Mail-type - campagne interpellation
Participez à l’action citoyenne massive d’interpellation du Comité de Déontologie Journalistique et des rédactions de la Dernière Heure et de LN24 : infos ci-dessous pour vous aussi leur envoyer un e-mail.
Comité de Déontologie Journalistique : cdj@lecdj.be
Rédactions de la Dernière Heure : redactionweb@saipm.com , redaction@dh.be , mathieu.ladeveze@dh.be , francois.lehodey@dh.be , laurent.depre@dh.be , alexis.carantonis@dh.be , patrice.lehodey@dh.be , nawal.bensalem@dh.be , gauvain.dossantos@dh.be
Interview de Jordan Bardella : la Dernière Heure et LN24 piétinent le cordon sanitaire
Texte du mail (que vous pouvez personnaliser si vous le souhaitez - tant que vous restez dans le cadre de l’appel commun !).
Madame, Monsieur,
L’extrême-droite monte partout dans le monde occidental, mais pas en Wallonie et à Bruxelles, jusqu’à présent. De nombreux facteurs peuvent participer à l’expliquer mais une raison majeure semble être notre cordon sanitaire médiatique, comme en attestent des études scientifiques(1).
Pourtant, la semaine passée, la Dernière Heure et LN24 ont décidé de faire primer le buzz médiatique sur l’éthique journalistique la plus élémentaire et a commis une rupture nette et brutale du cordon sanitaire médiatique, en interviewant Jordan Bardella, le président du parti d’extrême-droite français “Rassemblement National”.
Ce personnage raciste et fasciste reçoit ainsi une tribune dans une vidéo au micro floqué de LN24(2). Et cette interview est retranscrite dans un article intitulé « L'interview cash de Jordan Bardella à La DH: "Le cordon sanitaire ? Un concept très éloigné de l'idée que je me fais de la démocratie" » (3).
Le simple fait d’accorder cette interview constitue en soi une rupture du cordon sanitaire médiatique. Comme l’indique le Conseil de Déontologie Journalistique (CDJ), celui-ci proscrit l’« accès direct à l’expression des candidats, partis, listes, mouvements… dont elles considèrent le programme ou le discours comme liberticide, antidémocratique ou en contradiction avec les lois interdisant le racisme, le sexisme, la discrimination ou le négationnisme. » et indique que pour la « presse imprimée ou en ligne, un accès direct à l’expression peut prendre la forme de “cartes blanches”, de tribunes libres, voire d’interviews. En outre, tous les médias peuvent diffuser des contenus sonores et/ou des vidéos sur leur site web : le refus de l’expression en direct s’y applique » (4).
Pour être plus précis, rappelons que l’objet du cordon sanitaire médiatique n’est pas d’effacer toute mention des partis ou mouvances d’extrême-droite de la presse : en effet, les dangers qu’ils représentent impliquent notamment qu’il soit impératif de pouvoir rendre compte de leurs activités. Comme l’indique la CDJ dans ses recommandations, l’objectif du cordon sanitaire médiatique est plus précisément de garantir que tout relai d’information concernant l’extrême-droite puisse être accompagné d’un traitement journalistique(5) (recoupement, vérification, mise en perspective, distance,…). Or, l’interview susmentionnée n’en comporte pas la moindre trace. L’interview n’est pas contextualisée (il n’y est par exemple initialement pas rappelé que le Rassemblement National est un parti d’extrême-droite) et les réponses de Jordan Bardella ne sont ni mises en perspective, ni vérifiées, mais simplement relayées telles quelles. Si certains en doutaient encore, la rupture du cordon sanitaire est donc bel et bien pleinement caractérisée.
Mais ce n’est pas le pire. Loin d’aller bousculer le leader d’extrême-droite, l’interview fait preuve d’une complaisance effarante. Jugez plutôt. Dès l’introduction, le ton est donné:
« Atteindre Jordan Bardella lors de son passage chahuté à Bruxelles n’était pas chose aisée (...) Finalement, entre deux signatures et trois selfies, le président du Rassemblement national a accepté de répondre à quelques courtes questions. »
Lesdites questions ne valent guère mieux. Plusieurs d’entre elles sont carrément compatissantes envers Jordan Bardella :
« Plusieurs mouvements antifascistes sont actuellement en train de manifester [...] Est-ce que cela vous inquiète ? », ou encore « La présidente des députés du RN encourt jusqu’à dix ans de prison et une amende d’un million d’euros. Êtes-vous inquiet pour la fondatrice de votre parti ? »
Plus généralement, elles lui permettent de répondre en mentant sur ses passages fréquents à Bruxelles sans que son absentéisme ne soit rappelé, de présenter les mouvements d’opposition à l’extrême-droite comme totalitaires, de présenter le cordon sanitaire comme antidémocratique, ou encore de lancer des fake news conspirationnistes sur les raisons de l’inculpation de Marine Le Pen sans que cela ne soit remis en cause par l’intervieweur ou recadré dans l’article.
Et ce n’est toujours pas le pire. Alors qu’une telle violation du cordon sanitaire est déjà un fait particulièrement grave et inédit, l’article ne s’arrête pas en si bon chemin et en vient purement et simplement à critiquer le cordon sanitaire dans son titre :
« L'interview cash de Jordan Bardella à La DH: "Le cordon sanitaire ? Un concept très éloigné de l'idée que je me fais de la démocratie" ».
Simple titre sensationnaliste pour faire le buzz ou volonté éditoriale de remettre en cause le cordon sanitaire ? Peu importe, l’effet est le même : un pas de plus vers la banalisation des idées et partis d’extrême-droite.
L’extrême-droite tue, cette idéologie est dangereuse parce qu’elle vise à mettre fin au principe de l’égalité des droits et à instaurer une discrimination d’Etat basée sur l’identité des personnes qu’elle cherche à attaquer. C’est pour préserver la démocratie que ceux qui la propagent doivent être exclus du champ médiatique.
Madame, Monsieur, cette rupture est grave. Allez-vous laisser faire ?
*Ta signature*