël on a parlé des paysans du Mecklenburg qui offraient la dernière gerbe de la récolte au cheval de Wode, qui donc serait Wodan. C’était raconté par Nicolaus Gryse qui mentionnait juste après ça, que les gens ont peur de Wode ce chasseur infernal, qui arpente les forêts en hiver avec ses chiens. Ce qui nous amène à la Chasse Sauvage, Chasse fantastique Chasse aérienne, y’a plein de noms pour ce phénomène, Wilde Jagd, en allemand, Wild Hunt en anglais et Mesnie Hellequin en français[61] c’est l’apparition fantomatique dans les cieux de hordes de guerriers ou de chasseurs qu’on trouve dans certains récits et ils peuvent être conduits par le Roi Arthur, par Satan, par des personnages locaux (III.920s, 930-938) mais Grimm considère que le leader véritable de cette horde est en fait Odin (III.919, 924-9, 946s) avec son cheval, sa barbe, ses Valkyries et l'armée des morts qu'il a ramassée sur les champs de Bataille.

Et certains ont pensé notamment Otto Höffler que c’était pas juste une représentation de l’Orage ou quoi, mais que c’était connecté aux rites des Männerbunden, des bandes de jeunes hommes guerriers qu’on supposait très importante chez les peuples indo-européens, notamment étudiés par Joachim Wach ou Lily Weiser, enfin ça suscite encore aujourd’hui certains un certain débat, et qui auraient eu des rites initiatiques des trucs comme ça et Odin avec ses hordes de soldats ou de morts serait un écho des pratiques des Männerbunde.

 

NICOLAS MEYLAN

Ce lien ou cette comparaison est à mon sens davantage une construction du nationalisme allemand, pour commencer avec les frères Grimm qu'une -- est-ce qu'on ose dire une réalité de l'histoire des religions.

C'est d'autant plus vrai pour la question de la Wild Hunt parce que finalement on a Jacob Grimm qui donc est vraiment un des premiers nationalistes allemands qui veut recréer une identité nationale allemande notamment à travers la langue mais aussi et c'est très clairement le cas dans sa Deutsche Mythologie, à travers la religion pré-chrétienne.

D'ailleurs la Deutsche Mythologie a ceci d'intéressant que l'opposition fondamentale sur laquelle elle joue c'est entre judéo-christianisme et religion locale.

Dans mon souvenir il utilise pas aryenne, mais on en est pas extraordinairement loin. Ce qu'on observe c'est que Grimm va tricher, c'est un nationaliste allemand pas pangermanique, ça l'intéresse moins, et dans sa "Deutsche" Mythologie -- pas "Germanische" Mythologie alors que plus tard on va évoluer vers Germanische plutôt que Deutsche. Il va tricher systématiquement parce qu'au fond il a pas de matériaux allemands, alors qu'il dit explicitement je vais me concentrer sur le matériau allemand, en fait ce qu'on le voit c'est sans arrêt aller chercher des éléments scandinaves.

Et parmi les éléments forts de la reconstruction d'une religion pré-chrétienne allemande il y a cette wild Jag wildes jahg -- je sais plus et nous dit-on elle serait pangermanique.

Dans les sources que je connais, essentiellement en vieil islandais je vois pas grand-chose qui ressemble à ça. Y'a un petit épisode dans la saga de Niall le Brûlé, on a un personnage monté, qui traverse le ciel avec une épée enflammée en et qui la lance derrière une montagne et puis y'a une espèce de conflagration et effectivement un personnage qui voit ça dit "ouh attention ça annonce de grands évènements".[62]

Au delà de ça je vois pas grand-chose et je dois dire que le lien qu'établit Grimm pour nous dire que le personnage central de cette chasse sauvage serait Odin paraît pas extrêmement convainquant.

Il y a certainement eu ce personnage en dehors des textes en langues scandinaves, mais un peu comme le Odin pré-chrétien scandinaves, il y a extrêmement peu de sources qui nous en parle.

--

C'est un sujet très intéressant mais qui devrait également être questionné à travers la notion de nationalisme et comment on reconstruit une religion dans des buts politiques ultérieurs.

Autre chose que j'aimerais dire dans ce contexte. Un des savants associés à ces problématiques. Et à des problématiques similaires comme celle des bandes de jeunes guerriers, c'est Otto Höffler. Et Otto Höffler qui a été largement cité et pas seulement dans le contexte des études germaniques ou scandinaves, et ce qu'il faut réaliser c'est que Otto Höffler était un haut-gradé -- je crois l'équivalent de colonel -- dans ce qui s'appelait l'Ahnenerbe c'est-à-dire la section de la SS qui était chargée essentiellement de la propagande. --

Où il travaillait sur les antiquités allemandes. --

LAYS

Aujourd’hui la plupart de ces connexions sont effectivement mises en doute

Par exemple par Claude Lecouteux qui remarque justement que ce Odin folklorique lié à la Chasse Sauvage a l’air absent du matériaux islandais et que sa connexion avec l’agriculture, qui a aussi été faite par Jan de Vries par exemple[63] a l’air très tardive, c’est plus des rites qui se seraient greffé à cette figure d’Odin quand elle était en train de disparaître.[64]

Pour les Männerbunde on va juste dire que c’est un sujet très orienté et qu’on aura l’occasion d’en reparler.

Odin Néo-païen ?

LAYS

Au sein du nationalisme allemand montant, Richard Wagner avait élaboré des opéras fondés sur des tableaux issus de la mythologie germanique que ce soit l’histoire de Siegfried, l’anneau des Nibelungen ou bien sûr le Crépuscule des Dieux qui deviennent vite des symboles nationaux. Vous mélangez ce facteur identitaire aux théories qu’on vient d’évoquer et vous vous retrouvez avec un Odin légèrement différent, un Odin néo-païen.

NICOLAS MEYLAN

Je viens de dire, Odin a probablement évolué dans le temps, eh bien Odin continue d'évoluer. Aujourd'hui encore ou peut-être aujourd'hui de nouveau il trouve des fidèles. Le néo-paganisme au moins depuis plus d'un siècle et on pourrait remonter jusqu'à Jacob Grimm mais bref dès les années 20 dès les années 10 même vous commencez à avoir des mouvements généralement associés au courants nationalistes et aux courants völkisch de religiosité germanique, donc on récupérait Odin.

Alors, ce qui est intéressant c'est que les néo-païens -- et j'insisterais tout de suite pour dire oui il y a des courants racistes mais ce n'est pas tout, il y a même des mouvements qui vénèrent Thor et Odin et qui explicitement ne sont pas racistes -- si je ne me trompe pas des mouvements comme the troth (?) aux Etats-Unis, les gens d'Asastrú en Islande m'ont jamais donné l'impression d'être racistes.

Tous ces différents courants, ce qui est assez intéressant c'est se rendre compte que peu d'entre eux sont réellement intéressés par les sources --les sources médiévales notamment et au fond ils vont se reconstruire un Odin, -- alors l'Odin qu'ils veulent et surtout aujourd'hui mais en gros à partir années 30 c'est un Odin qui a tendance à être perçu à travers la -- la loupe de Carl Gustav Jung,[65] les archétypes etc. et certains des odins qu'on peut trouver dans les livres pour néopaïens c'est vraiment un Odin New Age, c'est le dieu spirituel, c'est presque le dieu du développement personnel, alors est-ce qu'il y a un lien avec l'inspiration poétique, c'est possible.

Autre chose, il y a des mouvements néo-païens racistes, évidemment y’a le mouvement de la foi allemande je crois il s'appelle organisé par un historien des religions dans les années 20 qui s'appelait Jakob Wilhelm Hauer qui a eu d'ailleurs relativement peu de succès sous l'allemagne nazie visiblement, si je comprends bien Hitler trouvait ça ridicule.[66] C'est peut-être dire jusqu'où ils allaient.

LAYS

Le courant Völkisch, c'est un vaste sujet mais c'est un ensemble de courants qui participent d'une vague nationaliste, et réactionnaire dans le monde germanique, dans le sens où on voudrait revenir à un ancien ordre plus harmonieux, et on souligne le lien entre le peuple le Volk et la Terre qu'il habite

Ça se traduit par une nostalgie pour un mode de vie paysan, qui s'opposerait à l'industrialisation, et une volonté d'être plus proche de la nature, et un renforcement des hiérarchies sociales traditionnelles.

Et ça s'est donc parfois articulé autour d'un retour au paganisme, qui serait la religion adaptée au peuple allemand, contrairement au christianisme, avec sa dimension universaliste. Et avec ça pas mal d'antisémitisme.

C'est un sujet pour un autre jour, mais à mesure que race aryenne et germanique devenaient synonymes, ce néopaganisme a joué un certain rôle dans plusieurs des ligues antisémites et nationalistes qui se forment au tournant du siècle.

Notamment dans ceux qu'on a appelé les ariosophes, surtout Guido "von" List (1848-1919)

Influencé par la théosophie, List a pas mal contribué à une interprétation ésotérique des runes et à voir la svastika comme symbole de la race aryene. Il préconisait le wotanisme, la vénération de Wotan, comme une version accessible à tous de l'armanisme, le culte ésotérique qu'il réservait à un petit groupe d'initié dans la Listgesellschaft.

Ca influencera notamment l'Ordo Novi Templi l'ordre des nouveaux templiers de Jörg Lanz "von" Liebensfeld (1874-1954) une espèce de club maçonnique-wagnérien où ils jouaient à être des templiers défenseurs de la race blanche, et d'autres organisations du même genre, notamment le germanenorden.

Et étant donné les cercles antisémites et nationalistes où ils évoluent et dont vont aussi sortir les nazis, on retrouvera des traits de leurs idéologies sous le troisième reich notamment à travers l'influence de Karl Willigut sur la symbolique des SS.

Mais comme on l'a dit c'est un sujet pour un autre jour.

Et c’est une dimension qu’on retrouve bien sûr dans des mouvements néo-nazis actuels. Prenez ce tableau de Franz von Stuck de 1889, Die Wilde Jagd, qui représente donc Wotan à la tête de la chasse sauvage, et où il se vante d’ailleurs que c’est sa première peinture à l’huile.

C’est devenu une sorte d'objet de culte néonazi à cause de la ressemblance entre ce Wotan et un certain personnage. D'autant plus que le tableau a été peint l'année de naissance d'Hitler, ce qui lui rajoute une dimension mystique.

Mais cette connexion entre Hitler et Odin a aussi été faite par des gens qui n'étaient à priori pas nazis.

Par exemple Carl Gustav Jung, justement. Dans son essai de 1936 intitulé “Wotan”.[67] Pour lui Odin, plus qu’un dieu, est un archétype, une “personnification de forces psychiques”, et après avoir été réprimée par la chrétienté, elle serait en train de ressurgir dans la conscience collective allemande. Cette effervescence se serait manifesté à travers les écrits de Nietzsche, ou certains mouvements néo-païens, mais le déclencheur et le symptôme le plus évident aurait été Adolf Hitler que Jung décrit comme étant possédé par Wotan :

Nous pouvons peut-être résumer ce phénomène comme une Ergriffenheit — un état d'être saisi ou possédé. Le terme postule non seulement un Ergriffener (celui qui est saisi, possédé) mais, aussi, un Ergreifer (celui qui saisit ou possède). Wotan est Ergreifer des hommes, et, à moins qu'on souhaite déifier Hitler - ce qui s'est de fait produit - [Wotan] est la seule explication.[68]

Et il y a un passage de Mythes et Dieux des Germains, très connu de Dumézil en 1939 où il affirme parmi d’autres parallèles entre mythologie et actualité que “Adolf Hitler a pu concevoir, forger, pratiquer une Souveraineté telle qu’aucun chef germain n’en a connue depuis le règne fabuleux d'Odhinn"[69] Il admet certes le rôle de la “propagande néo-païenne”, mais la considère un peu “artificielle” et moins intéressante que :

“le mouvement spontané par lequel les chefs et la masse allemande […] ont coulé naturellement leur action et leurs réactions dans des moules sociaux et mystiques dont ils ne savaient pas toujours la conformité avec les plus anciennes organisations, les plus anciennes mythologies des germains.” (Dumézil 1939:156-7)

Cette analogie entre la souveraineté d'Odin et le pouvoir d'Hitler n'implique pas forcément la sympathie pour les nazis qu'on a pu y lire, mais bon vous admettrez que c'est un passage pour le moins ambigu et Dumézil a l'air d'accord, puisqu'il l'a bien sûr enlevé de l’édition d’après-guerre.[70]

Mais Dumézil cédait peut-être juste à la facilité d’interpréter l’actualité suivant d’anciennes mythologies, comme si les mythes persistaient pour toujours et nous donnaient une grille de lecture toujours valable, comme s’il suffisait de lire l’Edda poétique pour comprendre le IIIe Reich, ce que dénonçait déjà Joseph Roth dans son article “Le Mythe de l’Âme Germanique”.[71]

On pourrait dire la même chose de Jung, mais là ça engloberait probablement l’ensemble de son oeuvre.

NICOLAS MEYLAN

Quoi qu'il en soit ce sont des gens qui utilisaient Odin ou qui utilisent encore Odin comme je sais pas une espèce de drapeau de ralliement pour une pseudo race blanche,

LAYS

Mais même c’est pas parce qu’on est nazi, qu’on est d’accord. Comparaison Odin/Jésus[72]

Dans son livre , le Mythe du Vingtième Siècle  (1930) [trad. française], Alfred Rosenberg, un des idéologues en chefs du régime nazi exalte Odin comme étant représentatif de l’âme germanique qui s’était incarnée à travers les grandes figures allemandes comme Goethe Frédéric II et Bismarck.[73]

Et on l’a dit des personnages comme Otto Höffler, qui élabore les travaux de Much, connecte Odin, aux Mänerbunde donc des bandes d’hommes guerriers indo-européens connectés à la chasse sauvage etc.

Mais Hans F. K. Günther, qui était un raciologue très influent sous la République de Weimar et le troisième Reich considère que Odin n’est pas germanique, n’est pas indo-européen, n’est pas Aryen.

Dans la vision qu’il se fait d’une religion germanique ordonnée et hiérarchisée il n’y a pas de place pour Odin, ce magicien plein de secrets, violent et imprévisible, qui se mutile de façon extatique pour accéder au savoir. Et il l’expliquait par une influence asiatique.[74]

Donc on voit que la figure d'Odin est complexe et que son interprétation, va beaucoup dépendre de la vision du monde de celui qui l'interprète, et c'est donc loin de faire un consensus, même parmi les nazis, on est pas d'accord sur si Odin est bien germanique ou pas.

Mais malgré ce désaccord, qui reste marginal, Odin, comme le reste de la mythologie germanique et le néopaganisme en général, a encore aujourd'hui une place privilégiée dans certains discours racistes.

P. S. Huginn et Munnin

Oh, et post-scriptum.

Alors que je montais la vidéo de cet épisode, j'ai réalisé qu'on ne parlait jamais de certains attributs d'Odin : ses corbeaux Huginn et Munnin (qui signifient respectivement "pensée" et la mémoire ou l'esprit), ainsi que ses loups apprivoisés Geri et Freki. Je suis à peu près certain que 50 types auront laissé un commentaire qui le fait remarquer avant d'avoir regardé toute la vidéo, mais parlons-en ici.

Je pense qu'on s'y attache beaucoup parce que ça fait partie de la représentation physique du dieu, de son iconographie, qui est effectivement importante si on essaie de trouver des traces archéologiques avant nos textes ce qui est aussi un débat compliqué.

Ces oiseaux sont attestés dans la Grímnismál (§20) de l'Edda poétique, où Odin dit qu'il craint qu'ils ne reviennent pas de leurs voyages journaliers[75] ; et ce passage est cité dans la Gylfaginning (chap. 38), où Snorri rajoute que ces deux oiseaux parcourent le monde pour rapporter des informations à Odin.[76]

L'interprétation la plus évidente c'est qu'ils représentent une facette du désir de savoir insatiable d'Odin et de l'étendue de sa connaissance mais comme ce sont des animaux, bien sûr, il y a de nombreuses théories qui en font des traces de pratique chamaniques, .

Mais Rudolf Simek par exemple pense que -- je cite -- :

"[Les] tentatives d'interpréter les corbeaux d'Odin comme une personnification de ses pouvoirs intellectuels [dérivent ultimement] des noms Huginn et Muninn dont il est improbable qu'ils aient été inventés avant le IXe ou le Xe siècle."[77]

Autrement dit Odin aurait été associé aux corbeaux depuis bien longtemps mais l'idée que les corbeaux symbolisent des fonctions de l'esprit pourrait être une couche de spéculation philosophique plus tardive.

La question de ce qui est essentiel ou accidentel au culte d'une divinité est un peu vaine et on pourrait faire le même genre de discussion sur les loups apprivoisés d'Odin, sa lance Mais ça pose tout de même la question : est-ce que cette information ajoute réellement quelque chose à notre exposé ? Est-ce que l'enlever rend vraiment le portrait d'Odin moins complet ?

Et de toute évidence, des tonnes de portraits différents sont possibles, en soulignant ou minimisant certains, et ce dont on parle est aussi important que ce dont on ne parle pas.

Mais on espère que ce dont on a parlé vous aura intéressé en tout cas.

Conclusion

Voilà on a fait un tour des différentes manifestations historiques d'Odin et un petit peu de ses réinterprétations récentes. C'est loin d'être exhaustif, et je pense qu'on aura l'occasion de reparler de certains sujets notamment le caractère indo-européen d'Odin.

Qu'est-ce qu'on peut conclure ? Je pense surtout qu'on peut se rappeler que quand on parle d'une divinité, même si on peut toujours trouver une certaine continuité, on ne doit pas oublier que sous un même nom ça désigne des réalités différentes : qu'une même figure peut remplir différentes fonctions dans différents contextes.

Et on aurait par conséquent tort de figer la mythologie et la religion germanique en essayant d'en faire un portrait idéal, qui oublierait la variété et la complexité de nos sources.

Encore merci à Nicolas Meylan pour nous avoir consacré cette entrevue, pour aller plus loin, je vous renvoie au texte de cet épisode qui est annoté de notes de multiples renvois et de liens vers les textes et leurs traductions quand ils sont disponibles en ligne, ainsi qu'une petite bibliographie, enfin petite, ça prendrait quand même un moment de la lister ici. Rappelez-vous que vous pouvez vous abonner à la chaîne, nous laisser un commentaire si vous avez une question ou quelque chose à rajouter — on apprécie toujours vos commentaires — et peut-être nous dire le genre de vidéos que vous souhaiteriez voir. Si des gens ont envie de voir d'autres vidéos du même genre que celle-ci sur la mythologie germanique, on verra ce qu'on peut faire.

Oeuvres citées

Sources

Dictionnaires

Liens vers les pages wikipédia des textes de l’Edda poétique

Les poèmes mythologiques

Les poèmes épiques

Vidéos

Annexe 1 : extrait de la vie de Saint Colomban

"La communauté des moines étant devenue fort nombreuse, Colomban se mit à songer qu'il lui fallait chercher dans le même désert un emplacement meilleur pour y construire un monastère. A quelque huit milles de là, il trouva un ancien poste militaire qui avait été très solidement fortifié. Il s'appelait autrefois Luxeuil. Il y avait là des eaux chaudes, entourées de beaux bâtiments. Il y avait aussi, dans la forêt voisine, quantité de statues de pierre (imaginum lapidearum) que les païens de l'ancien temps honoraient d'un culte misérable et de rites profanes, leur offrant des sacrifices au cours de cérémonies abominables. Le lieu n'était plus fréquenté que par les animaux et les bêtes sauvages, une multitude d'ours, de buffles et de loups."

Vie de S. Colomban et de ses disciples, trad. Adalbert de Vogüé, coll. vie monastique n°19, Abbaye de Bellefontaine, 1988:119. p. 169 ed. Krusch [archive.org]

“(§53) Ils arrivent ensuite au but du voyage. [Bregenz] Quand il eut parcouru les lieux, l'homme de dieu dit qu'il ne les trouvait pas à sa convenance ; néanmoins, il promit d'y rester un peu pour répandre la foi dans la population. Aux alentours en effet se trouvent les peuplades des Suèves. Tandis qu'il demeurait là, et circulait parmi les habitants du pays, il en trouva qui voulaient offrir un sacrifice impie. Ils avaient placé en évidene un grand récipient, appelé vulgairement "cuve", contenant vingt boisseaux [] plus ou moins et l'avaient rempli de bière. L'homme de Dieu s'approche et demande ce qu'ils voulaient en faire. Ils répondent qu'ils veulent sacrifier à leur dieu, appelé Votan. En entendant ces mots, le saint souffle sur le récipient. O merveille, le récipient éclate avec fracas et se brise en morceaux, la force enragée s'en échappe avec le breuvage de bière.” trad. Vogüé chap. 27 p. 158-9.

En latin : "Ad destinatum deinde perveniunt locum. Quem peragrans vir Dei non suis placere animis aiet, sed  [10] tamen ob fidem in gentibus serendam inibi paulisper moraturum se spondit. Sunt etenim inibi vicinae nationes Suaevorum. Quo cum moraretur et inter habitatores loci illius progrederetur, repperit eos sacrificium profanum litare velle, vasque magnum, quem [15] vulgo cupam vocant, qui XX modia amplius minusve capiebat, cervisa plenum in medio positum. Ad quem vir Dei accessit sciscitaturque, quid de illo fieri vellint. Illi aiunt se Deo suo Vodano nomine, quem Mercurium, ut alii aiunt, autumant, velle litare.[20] Ille pestiferum opus audiens, vas insufflat, miroque modo k vas cum 1 fragore dissolvitur et per frustra dividitur, visque rapida cum ligore cervisae prorumpit […]" p. 213ss ed. Krusch [archive.org]

L’édition Vogüé lie ça au miracle d’époisse (I.19 (§32) p. 137) où Colomban avait fait éclater la vaisselle du repas donné par le roi adultère Theodoricus et renvoie aussi à Grégoire le Grand, Dial. II.3.4 ; Grégoire de Tours, Vita Patrum 5.2 ; Jonas Vita Vedastis 7.


[1] Völuspá v. 26.

[2] Hauvamal 138ss. Cf. le commentaire orienté de nordic-life.

[3] Ynglinga saga xxx

[4] 

[5] D’après Boyer 537 : “Il pourrait s’agir des filles d’Aegir, les vagues, couronnées d’écharpes d’écume, qui pleurent Baldr”.

[6] Lokasenna ?

[7] Havamal 135s. trad. en Larrington 14-38. Trad. fr. Papin [1] | xx | nordic-life [2]

[8] Version islandaise moderne ou trad. en Samuel Laing 1844. [Wikisource]

[9] En islandais moderne ou trad. en Samuel Laing (ed. 1907 sauf Yngligasaga) sur Wikisource.

[10] Trad. en Anderson [Wikisource]

[11] Peut-être à lier avec ce qu'en dit Adam de Brême dans sa Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum (1075-1080) à savoir "Wotan - c'est-à-dire la fureur" ("Wotan id est furor", §26, ed. Hanovre 1876:174-5) et à la thématique plus globale des Bersekkr.

[12] Voir “Dumezil’s German War God”

[13] 

[14] Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Theophoric_name 

[15] Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Yngvi 

[16] Texte Latin [penelope] | Trad. fr. Littré 1850 [Remacle]  | Trad. en Bostock 1855 [Perseus]

[17] 

[18] Snorri Sturluson and the Edda : the conversion of cultural capital in medieval Iceland, Toronto University Press, 2008. [GBooks]

[19] Notamment parce qu’on trouve un passage similaire à la Hakonarmal.

[20] Hauvamal 138

[21] 

[22] Eliade, Le Chamanisme, 296-305, sur les techniques des anciens germains. Ca a aussi été rapproché de la sudation et privation d’eau et de nourriture que subit Odin en tant que Grimnir dans la Grímnismál. (Larrington 50) E.g. Buchholz, Peter. "Odin: Celtic and Siberian Affinities of a German Deity." Mankind Quarterly 24.4 (1984): 427.

[23] von See, Klaus. "Snorri Sturluson and the creation of a Norse cultural ideology." SAGA BOOK-VIKING SOCIETY FOR NORTHERN RESEARCH 25.4 (2001): 367-393. [PDF] et pour un examen de ce genre de parallèle, considérés comme peu convaincants : Larrington, Carolyne. "Hávamál and sources outside Scandinavia." Saga Book of the Viking Society 23 (1991): 141-57. [PDF, academia.edu] mention récente de ces arguments chez McKinnell, John. "The Making of Hávamál." Viking and Medieval Scandinavia 3 (2007): 75-115. [article] ; Canevaro, Lilah Grace. "Hesiod and Hávamál: Transitions and the Transmission of Wisdom." Oral Tradition 29.1 (2014) [PDF]

[24] L’Index ed. latine p. 707 : I, vi; 7-8; I, vii; 1-3; I, viii; 16; II, vii: 21,25-27; II, II: 3, 10; III, IV: 1-13; IV, viii: i; VI, v: 3-6; VII, x: 3, 6; VII, xii: i; VIII, iv: 8-9; "VIII, X: 14; IX, iv: 12.)

[25] "A comparison between Saxo and Snorri is inevitable. Andreas Heusler made this distinction [Andreas Heusler, Die gelehrte Urgeschichte im isländßchen Schrifttum, Berlin 1908 (Abhandl.d.Preuss.Akad.d.Wiss., phil.-hist.Klasse, Nr. 3), reprinted i¡ his Kleine Schriften, vol. 2, Berlin 1969 pp. 80-1ó1 (p. 145).] Snorri wrote systematically in Gylfaginning and Skáldskaparmál and historically in Ynglinga saga, both in a dignified manner; Saxo, on the other hand, seemed to have no clear idea of pagan beliefs and could not refrain from sarcastic or ironic comments." (Skovgaard-Petersen 122)

[26] “Ea tempestate cum Othinus quidam Europa tota falso divinatis titulo” Gesta Danorum I.vii.1 | Ed. latine Holder 1886:25 l. 6-7. [archive.org]

[27] L’édition Müller&Velschow 1839:43 donne “Mitothin”, Holder 1886:25 donne “Mithotyn”, la version du site de la bibliothèque royale danoise basée sur Olrik, J & Raeder 1931 donne “Mithothyn” (?) Voir l’édition 1514???

[28] GD I.vii.1-3 ed. Holder 1886:25-6 [la] |  trad. Koch&Cippola 48-9 [it] | trad. en OMACL.

[29] GD III.iv.1-13 ed. Holder 1886:78ss. [la] |  trad. Koch&Cippola 137ss. [it] | trad. GD III OMACL [en].

[30] Dans la Völuspá (§34), Vali est le fils de Loki dont les entrailles l'attachent. En dehors de ça Vali est mentionné dans la Vafthrudhnirsmal comme un de ceux qui survit au Ragnarok ("Vidar and Baldur Will live in the temples of the gods" §51.1, Larrington 48) et Hyndluljod (§29.2-4) dit qu'il est né pour venger Baldr : "Baldr has slumped against a death-hummock | Vali was born to avenge this | the death of his brother, he slew the killer" (Larrington 257) de même dans Baldrs Draumar 11 : "Rind will give birth to Vali in western halls | Odin's son will fight when one night old | he won't wash his hands nor comb his hair | until he's brought to the pyre Baldr's enemy | Reluctantly I told you, now I'll be silent." (Larrington 244). Gylf. 30 dit “Áli eða Váli heitir einn, sonr Óðins ok Rindar. Hann er djarfr í orrostum ok mjök happskeytr.” (variantes) / “Ale ou Vale, fils d’Odin et de Rind, est vaillant dans le combat et bon archer.” (trad. Puget 43) Cf. Bellows 41.

[31] “Quam protinus cortice carminibus adnotato contingens lymphanti similem reddidit” (Holder 79) ; "allora la toccò con un pezzo di corteccia su cui erano incise delle formule d’incantesimo lasciandola come inebetita" (Koch & Cippola 139)

[32] Gylf. 31 : “Ullr heitir einn, sonr Sifjar, stjúpsonr Þórs. Hann er bogmaðr svá góðr ok skíðfœrr svá at engi má við hann keppask. Hann er ok fagr álitum ok hefir hermanns atgervi. Á hann er ok gott at heita í einvígi.” (Variantes du texte) ; “Uller est fils de Sif et beau-fils de Thor ; il est si habile à tirer de l’arc et court si bien en raquette, que personne ne peut rivaliser avec lui. L’extérieur d’Uller est agréable, ses manières sont martiales : il est bon de l’invoquer dans les combats singuliers.” (trad. Puget 43) ; "One is called Ullr, son of Sif, step-son of Thor; he is so excellent a bowman, and so swift on snowshoes, that none may contend with him. He is also fair of aspect and has the accomplishments of a warrior; it is well to call on him in single-combats.” (trad. Bellows 41)

[33] Bruce Lincoln, Gods and Demons, Priests and Scholars: Critical Explorations in the History of Religions, 2015:23-9. [GBooks]

[34] Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Ullr 

[35] Cf. “Women in the Gesta Danorum” in FRIIS-JENSEN Karsten (dir.) Saxo Grammaticus: A Medieval Author Between Norse and Latin Culture, 1981.

[36] Dictionnaires Cleasby/Vigfusson 1874 s.v. seið ;

[37] Grimnismál §54 : ”Óðinn ek nú heiti, / Yggr ek áðan hét,” ; “Ódinn à présent je m’appelle / Ygg auparavant je m’appelai” Boyer 579 ; “Now I am Othin / Ygg was I once ” Bellows 1936:105.

[38] Zöega 1910 s.v. Til ; Richard Cleasby & Gudbrand Vigfusson An Icelandic-English Dictionary (1874) 

[39] "Óðinn’s rape of Rindr is described once outside the Gesta Danorum, in a line of stanza 3 of Sigurðardrápa, a poem by Kormákr Ögmundarson praising Sigurðr Hlaðajarl, who ruled around Trondheim in the mid-10th century. Like other such praise-poems, it is generally assumed to be genuine rather than a later pseudo-historical composition. Kormákr’s verse contains the statement, seið Yggr til Rindar (Yggr [Óðinn] ?enchanted Rindr)" https://en.wikipedia.org/wiki/Rindr citant Finnur Jónsson (ed.). 1912–15. Den norsk-islandske skjaldedigtning. 4 vols. (Copenhagen: Gyldendal), BI 69. Texte skaldic.abdn.ac.uk | skaldic.abdn.ac 2 | Skjaldedigtning <AI, 79> | notendur.hi.is | heimskringla.no 

[40] “It happened once when Odin had gone to a great distance, and had been so long away that the people Of Asia doubted if he would ever return home, that his two brothers took it upon themselves to divide his estate; but both of them took his wife Frigg to themselves. Odin soon after returned home, and took his wife back.” (trad. en Laing 1844)

[41] ”Þegi þv, Frigg! / þv ert Fiorgyns męr / oc hefir ę vergiorn veriþ, / er þa Vea oc Vilia / leztv þer, Viþris qvęn! / bada i badm vm tekit.“ (ed. Sophie Bugge) voir aussi , Bergmann 1838:330-331.

[42] 

[43] Typiquement dans la Vie de Saint Colomban.

[44] “Here the tale of the gods in Byzantium is inserted.T we are prepared for it first by odin's appearance, then by Hadding's raid along the Düna, one of the river-roads through Russia and via the Black sea to constantin ople, alias Byzantium. The meaning of the ensuing story of odin's misfortunes is to warn the reader against believing that this man was a god. only superstitious scandinavian kings could think so. If they had seen him in his own surroundings they wourd have laughed at a husband with a wife like Frigga, and at his subsequent exile. Just as ridiculous was odin's substitute, Mithodin, who brought nothing but harm to his new home in Fyn when he was expelled from Byzantium. The inhabitants of the island had to get rid of his plague-stricken corpse by planting a stake through it.” (Skovgaard-Petersen 124)

[45] GD VII trad. omacl [en ] ; Holder 246ss [la]

[46] “He appears under various disguises and names, but usually as a one-eyed old man, cowled and hooded; sometimes with another, bald and ragged, as before the battle Hadding won; once as "Hroptr", a huge man skilled in leechcraft, to Ragnar's son Sigfrid. Often he is a helper in battle or doomer of feymen. As "Lysir", a rover of the sea, he helps Hadding. As veteran slinger and archer he helps his favourite Hadding; as charioteer, "Brune", he drives Harald to his death in battle. He teaches Hadding how to array his troops. As "Yggr" the prophet he advises the hero and the gods. As "Wecha" (Waer) the leech he woos Wrinda. He invented the wedge array. He can grant charmed lives to his favourites against steel. He prophesies their victories and death. He snatches up one of his disciples, sets him on his magic horse that rides over seas in the air, as in Skida-runa the god takes the beggar over the North Sea. His image (like that of Frey in the Swedish story of Ogmund dytt and Gunnar helming, "Flatey book", i, 335) could speak by magic power.” (Oliver Elton, Gesta Danorum:Introduction)

[47] “Hadding, thus bereft of his foster-mother, chanced to be made an ally in a solemn covenant to a rover, Lysir, by a certain man of great age that had lost an eye, who took pity on his loneliness. Now the ancients, when about to make a league, were wont to besprinkle their footsteps with blood of one another, so to ratify their pledge of friendship by reciprocal barter of blood. Lysir and Hadding, being bound thus in the strictest league, declared war against Loker, the tyrant of the Kurlanders. ” GD I trad. omacl [en] ; Holder 23 [la]

[48] “One would have thought it a contest of men against gods, for Odin and Thor and the holy array of the gods fought for Balder. There one could have beheld a war in which divine and human might were mingled. But Hother was clad in his steel-defying tunic, and charged the closest bands of the gods, assailing them as vehemently as a son of earth could assail the powers above.” (Texte latin)

[49] “Hengist et Horsa; e quibus Horsa postea occisus in bello a Brettonibus, hactenus in orientalibus Cantiae partibus monumentum habet suo nomine insigne. Erant autem filii Uictgilsi, cuius pater Uitta, cuius pater Uecta, cuius pater Uoden” Bède, Historia I.15 ; Chronique Anglo-Saxonne ;  Chronicon Æthelweardi ; “The Libellus de primo Saxonum uel Normannorum adventulocated in a 12th-century manuscript (London, British Library Cotton Caligula A. viii) and often attributed to Symeon of Durham—contains an illustration of Woden, crowned as ancestral king of the Anglo-Saxons. The text surrounding the illustration describes the royal lineages of the kingdoms of Kent, Mercia, Deira, Bernicia and Wessex respectively, each claiming descent and the right to rule from this legendary figure. […] A strikingly similar image of Woden as a crowned English ancestral figure surrounded by his royal descendants accompanies the 12th-century Historia Anglorum by Henry, Archdeacon of Huntingdon (located in Cambridge Corpus Christi College MS 66). This text connects Woden with Henry II, the contemporary king of England. […] Likewise, Ernulf, Bishop of Rochester describes the kings of East Anglia as descendants of the legendary Woden in his 12th century Textus de Ecclesia Roffensi (found in Rochester Cathedral Library, MS A.3.5).” Cf. “Woden, Allfather of the English” http://archive.is/AKLok  & https://en.wikipedia.org/wiki/Anglo-Saxon_royal_genealogies 

[50] Nine Herbs Charms L’aknunga, manuscrit de remèdes mentionne Odin concoctant un antidote à partir de neuf herbes, le poème est censé être récité comme antidote (??)

[51] North, 88.

[52] http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=harley_ms_585_f160r 

[53] Jakob Grimm I.119-130 pour cette analogie entre Odin/Mercure, qui souffre parfois des exceptions.

[54] Birley (1999:42 and 106—107)

[55] En plus des pratiques païennes qu’il trouve à Luxeuil, Cf. Annexe 1,

[56] Voir annexe 1.

[57] Krusch inclut dans son texte la note qui est exclue du manuscrit A.3 et de celui de Metz (fin IXe s), découvert en 1955 par dom Jean Leclerc, ce qui serait donc une glose.

[58] “Deum maxime Mercurium colunt. Huius sunt plurima simulacrat […] / Le dieu qu'ils honorent le plus est Mercure. Il a un grand nombre de statues […]” (César Bello Gallico VI.17.1 [la]) ; “Deorum maxime Mercurium colunt, cui certis diebus humanis quoque hostiis litare fas habent. / Parmi les dieux, le principal objet de leur culte est Mercure, auquel ils croient devoir à certains jours immoler des victimes humaines.” (Tacite Germania §9 [la])

[59] HEN & INNES, The Uses of the Past in the Early Middle Ages, 2000:18-19. [GBooks]

[60] Deutsche Mythologie 1835:94s [GBooks] Teutonic Mythology, vol. I.7 “Wodan” 131-165.

[61] Deutsche Mythologie chap. 24 1835:511s [GBooks] Teutonic Mythology, vol. III.31 913-950

[62] “Au domaine de Reykja, dans le Skeid, demeurait Runolf fils de Thorstein, Son fils s’appelait Hildiglum. La nuit du dimanche qui tombe douze semaines avant l’hiver, Hildiglum était sorti de la maison. Il entendit un grand bruit, et il lui sembla que le ciel et la terre en tremblaient. Il regarda du côté de l’ouest et crut voir un cercle de feu, et dans ce cercle un homme sur un cheval blanc. Il s’approchait au galop et il avait à la main un tison ardent. Il passa si près qu’Hildiglum put le voir distinctement. Il était noir comme de La poix. Il chantait d’une voix éclatante : « Je monte un cheval couvert de givre, à la crinière de glace. Il apporte la ruine. Ses jambes sont de feu, son coeur est de venin. Tel ce brandon que j’agite, telle court la vengeance de Flosi. » Alors Hildiglum vit l’homme lancer son tison sur les montagnes qui sont à l’est, et il lui sembla qu’il s’élevait des montagnes une flamme si grande qu’il ne pouvait la regarder. L’homme continua sa route vers l’est et disparut dans le feu. Hildiglum rentra, se mit au lit, et fut longtemps sans connaissance. Quand il eut reprit ses sens, il se rappela tout ce qui s’était passé, et le dit à son père. Son père l’engagea à le dire à Hjalti fils de Skeggi. Il alla trouver Hjalti, et lui dit la chose. « C’est la chevauchée des fantômes que tu as vue, dit Hjalti ; et c’est toujours signe d’événements graves. »” (Saga de Niall le Brûlé §125 trad. Dareste 1896:242-3)

[63] De Vries, Contributions to the study of Othin. Especially in his relation to agricultural practices in Modern Popular Lore, 1931. [Northvegr] 

[64] Claude Lecouteux, Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Âge , Paris, Imago, 2013 , 258 p. Résumé:http://archive.is/UoOuU | https://lescoursdodin.wordpress.com/2016/03/06/odin-et-la-chasse-sauvage/

[65] Jung, Ma vie,

[66] "It seems to me that nothing would be more foolish than to re-establish the worship of Wotan. Our old mythology had ceased to be viable when Christianity implanted itself. Nothing dies unless it is moribund. At that period the ancient world was divided between the systems of philosophy and the worship of idols. It's not desirable that the whole of humanity should be stultified—and the only way of getting rid of Christianity is to allow it to die little by little. A movement like ours mustn't let itself be drawn into metaphysical digressions. It must stick to the spirit of exact science. It's not the Party's function to be a counterfeit for religion. […]" Adolf Hitler, midi 14th October 1941; Trevor-Roper, Hugh, ed (2000). Hitler's Table Talk 1941-1944. Trans. N. Cameron and R.H. Stevens (3rd ed.). New York: Engima Books.  p. 61.

[67] “Wotan”, Neue Schweizer Rundschau (Zurich). n.s., III (March, 1936), 657-69. Republished in AUFSATZE ZURZEITGESCHICHTE (Zurich, 1946), 1-23. Trans. by Barbara Hannah in ESSAYS ON CONTEMPORARY EVENTS (London, 1947), 1-16; this version has been consulted. Motto, trans. by H.C. Roberts:  http://www.philosopher.eu/others-writings/essay-on-wotan-w-nietzsche-c-g-jung/ 

[68] “Perhaps we may sum up this general phenomenon as Ergriffenheit — a state of being seized or possessed. The term postulates not only an Ergriffener (one who is seized) but, also, an Ergreifer (one whoseizes). Wotan is an Ergreifer of men, and, unless one wishes to deify Hitler– which has indeed actually happened — he is really the only explanation.”

[69] https://twitter.com/LYMFHSR/status/781611720741650432/photo/1 

[70] Critiqué par  Ginzburg Carlo. Mythologie germanique et nazisme. “Sur un livre ancien de Georges Dumézil” In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 40ᵉ année, N. 4, 1985. pp. 695-715. DOI : 10.3406/ahess.1985.283199  www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1985_num_40_4_283199   

[71] Joseph Roth, Le mythe de l' "âme germanique" Europe, Mar 15, 1938, Vol.46(183), p.313.

[72] Frodi Ingolfson Wehrmann, “Wintersonnenwende — Schicksalswende,” Volkischer Beobachter, 24 Décembre 1925, 4. qui compare le sacrifice d’Odin et de Jésus.

[73] “Une forme d'Odin-Wotan est morte : celle du premier des dieux, personnification d'une espèce encore vouée naïvement au symbolisme de la nature. Mais Odin, en tant que reflet éternel des forces psychiques fondamentales du Nordique, vit aujourd'hui comme il y a cinq mille ans. II rassemble en lui, l'honneur et l'héroïsme, l'univers du chant, de l'art, du droit et la quête éternelle de la sagesse. Un jour, il apprend que les dieux ont rompu le contrat conclu avec les constructeurs du Walhalla, et que, par leur faute, la race des dieux doit périr. Conscient de l'inéluctabilité de cette fin, il ordonne pourtant à Heimdal de sonner du cor pour appeler les Ases au combat. Afin de satisfaire sa soif insatiable de connaissances, le grand dieu ne cesse de parcourir l'univers pour pénétrer le sens du destin et de la nature de l'être. II sacrifie un oeil pour acquérir la plus profonde sagesse. Eternel voyageur, il est le symbole de l'âme nordique perpétuellement en quête et en devenir, et qui ne peut se contenter de se limiter à un Yahwe ou à son représentant. La volonté indomptable qui, à l'origine, traverse si âprement les royaumes nordiques, dans les chants épiques dédiés à Thor, révèle, dès son apparition, son caractère ambivalent : à travers Odin le voyageur, on découvre son côté intérieur, aspirant à quelque chose, cherchant la sagesse, le côté métaphysique. Le même esprit se manifeste à nouveau chez les grands Ostrogoths libres, par exemple, chez le pieux Ulfilas ; il accompagne la chevalerie dans sa gloire, les grands mystiques nordico-occidentaux, et surtout le plus grand de tous, Maître Eckhart. De nouveau, nous constatons que, plus tard, dans la Prusse de Frédéric, 1'ame qui autrefois engendra Odin, renaissait simultanément près de Hohenfriedberg et Leuthen et dans les âmes d'Eckhart et de Goethe. De ce point de vue, il est profondément justifie d'affirmer qu'une légende héroïque nordique, une marche prussienne, une composition de Bach, un sermon d'Eckhart, un monologue de Faust, ne sont que des expressions différentes d'une seule et même âme, des créations de la même volonté, des forces éternelles qui se rassemblèrent d'abord, sous le nom d'Odin, et prirent forme en Fréderic et Bismarck dans les temps modernes.” (trad. von Scholle 1986:632)

[74] Transcultural Encounters between Germany and India:Kindred Spirits in the 19th and 20th Centuries 2013, 356p. part IV n.31 [GBooks] citant Hans F. K. Günther Frömmigkeit nordischer Artung, 1e ed. Jena: Eugen Dietrics Verlag 1934:8 ; Arvidsson Aryan Idols chap. 4-5.

[75] Grímnismál (§20) : "Huginn ok Muninn / fljúga hverjan dag / Jörmungrund yfir; / óumk ek of Hugin / at hann aftr né komit, / þó sjámk meir um Munin.” (ed. Jónsson 1954) ; "Hugin and Munin fly every day / over the wide world; / I for for Hugin that he will not come back / yet I tremble more for Munin." (Larrington 1996:54) ; "O'er Mithgarth Hugin and Munin both / Each day set forth to fly; / For Hugin I fear lest he come not home, / But for Munin my care is more." (Bellows 1923:92) ; "Hugin and Munin fly each day / over the spacious earth. / I fear for Hugin, that he come not back, / yet more anxious am I for Munin." (Thorpe 1907:21)

[76] Gylfaginning §38 : trad. fr Puget 53-4 [Wikisource] trad. en Brodeur 51 [archive]

[77] "attempts have been made to interpret Odin's ravens as a personification of the god's intellectual powers, but this can only be assumed from the names Huginn and Muninn themselves which were unlikely to have been invented much before the 9th or 10th centuries" (Simek 2007:164)